Le nettoyage des locaux est souvent une des premières activités externalisées. (Photo : Shutterstock)

Le nettoyage des locaux est souvent une des premières activités externalisées. (Photo : Shutterstock)

De l’accueil des clients à l’entretien des espaces verts, de la gestion du courrier à l’intégration 
de solutions informatiques, de la maintenance du bâtiment à l’introduction du bien-être 
au travail, le «facility management» est un secteur d’activité en plein développement.

Quand vous entrez dans un centre commercial, quand vous arrivez au guichet d’accueil d’une entreprise, quand vous vous installez dans une salle de réunion chez un client ou que vous profitez d’un moment de détente dans un espace vert aménagé à l’arrière de votre bureau, lequel d’entre vous se rend compte du travail mené dans l’ombre pour que tous ces moments vous soient les plus agréables possible? Pourtant, pour atteindre ce but, une multitude de métiers s’activent à l’abri des regards pour nettoyer les sols, assurer le bon éclairage, remplir les distributeurs de boissons, veiller au bon fonctionnement des escalators ou des ascenseurs, vous garantir une réunion de qualité dans une salle équipée de tout le matériel multimédia nécessaire, tondre les pelouses et tailler les haies…

Bienvenue dans le monde hétéroclite du «facility management». De manière très générale, ce terme venu des États-Unis regroupe un ensemble d’activités qui contribuent au bon fonctionnement de l’entreprise, en dehors de son cœur de métier. Ces activités sont pilotées par un «facility manager» qui, en fonction de la taille de la société, peut être à la tête d’un département des services généraux pour les plus grandes entreprises, un directeur des ressources humaines, un responsable administratif ou un simple collaborateur, pour les plus petites structures. Certaines tâches peuvent être externalisées et confiées à des fournisseurs spécialisés. Dans ce cas, le «facility manager» devient le chef d’orchestre. Il est responsable des appels d’offres, du suivi des prestations et du choix des fournisseurs.

Un métier aux multiples facettes

«Si l’on devait donner une vue d’ensemble du «facility management», tout commence par le bâtiment. Des équipes vont proposer des infrastructures, les dimensionner, les construire pour y accueillir ensuite une ou plusieurs société(s). Cela implique des domaines sous-jacents comme le design, l’écologie, le respect des normes de sécurité et de bien-être…, explique , country manager de Ricoh Luxembourg. Ensuite, les sociétés vont prendre possession de leurs locaux, y développer des métiers différents. Il va donc falloir organiser les bureaux, faire en sorte que les collaborateurs s’y sentent bien. On va s’intéresser au bien-être, à la sécurité, à l’hygiène, à l’aménagement des postes de travail, souvent bien au-delà des normes légales. Très vite, on va toucher à la responsabilité sociale et environnementale (RSE) de l’entreprise pour la traduire concrètement sur le terrain. Et ce n’est encore qu’une partie des tâches qui peuvent attendre un ‘facility manager’. C’est un domaine très vaste, mais je suis convaincu que c’est l’un des métiers de demain.» Le service «facility» doit à la fois satisfaire des clients externes (visiteurs, clients, prospects…), et les clients internes que sont les collaborateurs, afin de leur permettre de travailler dans les meilleures conditions.

Si l’on se place d’un point de vue stratégique, on comprend très vite qu’un patron n’a aucun intérêt à maintenir en interne des personnes qui vont sortir les poubelles, entretenir les espaces verts ou s’occuper de la gestion des fournitures…
Julien Dailland

Julien Daillandcountry managerSamsic Facility Luxembourg

Certaines sociétés se sont spécialisées dans le «facility management» et gèrent cet aspect pour le compte de différents clients. Pour l’entreprise, la question centrale est de savoir jusqu’où il faut externaliser toutes ces tâches annexes, mais pourtant essentielles à la bonne marche des opérations. «Aujourd’hui, l’‘outsourcing’ n’est pas assez développé», analyse Christopher Becmann, asset manager, dont l’un des métiers est de veiller à la bonne gestion d’immeubles pour le compte de leurs propriétaires. «La tendance est à l’externalisation totale, et tous ceux qui pensent pouvoir gérer ces aspects en interne se trompent, poursuit-il. En externalisant, les entreprises disposent d’une flexibilité accrue, notamment en ce qui concerne la gestion du personnel. À cela s’ajoute l’aspect veille réglementaire, ne fût-ce qu’au niveau de l’évolution technique des bâtiments, de la domotique. Il est devenu impossible de tout suivre et de tout maîtriser.»

