Pour Vincent Hein, le surcoût des autotests ne constitue pas un frein important à la reprise dans l’horeca. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Pour Vincent Hein, le surcoût des autotests ne constitue pas un frein important à la reprise dans l’horeca. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

La vaccination et l’allègement des mesures sanitaires laissent imaginer une reprise pour différents secteurs, selon Vincent Hein, économiste à la Fondation Idea. Il faudra cependant veiller à ne pas stopper les aides brutalement et réorienter l’épargne accumulée pendant la crise dans l’économie.

Dans son dernier tableau de bord, la Fondation Idea adopte un ton optimiste. Il vise, chaque mois, à prendre le pouls de l’économie luxembourgeoise. Le point avec Vincent Hein, économiste à la Fondation et co-auteur de l’étude.

Après de certaines mesures sanitaires, quelles sont vos prévisions de croissance pour le Luxembourg?

Vincent Hein. – «Il est très difficile de faire des projections de croissance pour cette année. Les indicateurs que nous avons sur la fin du premier trimestre et le début du deuxième, avant même les levées de restrictions, sont déjà positifs dans tous les secteurs, y compris le commerce ou les services. Surtout, on voit que les entreprises s’attendent à une augmentation de l’activité dans les prochains mois.

Le chiffre sera forcément impressionnant parce que le PIB a quand même reculé en 2020, même si ce n’est que de 1,3% d’après les premières estimations. Une chute inférieure à ce qu’il s’est passé ailleurs en Europe et qui s’explique par l’importance de la place financière, qui n’a pas connu d’impact très fort de la crise du Covid-19.

Pour quand peut-on attendre ce chiffre impressionnant?

«À partir du deuxième trimestre de cette année, on aura probablement un début de redressement économique lié à la progression de la vaccination, à la fin de la troisième vague et à la fin progressive des restrictions.

Depuis la fin de l’année dernière, il y a une surchauffe de l’activité dans l’industrie qui s’explique par le fait que les consommateurs, pendant la pandémie, ont consommé plus de biens que de services.
Vincent Hein

Vincent HeinéconomisteFondation Idea

Parmi les allègements, il y a la réouverture des restaurants… avec un autotest Covid négatif. Ce qui représente un pour les entreprises ou les clients. À quel point cela pourrait-il freiner la reprise du secteur?

«Les jauges, avec un certain nombre de clients possible par mètre carré, pourraient avoir un impact encore plus fort que le coût du test. Je ne sais pas si cela freinera vraiment les gens en matière de consommation, compte tenu du fait que cela fait quand même plus de six mois qu’on a du mal à accéder à ces services. J’ai plutôt l’impression qu’avec l’été, l’envie de sortir et de profiter des restaurants, le regain de clients sera quand même au rendez-vous.

Dans votre étude, vous soulignez une reprise plus importante dans le secteur de l’industrie…

«Depuis la fin de l’année dernière, il y a une surchauffe de l’activité dans l’industrie qui s’explique par le fait que les consommateurs, pendant la pandémie, ont consommé plus de biens que de services. Nous avons des niveaux d’activité qui ont l’air supérieurs à ce qu’ils étaient avant le Covid, où la situation se dégradait. C’est à nuancer par secteur. Dans l’automobile, l’activité n’est pas aussi bonne. Mais pour tout ce qui est en lien avec la fabrication de matériaux qui fournit le secteur médical, la construction, nous avons de plutôt bons indicateurs.

La pénurie de dans la construction ou de aura-t-elle un impact?

«Oui, évidemment. Cela rallonge les délais de livraison, les coûts des matériaux, ce qui aura un impact sur la rentabilité des entreprises.

Vous soulignez de bons indicateurs pour tous les secteurs. Même ceux encore totalement à l’arrêt, comme l’événementiel ou la culture?

«Malheureusement, les enquêtes de conjoncture que nous avons ne nous donnent pas ce détail. Nous avons d’une part le commerce, d’autre part les services non financiers, avec des activités très hétérogènes. Mais c’est évident que dans ces secteurs, il y a encore des incertitudes sur le fait de pouvoir rouvrir dans de bonnes conditions avec des seuils de rentabilité atteints. Il va falloir continuer à soutenir massivement au cas par cas ces entreprises dans les prochains mois.

Malgré les aides, les dépenses de l’État augmentent peu, de 0,6%, tandis que les recettes augmentent fortement, de 9,5% sur les trois premiers mois de l’année. Comment explique-t-on cela?

«C’est parce que l’économie luxembourgeoise a mieux résisté que la moyenne. Les recettes augmentent sur la plupart des postes: TVA, impôts sur les salaires… Le chômage n’a pas explosé, on a même réussi l’exploit de créer des emplois. Il peut y avoir aussi un phénomène de réallocation des revenus. Un ménage, au lieu d’acheter un voyage à l’étranger et de dépenser là-bas, aura peut-être davantage dépensé au Luxembourg.

Les dépenses ont quand même continué à augmenter, mais moins que l’année dernière. Le recours aux aides proposées n’est pas aussi important.

Pour comparer, l’année dernière, en avril-mai-juin, les recettes avaient baissé de 23% et les dépenses avaient augmenté de 24%.

Une fois que ces aides auront disparu, comment éviter une vague de faillites?

«C’est quelque chose qu’il faudra surveiller de très près. Pour l’instant, nous n’avons pas vu d’explosion des faillites pour plusieurs raisons. Il y a d’abord le fait que les tribunaux de commerce n’ont pas fonctionné à plein régime pendant le confinement. Le fait qu’on a soutenu les entreprises. Et, de manière générale, les faillites n’ont pas lieu au moment des crises, mais des reprises. Parce qu’à ce moment, les entreprises doivent rappeler leurs salariés au chômage partiel, rembourser les impôts qui ont été reportés si c’est le cas, commander des stocks. C’est pour cela qu’il ne faut pas que les dispositifs d’aide du gouvernement s’arrêtent du jour au lendemain au moment où la reprise aura lieu.

Il va falloir créer des initiatives pour inciter les gens à participer à la relance. (…) Au Luxembourg, ce sera une lutte acharnée. L’épargne est quand même concentrée sur les ménages les plus aisés.
Vincent Hein

Vincent HeinéconomisteFondation Idea

Vous soulignez aussi un niveau d’épargne record, qu’il faudrait transformer en consommation pour accélérer la reprise. Comment faire?

«Il va falloir créer des initiatives pour inciter les gens à participer à la relance. Parce que les montants dont nous parlons – 1,6 milliard accumulé en plus en un an par rapport à ce qui est accumulé d’habitude –, c’est vraiment beaucoup d’argent, qui pourrait faire en sorte que le coût de la crise soit moins élevé pour les dépenses publiques et que les entreprises s’en sortent vraiment.

Au Luxembourg, ce sera une lutte acharnée. L’épargne est quand même concentrée sur les ménages les plus aisés. Une manière de la réorienter serait de payer en nature une partie des revenus, en particulier chez les hauts revenus, avec par exemple des chèques-services qui devraient être consommés au Luxembourg avec une date de péremption. Pour agir sur l’épargne, il faut aussi agir sur le marché immobilier, et on a vu que c’était compliqué au Luxembourg.»