Faute d’audit certifié d’EY, Solutions 30, spécialisée dans la pose de fibre optique et de compteurs intelligents, maintient les premiers résultats pour 2020 diffusés en fin d’année. (Photo: Shutterstock)

Faute d’audit certifié d’EY, Solutions 30, spécialisée dans la pose de fibre optique et de compteurs intelligents, maintient les premiers résultats pour 2020 diffusés en fin d’année. (Photo: Shutterstock)

Mis sous pression par l’AMF et la CSSF, Solutions 30 a fini par communiquer, vendredi soir, pour dire qu’EY n’avait pas rendu son audit des comptes ni même une impossibilité de se positionner. La cotation de la société de technologie reprendra lundi. Provisoirement.

Le feuilleton continue entre, d’un côté, Solutions 30, licorne technologique au quartier général luxembourgeois, aux 16.000 employés dans 10 pays européens, et Muddy Waters, qui l’accuse de blanchiment et d’irrégularités comptables depuis deux ans.

Mis sous pression par l’Autorité des marchés financiers et la Commission de surveillance du secteur financier pour ne pas avoir rendu son rapport annuel pour 2020 dans les quatre mois comme le prévoit la loi, la société spécialisée dans la pose de fibre optique et des compteurs intelligents a fini par communiquer, vendredi soir.

Jeudi soir, dans un comité d’audit, ont dit ses dirigeants, EY a indiqué «ne pas être en mesure de formuler une opinion sur ses comptes annuels 2020, sans toutefois remettre son rapport définitif qui intègre le fondement de cette impossibilité d’exprimer une opinion», a-t-elle annoncé.

Le groupe reste donc sur les résultats provisoires pour 2020 qu’il a déjà publiés: 

- un chiffre d’affaires 2020 de 819,3 millions d’euros, en croissance de 18%;

– un EBITDA de 106,5 millions d’euros;

– un EBIT ajusté de 60,9 millions d’euros;

- un excédent net de trésorerie de 59,2 millions d’euros;

- le résultat net part du groupe s’établit à 34,5 millions d’euros après intégration d’une correction proposée par l’entreprise et portant sur la comptabilisation d’une charge d’impôt supplémentaire de 2,4 millions d’euros.

- au premier trimestre 2021, le chiffre d’affaires est en croissance de 19% et s’élève à 225,2 millions d’euros.

Si le groupe a aussi fixé l’assemblée générale au 30 juin avec une remise des documents le 31 mai, il ne sait toujours pas quand il aura l’audit d’EY. Selon la loi, une société cotée a quatre mois pour rendre son bilan annuel de l’année précédente. Du coup, Solutions 30 envisage de changer d’auditeur, tout en rappelant que ses comptes ont été certifiés sans réserve par les auditeurs depuis 2005, dont ceux d’EY en 2019.

Pour lui, «la société bénéficie d’une structure financière solide, et d’un modèle économique qui lui a permis de financer sa croissance, tout en maintenant un niveau d’endettement largement sous contrôle, comme en atteste sa position de trésorerie constatée au crédit de ses comptes bancaires pour un montant de 159 millions d’euros figurant à l’actif du bilan au 31 décembre 2020». 

«Les conclusions des investigations indépendantes menées par Deloitte et Didier Kling Expertise & Conseil ont permis», dit encore le communiqué de presse diffusé à l’issue de la vidéoconférence, «de confirmer les informations financières des années précédentes communiquées par la société, notamment sur son niveau de croissance, ses taux de marge, le niveau et la nature de ses dettes bancaires, le traitement comptable et le niveau des factures à établir, des coûts de développement logiciel, des badwills et du résultat non opérationnel.»

Le groupe a saisi le tribunal de commerce de Bobigny pour que soit désigné un conciliateur qui puisse rassurer tous ses partenaires et évoque la possibilité de chercher des partenaires de référence, ce qui lui permettrait de sortir définitivement de la bourse. En attendant, Solutions 30 a demandé à Euronext de remettre la cotation du titre à partir de lundi. Le titre avait perdu 45% de sa valeur entre son plus haut historique (18,67 euros le 4 décembre) et le cours à sa suspension (10,28 euros le 10 mai).

Moins de deux heures plus tard, Carson Block, du fonds activiste américain Muddy Waters, reprenait les arguments qu’il répète en boucle depuis des mois: «Notre point de vue est qu’il est très probable que Solutions 30 ait été utilisée comme un montage frauduleux facilitant le blanchiment d’argent. Il nous paraît en outre évident qu’EY a constaté de sérieux problèmes dans les états financiers 2020 de Solutions 30 au cours de son audit. Nous pensons qu’il convient de ne pas se fier aux résultats 2020 précédemment annoncés, dès lors qu’il est probable que ces résultats contiennent des erreurs substantielles. Nous notons que Solutions 30 a toujours faussement présenté les enquêtes menées par Didier Kling Expertise & Conseil et Deloitte Touche Tohmatsu comme des ‘audits’, et leurs résultats comme l’exonérant des accusations dirigées à son encontre. Ces présentations des faits sont inexactes. Entre de nombreux autres problèmes, le rapport de DTT indique que six mois d’e-mails de M. Fortis sont manquants et n’ont pu être récupérés.»