Pour mieux servir les clients, les banques misent sur le digital. Le Luxembourg, en tirant profit des innovations réalisées dans les pays voisins en matière de digitalisation, semble en mesure de se distinguer sur la scène européenne en devenant un terrain de choix pour le secteur de l’Open Banking.  

Au Luxembourg, la digitalisation des banques n’est pas neuve. Depuis quelques années, des efforts sont fournis pour les solutions d’e-banking et de mobile banking. Ces derniers temps, cette tendance s’accélère pour s’adapter aux nouveaux modes de distribution retail. En effet, la clientèle préfère réaliser des opérations depuis son domicile, à son rythme, 24h/24 et 7j/7. «Ce qui est relativement nouveau, c’est le besoin de réduire le coût de ces agences physiques. La baisse des taux fait que les marges des banques se réduisent, et il est donc nécessaire de trouver des pistes d’économie. Le taux d’utilisation des agences baisse, car les clients ne ressentent plus le besoin de s’y rendre et des efforts de digitalisation sont entrepris», explique Alexandre Havard, Director Consulting-Banking, Insurance & Non-FSI chez Deloitte.

Le Covid, accélérateur de digitalisation

Si le Covid a permis à certaines banques de se rendre compte qu’elles n’étaient pas équipées en conséquence, il a aussi rendu plus robustes les dispositifs internes de gestion de la digitalisation des institutions bancaires. «À l’inverse des projets des banques, ayant dû être décalés, le virus n’a pas eu d’impact sur les clients. Ces derniers n’ont ressenti aucune différence dans leurs interactions avec leur banque au niveau du daily banking et du paiement.» La baisse de l’utilisation des espèces a en outre connu une accélération. Grâce à la hausse du plafond du contactless, les clients utilisent moins de cash.

Collaborer avec les Fintech

En Europe, de plus en plus de banques retail ont recours à des Fintech. Chez nous, ce phénomène est assez récent et concerne principalement deux sujets: le KYC et les paiements. Le Luxembourg favorise l’attrait des Fintech avec des initiatives à souligner au niveau de la place financière, comme la House of Financial Technology, ou LHoFT.

Les banques regardent de près ce que font les fintech. Pour autant, les partenariats existants sont encore timides. Nous sommes dans l’exploration, car nous avons une offre supérieure à d’autres pays.
Alexandre Havard

Alexandre HavardDirector Consulting-Banking, Insurance & Non-FSIDeloitte

«Les banques regardent de près ce que font les fintech. Pour autant, les partenariats existants sont encore timides. Nous sommes dans l’exploration, car nous avons une offre supérieure à d’autres pays, et certaines banques préfèrent prendre leur temps et s’assurer qu’elles prennent les bonnes décisions. Nous avons ici des exemples de partenariats qui ont marché très vite et très fort chez nous: créations de Fintech pour répondre à PSD2, ou encore Digicash.»

Penser global pour se différencier

La particularité du pays est sa clientèle extrêmement cross-border. Les résidents belges, français, allemands, mais aussi italiens et portugais, conservent généralement un compte dans leur pays d’origine. «Dès qu’une banque souhaite mettre en place un service pour ses clients et pense surtout à l’interconnexion avec des banques luxembourgeoises, elle risque de manquer une partie des volumes de paiements transitant à l’étranger. Il faut donc penser global.» En ce qui concerne l’ensemble des réglementations venant d’Europe, le Luxembourg gagnerait à tenir à l’œil les initiatives des pays voisins, à les reproduire ou collaborer avec ces États.

Des exemples de partenariats, au niveau du paiement, ont d’ailleurs fait leurs preuves. «L’interopérabilité Digicash/Payconiq permet de réaliser des paiements sans avoir à changer d’application, en installer une autre ou effectuer un virement. Nous pourrions imaginer un partenariat plus grand et travailler sur des choses déjà existantes pour atteindre davantage de clients.» Une fois chose faite, il serait alors plus facile pour les banques de proposer à ces clients de nouveaux produits.

Des solutions visent le marché de la banque privée et de l’asset management, mais cela reste limité, car aucun framework et aucune réglementation ne cadrent cela.
Alexandre Havard

Alexandre HavardDirector Consulting-Banking, Insurance & Non-FSIDeloitte

Peu d’initiatives existent pourtant dans le domaine de la banque privée, malgré les besoins de plus en plus souvent exprimés. «Des solutions visent le marché de la banque privée et de l’asset management, mais cela reste limité, car aucun framework et aucune réglementation ne cadrent cela.» Dans ce contexte, des réflexions sont menées au niveau de la Commission européenne sur l’Open Finance et visent à ouvrir davantage les services Open Banking à l’ensemble des produits financiers et à rendre ces derniers accessibles à l’ensemble des acteurs régulés. Cette initiative pourrait offrir au Luxembourg la possibilité de jouer un rôle important grâce au terrain de banques privées dont il dispose et l’importante présence de l’asset management. «L’ensemble des acteurs pouvant innover auraient réellement une portée dans la digitalisation et l’ouverture vers de nouveaux services, tandis que les Fintech auraient un véritable terrain de jeu.»

Pour devenir un acteur incontournable, le pays dispose d’atouts comme l’agilité de ses banques à mettre en place des projets rapidement, l’intérêt du régulateur pour l’innovation, mais également des acteurs particulièrement bien connectés à des banques internationales, permettant d’observer les initiatives à l’étranger. «Il y a plusieurs pistes de réflexion, et ces facteurs de différenciation permettraient de se distinguer des grosses banques retail se trouvant dans des pays plus équipés. Si tout est bien organisé, ce serait le début d’un nouveau hub pour le secteur de l’Open Banking, et les paiements ne seront plus les seuls à être régulés.»