À partir des saisies de faux billets évoquées par la BCE et du nombre de ces billets en circulation, la probabilité de tomber sur un faux billet de 50 euros est de 0,0012%. «Énorme»… (Photo: Shutterstock)

À partir des saisies de faux billets évoquées par la BCE et du nombre de ces billets en circulation, la probabilité de tomber sur un faux billet de 50 euros est de 0,0012%. «Énorme»… (Photo: Shutterstock)

«Les saisies de faux billets en forte augmentation», «De plus en plus de faux billets en circulation», «Faux billets: un phénomène qui prend de l’ampleur»: les titres des médias s’enflamment à la publication, par la Banque centrale européenne, d’un phénomène à l’ampleur ridicule. Ce qui souligne pourquoi les chiffres doivent être maniés avec prudence…

«467.000 billets en euros contrefaits ont été retirés de la circulation en 2023», indique la Banque centrale européenne, ce lundi matin, dans un post. Soit 16 faux billets sur chaque million de billets en circulation, trois faux billets de plus que l’an dernier. La belle affaire…

D’un point de vue statistique, les faux billets seraient dans la marge d’erreur: il y a près de 30 milliards de billets en euros en circulation. Moins de 500.000 billets représentent 0,0015% des billets en circulation. La panique doit gagner le lecteur qui aurait dans son portefeuille quelques-uns de ces vestiges du temps passé, c’est sûr...

Du coup, la Banque centrale européenne détaille encore un peu et fait des billets de 50 euros les plus contrefaits. 38,4% des billets retirés en 2023 étaient des billets de 50 euros. Cela signifie seulement que les billets les plus saisis ont été des billets de 50 euros, pas plus.

Mais il est trois fois plus dangereux d’avoir un billet de 20 euros dans son portefeuille qu’un billet de 50 euros: il y a en effet 14,6 milliards de billets de 50 euros en circulation, contre 4,858 milliards de billets de 20 euros; donc 0,0012% des billets de 50 euros seraient des faux, contre 0,033% des billets de 20 euros, si l’on tirait des déductions à partir des faux billets retirés l’an dernier.

Drogue, jeux ou prostitution: ces deux coupures sont seulement les deux plus utilisées et permettent plus simplement de blanchir de l’argent pour les mafieux à la petite semaine. À leur valeur faciale, ces 467.000 billets valent à peine plus que 25 millions d’euros… sur 3.003 milliards d’euros pour la totalité des billets en circulation…

Dans l’art de faire dire aux chiffres ce qu’ils ne disent pas, je préfère quand même largement cet autre exemple de la Banque de France qui, chaque année, publie une étude sur la nationalité de ceux qui ont des actions du CAC40. Derrière les Américains, 15,4% des actions sont détenues par des Luxembourgeois. Sur la ligne figure un astérisque qui indique que les Luxembourgeois ne possèdent pas ces fameuses actions, mais qu’elles sont dans le patrimoine de sociétés luxembourgeoises sans que l’on puisse affirmer que les Luxembourgeois sont directement propriétaires d’un sixième du CAC40.

C’est à cet instant précis que l’institution française a arrêté de nous répondre. Nous condamnant à attendre avec une impatience à peine dissimulée le rapport annuel de 2024 qui paraîtra début 2025…