La Cour de justice de l’UE a retenu une interprétation plus large et plus sévère de la directive de 2000 sur le commerce électronique permettant aux juges nationaux d’imposer aux hébergeurs de supprimer les contenus jugés diffamatoires ou leur accès. (Photo : Matic Zorman/Archives Paperjam)

La Cour de justice de l’UE a retenu une interprétation plus large et plus sévère de la directive de 2000 sur le commerce électronique permettant aux juges nationaux d’imposer aux hébergeurs de supprimer les contenus jugés diffamatoires ou leur accès. (Photo : Matic Zorman/Archives Paperjam)

La Cour de justice de l’UE renforce les obligations des hébergeurs dès lors qu’un commentaire diffamatoire leur a été signalé.

Arrêt après arrêt, les juges du Kirchberg continuent de préciser les droits et devoirs des acteurs du numérique, sans craindre de s’en prendre à des géants du secteur. Après , ou , les juges de Luxembourg ont tranché, jeudi, dans une affaire portant sur les obligations des réseaux sociaux en matière de contenus diffamatoires.

Une fois n’est pas coutume – mais cela avait déjà été le cas dans l’affaire Google Espagne de 2014, par laquelle la CJUE avait consacré le  –, les juges du Kirchberg sont allés plus loin que l’avocat général , en retenant une interprétation à la fois plus large et plus sévère de la directive de 2000 sur le commerce électronique.

Les contenus équivalents concernés sous conditions

La directive autorise les juges nationaux à obliger un hébergeur à supprimer un commentaire illicite qui lui a été signalé ou à bloquer l’accès à ce commentaire. Selon la Cour, cette obligation doit être étendue aux commentaires identiques stockés par l’hébergeur, ainsi qu’aux contenus équivalents – cette fois sous condition, puisqu’une obligation d’identifier des informations équivalentes provenant de tout utilisateur risquerait de verser dans la censure et d’occasionner des coûts exorbitants, avait d’ailleurs souligné l’avocat général Szpunar.

La Cour pose donc comme limite que «la surveillance et la recherche des informations concernées par une telle injonction soient limitées à des informations véhiculant un message dont le contenu demeure, en substance, inchangé par rapport à celui ayant donné lieu à la déclaration d’illicéité» et que l’hébergeur puisse retrouver ces contenus en utilisant des moyens de recherche automatisés.

Enfin, les juges valident la possibilité pour un juge d’enjoindre à l’hébergeur de supprimer ces contenus ou de bloquer leur accès au niveau mondial. L’avocat général suggérait cette réponse tout en soulignant la complexité de son application au regard du droit international et privé. «Il est du ressort des États membres de veiller à ce que les mesures qu’ils adoptent et qui produisent des effets à l’échelle mondiale tiennent dûment compte de ces dernières règles», souligne la Cour, renvoyant donc les États membres à leurs responsabilités.

Une affaire née en Autriche

Dans l’affaire en cause, Facebook était attaqué par l’Autrichienne Eva Glawischnig-Piesczek, députée au Nationalrat et présidente du groupe parlementaire Die Grünen. Celle-ci réclamait la suppression d’un commentaire dégradant publié sur la page d’un utilisateur de Facebook en réaction à un article de presse du magazine d’information en ligne oe24.at sur le soutien des Verts à un revenu minimal pour les réfugiés, qui avait donné lieu à de nombreux commentaires, dont un reconnu comme injurieux et diffamatoire à l’encontre de Mme Glawischnig-Piesczek, selon la justice autrichienne.

Facebook ignorant sa demande, Mme Glawischnig-Piesczek avait demandé à la justice autrichienne de rendre une ordonnance de référé à l’encontre du géant du numérique afin de l’obliger à supprimer le commentaire diffamatoire. Chose faite en première instance, sauf que la victime réclamait une suppression du commentaire au-delà des frontières autrichiennes.

La Cour suprême autrichienne avait alors interrogé la CJUE sur la portée de la directive sur le commerce électronique, la question étant de savoir si l’injonction de cessation pouvait aussi être étendue, au niveau mondial, aux déclarations textuellement identiques et/ou de contenu équivalent dont Facebook n’a pas connaissance.