L’évolution vers le cloud, inéluctable, ne se fait pas au même rythme pour tous. Très avancée dans le tertiaire, elle l’est moins dans l’industrie manufacturière, où demeurent de nombreux questionnements. Le point avec Nicolas Sanitas, senior advisor and digital community coordinator chez Luxinnovation.

Que ce soit pour la gestion des emails, le partage de fichiers ou dans l’usage d’applications métier spécifique en mode SaaS (Software as a Service), toutes les organisations, peu importe leur taille, utilisent dorénavant le cloud. Oubliées les infrastructures «on premise», qui étaient la norme il y a encore 15 ans et place à des structures largement hybrides (sur site et dans le cloud), voire totalement dans les nuages.

Du reste, une étude de McKinsey de 2021 montre, dans le domaine manufacturier, que toutes les fonctions de l’entreprise attribuent une note élevée à leur organisation dans sa maturité vis-à-vis du cloud.

Toutes les organisations, peu importe leur taille, utilisent dorénavant le cloud.
Nicolas Sanitas

Nicolas Sanitassenior advisor and digital community coordinatorLuxinnovation

Une autre étude, menée en 2021 par IoT Analytics, a montré qu’à peu près 20% des entreprises manufacturières interrogées allaient entamer une migration de leurs systèmes de production vers le cloud.

De nombreux atouts

Passer d’une approche «on premise» au cloud a permis de changer la manière dont l’IT est perçue sur le plan de la stratégie financière de l’entreprise. D’une approche «CapEx» (investissements lourds, sur un temps donné), on voit dorénavant les choses sous un angle «OpEx» (dépenses d’exploitation récurrentes), avec des engagements moins contraignants, sans perdre sur le niveau de services.

En outre, la maintenance des systèmes est facilitée, puisque le déploiement des mises à jour (de sécurité notamment) est généralement assuré par l’opérateur, de manière transparente pour le client, qui gagne ainsi en tranquillité d’esprit.

Par ailleurs, la délocalisation des moyens informatiques proposée par le cloud à n’importe quelle PME d’avoir accès, à la demande et donc à un coût maîtrisé, aux mêmes capacités de calcul qu’une plus grande entreprise.

Se poser les bonnes questions 

Cela ne veut pas dire pour autant qu’il est pertinent d’envisager un passage sur le cloud en mode «Big Bang», où toutes les ressources seraient basculées en même temps sur le nuage. La mise en œuvre d’une telle externalisation nécessite tout autant de se poser des questions d’ordre juridique (où mes données seront-elles hébergées?), techniques (de quels capacités et niveaux de services vais-je avoir besoin?) ou liées à la cybersécurité (nous en reparlerons plus loin).

De fait, l’analyse détaillée de l’environnement opérationnel peut parfois permettre d’aboutir à la décision de conserver, sur site, une partie des données ou services: quel intérêt y aurait-il, par exemple, à envoyer des données brutes sorties d’une machine de production à l’autre bout de la Terre, enrichies par d’autres données issues d’une machine voisine?

C’est là que le Edge computing entre en jeu. De plus en plus vu comme indissociable de toute démarche cloud, il permet de traiter sur site certaines informations et de réaliser certains services, des plus basiques aux plus critiques.

Une approche «multi-cloud» peut aussi être envisagée, en positionnant des intermédiaires entre l’entreprise et ses fournisseurs de cloud «traditionnels». Il est ainsi possible de panacher les services offerts par ces derniers, pour en tirer le meilleur, sur les plans technologiques et financiers.

Et la sécurité dans tout ça ?

Les années 2021 et 2022 ont marqué l’histoire de la cybersécurité: au tournant de la pandémie, en même temps que le monde réalisait à quel point l’industrie manufacturière lui était essentielle, cette dernière a été l’industrie la plus attaquée selon IBM.

Contrairement aux idées reçues, passer au cloud n’exempte en rien de se soucier de la cybersécurité de son infrastructure, même si cette responsabilité incombe aussi, en partie, aux opérateurs de cloud eux-mêmes. 

Contrairement aux idées reçues, passer au cloud n’exempte en rien de se soucier de la cybersécurité de son infrastructure
Nicolas Sanitas

Nicolas Sanitassenior advisor and digital community coordinatorLuxinnovation

Contrairement à ce qui est aussi imaginé, ce ne sont pas nécessairement les installations hybrides, aux configurations plus complexes et plus exposées, qui sont les plus susceptibles d’être attaquées. Une autre étude d’IBM montre ainsi que les attaques se font autant sur le cloud que sur les infrastructures hybrides. Et ce sont même les attaques touchant les infrastructures 100% cloud qui coûtent le plus cher (5,02 milliards d’USD contre 4,24 en moyenne pour une attaque d’une infrastructure hybride).

Un décollage en toute sécurité 

Parce qu’il est dorénavant accessible à chaque entreprise, quelle que soit sa taille, et qu’il offre des avantages dans des domaines et pour des applications de plus en plus variées, le cloud est incontournable.

Pour autant, il n’existe pas de solution magique, et le mirage d’un «one size fits all» s’éloigne en même temps que l’usage du cloud se répand.

Il conviendra donc avant tout aux entreprises de se faire guider par des experts et consultants capables d’apporter hauteur de vue et pédagogie, et ce tout au long du processus de transformation.

Une des missions du Digital Innovation Hub luxembourgeois (L-DIH), opéré par Luxinnovation, consiste à mettre en relation les industries manufacturières du pays avec les experts de proximité qui les aideront à comprendre le digital et ses enjeux, à aborder leurs réflexions sous le meilleur angle, puis à piloter les projets. C’est là le gage d’une transformation digitale réussie.