Sachin Vankalas: «De nombreux investisseurs éprouvent encore des difficul­tés à bien comprendre la différence entre les investis­se­ments d’impact (impact investing) et les investis­sements ESG.» (Photo: Mike Zenari/Maison Moderne)

Sachin Vankalas: «De nombreux investisseurs éprouvent encore des difficul­tés à bien comprendre la différence entre les investis­se­ments d’impact (impact investing) et les investis­sements ESG.» (Photo: Mike Zenari/Maison Moderne)

Le Luxembourg a fait de la certification des fonds «durables» une de ses expertises reconnues sur le plan international. Le directeur général de l’agence Luxflag, Sachin Vankalas, revient sur l’importance du processus et des critères d’attribution du label ESG.

ESG. Ces trois lettres font la une de l’actualité sur la place financière. Quelle réalité se cache derrière ce sigle?

. – «Le terme ‘ESG’ fait référence à une série de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, qui sont pris en compte par les fonds tout au long du processus et dans les décisions d’investissement. En investissant dans un fonds ESG, vous êtes donc certain de soutenir des acteurs en transition, des entreprises qui souhaitent agir et se développer de manière plus durable et responsable. Dans la pratique, de nombreux indicateurs sont analysés pour déterminer si un fonds et une entreprise dans laquelle on investit répondent aux critères ESG. L’importance stratégique des enjeux ESG peut fortement varier selon la société considérée et son secteur d’activité. Une société active dans l’exploitation minière sera, par exemple, davantage exposée à des problématiques ESG qu’une entreprise du secteur des services. Mais dans tous les cas, investir ESG, c’est investir dans des entreprises présentant de bonnes pratiques environnementales, sociales et de gouvernance.

Quels sont les projets soutenus par les fonds ESG que vous labellisez?

«De nombreux investisseurs éprouvent encore des difficul­tés à bien comprendre la différence entre les investis­se­ments d’impact (impact investing) et les investis­sements ESG. L’impact investing consiste à réaliser des investissements avec l’intention de générer un impact social et/ou environnemental positif direct et mesurable. Il s’agit donc d’un investissement thématique, dans une activité ou un secteur particulier, dans une entreprise ou un projet concret, qui tente d’apporter une réponse à une problématique environnementale ou sociétale précise. À travers l’impact investing, on peut donc investir dans des sociétés qui sont actives, par exemple, dans la santé, l’éducation, le logement social, ou encore l’économie circulaire.

Investir dans l’ESG ne consiste pas à effectuer des placements dans un secteur particulier. Un fonds ESG ouvre la possibilité d’investir dans n’importe quelle activité, à l’exception, bien sûr, des activités exclues par les labels parce que controversées — la pornographie, l’alcool, le tabac, etc. Dans ce cas, c’est le fonctionnement de l’entreprise et ses engagements dans une démarche de transition, et non son activité ou ses services, qui sont analysés pour déterminer sa durabilité.

Comment les fonds ESG sont-ils certifiés par Luxflag? Quels sont les critères pris en compte?

«Pour qu’un fonds soit labellisé ESG par Luxflag, il faut que 100% de ses investissements suivent une stratégie ESG. Autrement dit, la totalité du portfolio doit répondre à des critères bien précis, tant en matière environnementale que sociale ou de gouvernance. Les facteurs ESG doivent jouer un rôle important dans les décisions d’investissement. On analyse ainsi comment et dans quels pays les investissements sont réalisés, à travers quels processus et à quelles fins ils sont effectués.

Les critères environnementaux englobent tous les aspects de l’activité d’une entreprise qui affectent l’environnement de manière positive ou négative: émissions de gaz à effet de serre, énergies renouvelables, pollution chimique, impact sur la biodiversité, etc. Les problématiques sociales concernent, quant à elles, l’amélioration de la santé et de l’éducation, le respect des droits de l’Homme, la non-discrimination, ou encore l’engagement des parties prenantes. Enfin, les critères de gouvernance ont trait à la qualité de la gestion de l’entreprise, à sa culture, à son profil de risque.