Le marché évolue progressivement. Les grandes sociétés se renseignent davantage sur les possibilités d’externalisation de certaines tâches. «Un grand cabinet d’avocats qui occupe trois agents de nettoyage a désormais tendance à les sortir de son ‘payroll’», constate , country manager de Samsic Facility Luxembourg. «Et si l’on se place d’un point de vue stratégique, on comprend très vite qu’un patron n’a aucun intérêt à maintenir en interne des personnes qui vont sortir les poubelles, entretenir les espaces verts ou s’occuper de la gestion des fournitures… En faisant appel à l’outsourcing et en confiant le pilotage de l’ensemble de ses sous-traitants à un prestataire externe, il obtient une vision mutualisée de ses coûts de fonctionnement.»

Un profil d’homme de terrain

Sur le terrain, un «facility manager», ou l’équipe interne en charge du «facility management», doit disposer d’une bonne connaissance des enjeux et d’une capacité à résoudre les problèmes au plus vite. «Aucune formation n’existe, c’est l’expérience du terrain qui fait toute la différence», partage Adrien Jacquemin, ancien «facility manager» du Belval Plaza Shopping Center et aujourd’hui à la tête de sa propre structure de project management.

«J’ai moi-même une formation d’ingénieur, avec un aspect sécurité et environnement. J’ai découvert ce métier sur le tas. Un bon ‘facility manager’ est quelqu’un de généraliste. Il doit s’intéresser à beaucoup de domaines pour ne pas se laisser raconter n’importe quoi. Il a une culture technique étendue, mais il doit aussi connaître ses limites et s’appuyer sur des spécialistes dès que cela est nécessaire.» Disposant d’un bon réseau pour trouver rapidement des solutions aux problèmes rencontrés au quotidien, il est aussi à l’intersection de toutes les parties prenantes. «C’est en centre commercial que cette gestion est sans doute la plus compliquée. Le propriétaire gère souvent en interne le ‘facility management’ de ses bâtiments, qu’il confie à une petite équipe sur place. C’est ensuite au ‘facility manager’ de veiller à l’exploitation du bâtiment, de gérer les charges locatives et les charges communes, d’assurer le secrétariat pour les commerçants… Toute la vie du centre est entre vos mains et vous devez gérer une soixantaine de contrats, proposer des améliorations et des investissements...»

À la différence des concierges, le ‘facility manager’ doit aussi satisfaire les collaborateurs de l’entreprise, les commerçants d’un centre commercial, les propriétaires, les locataires, les clients…

Christopher Becmannasset manager

De façon générale, un bon «facility manager» doit maîtriser l’art du compromis. Il reste toutefois difficile de dresser un portrait-robot fidèle de ce métier hétérogène, qui présente des variations selon qu’on gère un centre commercial ou un immeuble de bureaux pour le compte d’un propriétaire, ou encore une entreprise de 50 ou de 1.000 personnes sous la direction d’associés ou d’un CEO. «Dans tous les cas, un bon ‘facility manager’ doit pouvoir s’entourer. Il sait que son planning est prêt à 7h30 et va changer à 8h. On peut le comparer au super concierge d’un grand hôtel de luxe, dont la mission principale est de veiller au bon déroulement du séjour des clients et de satisfaire toutes leurs demandes, même les plus originales», explique Christopher Becmann. «Mais à la différence des concierges, le ‘facility manager’ doit aussi satisfaire les collaborateurs de l’entreprise, les commerçants d’un centre commercial, les propriétaires, les locataires, les clients… S’il rencontre un problème, c’est à lui de se débrouiller parce qu’il n’existe pas de référentiel, de bouquins ou de formations pour apprendre le métier.» De plus en plus, il doit aussi intégrer des notions de rentabilité, de réduction de coûts, d’optimisation de processus ou encore de digitalisation.

De l’externalisation partielle à l’outsourcing global

Parmi les prestataires de services de «facility management», on trouve de toutes petites structures, spécialisées dans un aspect bien précis. C’est le cas du Chat Biotté, structure active dans la livraison de paniers de fruits biologiques. «L’activité a vu le jour voici une dizaine d’années. Au début, l’idée était de travailler essentiellement avec les particuliers, mais nous avons également rencontré les besoins des entreprises, à la recherche de produits sains pour leurs collaborateurs. Des études ont démontré que les employés qui mangeaient régulièrement des fruits avaient une meilleure productivité que les autres», confie Audrey Charvet, commerciale. Depuis plusieurs années maintenant, la tournée de livraison s’arrête dans de nombreuses entreprises à Luxembourg-ville et dans le sud du pays. Et l’activité ne fait que grandir.

Nous n’avons pas toujours les compétences en interne.
Julien Dailland

Julien Daillandcountry managerSamsic Facility Luxembourg

Ces entreprises très spécialisées côtoient d’autres sociétés dont le but est d’offrir un maximum de services de «facility management» sous une seule enseigne. «Notre volonté est de permettre à notre client de se reconcentrer pleinement sur son cœur de métier, confie Julien Dailland. Pour ce faire, nous lui proposons de piloter à sa place tout un ensemble de compétences utiles, voire indispensables, à son activité. Certaines entreprises nous sollicitent pour un domaine d’expertise bien particulier, d’autres nous confient un plus large panel de services dans une volonté de mutualiser les coûts.»

De telles entreprises proposent à leurs clients de mettre en commun les prestations, de repenser leurs processus, de prendre en charge tout ou partie de leurs services généraux, ou encore de mettre en place des outils de pilotage dans des domaines aussi variés que le secteur tertiaire, la logistique, les transports, le commerce, l’industrie, l’hôtellerie… «Pour donner un exemple, nous sommes amenés à assurer 26 métiers différents auprès de l’un de nos clients à Luxembourg-ville. Nous n’avons pas toujours les compétences en interne, par exemple dans le domaine du catering, mais nous sommes là pour trouver les bons sous-traitants quand cela est nécessaire, précise Julien Dailland. Notre stratégie est toutefois de diminuer au maximum cette part de sous-traitance afin de réduire l’accumulation des marges, toujours dans l’intérêt de nos clients.»

Libérer l’espace grâce à la technologie

D’autres prestataires s’intéressent à un domaine de compétences particulier, sur base de leur propre cœur de métier. Les services de catering demandent notamment une expertise qu’il est difficile, voire impossible, de maîtriser en interne. D’autres vont se concentrer sur la digitalisation, dans son acception la plus large. «Notre métier est d’aider nos clients à s’engager dans un processus de transformation digitale, détaille Patrick Kemper. Aujourd’hui, une entreprise doit se concentrer sur son core business pour gagner de l’argent et satisfaire ses clients. Elle ne doit pas perdre d’énergie dans des fonctions annexes comme l’impression et la gestion de processus documentaires. Elle doit optimiser et automatiser les tâches répétitives, et cette digitalisation va bien au-delà du papier. On parle de gestion électronique des documents, la finalité étant de pouvoir archiver n’importe quel document pour ensuite pouvoir le retrouver, peu importe le moment et l’endroit où l’on se trouve.»

La gestion et l’optimisation de l’espace constituent de vrais problèmes pour nous tous.
Patrick Kemper

Patrick Kempercountry managerRicoh Luxembourg

Au Luxembourg, le prix du mètre carré en immobilier de bureaux oblige les entreprises à chercher sans cesse des pistes d’économies tout en veillant à améliorer la rentabilité et l’efficacité de leur organisation. «La gestion et l’optimisation de l’espace constituent de vrais problèmes pour nous tous, ajoute Patrick Kemper. Grâce à des outils digitaux, on peut aujourd’hui mettre en place des desks virtuels pour confier d’autres tâches aux traditionnels réceptionnistes, gérer la réservation de salles de réunion, de places de parking. Ils permettent également de mieux collaborer depuis différents endroits, comme si l’on était en face à face. Les technologies modernes doivent nous aider à nous améliorer et à libérer l’espace. Dans le même contexte, on parle beaucoup de confort de travail, de services de conciergerie… Un simple exemple? Les collaborateurs sont nombreux à faire livrer leurs colis au bureau. Mais plutôt que de demander à la secrétaire de gérer les paquets, avec tous les risques que cela comporte et le temps que cela prend, nous avons mis en place une box électronique. Le livreur dépose le colis, le collaborateur est averti de son arrivée et le casier s’ouvre avec le code reçu par SMS. La traçabilité est garantie, et la méthode est compliant avec le RGPD.»

Bientôt un salon du «facility management»…

Afin de donner davantage de visibilité aux métiers du «facility management», une nouvelle association a vu le jour voici quelques mois au Luxembourg. «Le Grand-Duché n’est pas en retard par rapport à d’autres pays voisins quant à la qualité et la diversité des acteurs présents, mais les métiers du ‘facility management’ manquent de visibilité. Dans ce contexte, la création de Facility Luxembourg est une très bonne chose», constate Christopher Becmann. «Cette association est avant tout un lieu de partage où nous pouvons échanger sur des problématiques très concrètes, précise Audrey Charvet. Pour une petite entreprise comme Le Chat Biotté, c’est particulièrement enrichissant de pouvoir participer à des réunions et des ateliers avec d’autres professionnels bien plus importants, sans esprit de compétition.» Fournisseurs et demandeurs de services se retrouvent à une même table pour mener le marché vers davantage de maturité. C’est ainsi qu’un premier salon du «facility management» devrait voir le jour à l’initiative de Facility Luxembourg dès cet automne.