Après audit des informations fournies par le fonds de placement candidat, le label ESG est octroyé par le conseil d’administration de Luxflag pour une période d’un an, et peut être renouvelé.

L’ensemble de la finance doit devenir durable.
Sachin Vankalas

Sachin Vankalasdirecteur généralLuxflag

Les fonds durables constituent-ils un nouveau pilier pour les places financières?

«C’est certain. L’ensemble de la finance doit devenir durable. Elle doit, à terme, apporter un impact positif à la fois pour les individus, pour la société et pour la planète sur laquelle nous vivons. Il y a 10 ans, les fonds ESG n’étaient encore qu’un marché de niche. Aujourd’hui, tout gestionnaire d’actifs, tout investisseur de taille raisonnable, prend en compte ces critères ESG. De la même manière, les entreprises doivent désormais considérer les pratiques ESG dans leurs opérations et processus. Nous sommes témoins de cette croissance de la finance durable: alors que nous ne labellisions encore que 34 fonds ESG en 2018, ils étaient 101 en 2019, et 130 à la mi-2020. D’ici la fin du troisième trimestre 2020, nous devrions labelliser 200 fonds ESG.

Quels sont les prochains projets de Luxflag?

«La finance durable concerne tous les domaines d’activité. Afin de continuer à la promouvoir et d’offrir encore davantage de transparence aux investisseurs, Luxflag va étendre ses activités en labellisant de nouveaux produits dans trois secteurs: les banques, les assurances et le real estate. Si ces industries sont déjà couvertes par nos labels actuels, elles disposeront à l’avenir de labels spécifiques. Ceux-ci devraient être lancés l’an prochain.

Il existe plusieurs organismes de certification de fonds, dans différents pays, qui n’appliquent pas toujours les mêmes critères. En quoi votre agence luxembourgeoise se distingue-t-elle?

«L’un des facteurs distinctifs de Luxflag réside dans son caractère international. Celui-ci permet d’étiqueter les fonds, quel que soit leur pays de domicile, de gestion ou de distribution, alors que la plupart des autres agences de labellisation opèrent sur un marché local.

Par ailleurs, grâce à sa gouvernance interne, Luxflag fonctionne de manière indépendante et neutre. En déployant des comités d’éligibilité pour les labels, nous garantissons un examen rigoureux des fonds candidats. Les labels Luxflag sont ainsi reconnus pour leurs standards élevés et leur transparence envers les investisseurs. À cet égard, Luxflag a obtenu, en janvier 2020, la certification ISAE 3000 Type II pour son processus d’émission de labels et ses contrôles. Nous sommes la première agence de labellisation en finance durable en Europe à recevoir une telle certification d’assurance externe.

Enfin, avec des opportunités trimestrielles de soumission des candidatures, Luxflag offre un processus de candidature flexible à des coûts compétitifs et transparents.

En quoi la labellisation Luxflag peut-elle permettre au Luxembourg de rayonner sur la scène internationale de la finance durable?

«À travers ses labels, Luxflag apporte plus de transparence aux investisseurs, quels qu’ils soient, où qu’ils soient. En menant un processus d’évaluation rigoureux, nous garantissons également la qualité de l’investissement durable. Cela contribue à faire du Luxembourg un centre financier d’excellence, reconnu pour sa qualité. En outre, de par son caractère indépendant, neutre et international, le travail de Luxflag est très apprécié. Preuve en est, de plus en plus de produits, issus de juridictions de plus en plus variées, demandent à être labellisés Luxflag. Dans ce contexte, il est clair que la progression de notre activité participe à accroître l’influence et l’importance du Luxembourg sur la carte mondiale de la finance durable.

D’autres centres financiers essaient-ils de se distinguer dans ce domaine?

«Nous constatons avec satisfaction que l’ensemble des centres financiers comprennent l’importance de la finance durable, ce qui, espérons-le, se traduira par une mobilisation de capitaux privés, afin d’atteindre les objectifs de développement durable et les ambitions énoncées dans l’accord de Paris.»

Cet article a été rédigé pour le supplément «Fonds» de l’édition magazine de , qui est parue le 24 septembre 2020.

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