Le ‘facility manager’ a une belle carte à jouer pour passer d’un centre de coûts à un générateur de revenus.
Patrick Kemper

Patrick Kempercountry managerRicoh Luxembourg

Loin des feux de la rampe, le métier évolue sans cesse et s’imprègne des nouvelles tendances. «De l’ombre, il va passer au premier plan», prédit encore Patrick Kemper. «Le ‘facility manager’ a une belle carte à jouer pour passer d’un centre de coûts à un générateur de revenus. C’est à lui que revient d’amener dans la société des solutions innovantes qui vont permettre de réaliser des économies. À cela s’ajoute un aspect rétention et fidélisation du personnel toujours plus important. Il doit pouvoir utiliser les évolutions technologiques au profit de son organisation.»

Nous vivons une période de transition intense. Les changements sont nombreux, et il faut pouvoir les comprendre, les appréhender pour ensuite les traduire en solutions concrètes sur le terrain, en bonne entente avec toutes les parties prenantes. Le métier est multiple et demande de rassembler diverses expertises. Si on pense à la digitalisation, on imagine que c’est l’IT qui va s’en occuper. Mais ce ne sont pas les services informatiques qui vont prendre en main l’amélioration des espaces de travail. Il faut donc trouver la bonne interface pour trouver et mettre en place des solutions plus professionnelles, plus écologiques, plus efficaces et plus plaisantes pour l’utilisateur.

Placer l’humain au cœur des nouveaux environnements de travail

Dans les secteurs du commerce et de l’immobilier de bureaux, le «facility manager» endosse de plus en plus régulièrement le costume d’«asset manager». «C’est à lui de contrôler la rentabilité du centre et de développer les actifs, en amenant de nouvelles idées. Il devient un gestionnaire hyper polyvalent», relève Adrien Jacquemin. Et quand il s’agit de concevoir les bureaux de demain, là aussi, le «facility manager» doit constamment remettre en question sa façon d’appréhender le marché. «Dans la mouvance du bien-être au travail, les prochains immeubles de bureaux qui sortiront de terre voudront recevoir la certification WELL Building Standard, qui n’est autre que le nouveau référentiel pour le bien-être en entreprise, témoigne Christopher Becmann. Elle introduit de nouvelles normes concernant le bien-être des salariés en entreprise. À la différence de certains labels déjà existants, elle se focalise principalement sur les occupants plutôt que sur les bâtiments. Or, jusqu’ici, les labels HQE, Breeam et autres ne tenaient pas compte de l’utilisateur final. On revient par exemple en arrière par rapport aux systèmes de climatisation, au profit d’une ventilation naturelle. On aménage enfin de vraies cages d’escalier pour offrir une alternative à l’ascenseur…»

Les entreprises doivent aujourd’hui mettre tout en œuvre pour accueillir leurs collaborateurs dans les meilleures conditions, essentiellement pour les fidéliser.

Christopher Becmannasset manager

Cette question du bien-être au travail et de la responsabilité sociale des entreprises fera partie des prochains challenges des constructeurs, des propriétaires et des locataires de bureaux. Dans ce cadre, le «facility manager» va devoir anticiper et comprendre les attentes des futurs occupants. «Les entreprises doivent aujourd’hui mettre tout en œuvre pour accueillir leurs collaborateurs dans les meilleures conditions, essentiellement pour les fidéliser. Elles ne peuvent toutefois pas gérer toutes ces questions en interne, d’où l’intérêt d’externaliser un maximum d’éléments, en faisant confiance à des professionnels», ajoute Christopher Becmann.

La fonction du «facility manager» évolue progressivement d’un poste d’intendance vers un poste à forte responsabilité. Les différentes crises économiques ont eu un impact sur l’évolution du métier. La rationalisation des budgets, la qualité de service interne, le bien-être des salariés et la gestion efficiente des actifs immobiliers sont autant d’éléments stratégiques pour l’entreprise. Les dispositions légales en matière d’hygiène et de sécurité, les réglementations environnementales qui évoluent régulièrement, mais aussi la complexification technique des installations et la diversité des services proposés aux occupants (conciergerie, crèche d’entreprise, etc.) demandent des compétences pointues. On constate dès lors une professionnalisation du métier, qui demande une maîtrise accrue de compétences diverses en immobilier, dans les domaines juridique et technique, ou encore dans celui des achats.

Véritable chef d’orchestre au service de son employeur ou de son client, le «facility manager» mène sa barque contre vents et marées, pour que l’ensemble des passagers du navire vivent l’expérience la plus agréable possible, dans un environnement serein, accueillant, sécurisé et parfaitement optimisé.