«L’exploitation des sous-sols n’est plus à la mode», constate Robert Colbach, géologue et chargé d’études dirigeant au service géologique de l’État. «Le Luxembourg a oublié son passé minier», déplore-t-il. Un passé minier qui a de fait presque disparu avec la fin de l’exploitation de la minette dans les années 1980, qui représentait la quasi-totalité du secteur.
Mais le pays aurait-il pu se réinventer en exploitant d’autres ressources minérales? À l’heure où la transition énergétique et digitale nécessite des métaux et minéraux rares en quantité, le pays s’en trouve toutefois dépourvu. À côté du minerai de fer, «le Luxembourg n’est pas riche en ressources minérales», confirme Robert Colbach, qui précise même que «le sous-sol luxembourgeois n’a pas du tout de métaux et minéraux rares».
Par le passé, des mines de plomb ou de cuivre ont existé, mais les dernières ont fermé dans l’après-guerre. Un gisement d’antimoine – un minerai considéré comme rare – existait aussi près de Goesdorf, mais la mine a fermé en 1938 et le filon «n’est surement pas énorme», explique le géologue. «Il n’y a pas de raisons de penser que l’exploitation puisse être rentable.»
Le nombre de carrières en baisse
Une autre ressource existe cependant sur le territoire, et en quantité, celle des matériaux de construction: grès, dolomie, ardoise, gypse, gravier ou sable. Mais cette disponibilité géologique n’a pas ouvert la voie à un renforcement de l’exploitation. Au contraire, le nombre de carrières a chuté: de plusieurs centaines par le passé, il n’y en a plus que onze dans le pays.
Ce qui pose un problème, dans un pays où les nouvelles constructions sont nombreuses: «Aujourd’hui, nous sommes incapables de répondre à la demande nationale en matériaux de construction», constate Robert Colbach. Un phénomène amplifié par la fin des hauts-fourneaux, qui rejetaient des scories dans les crassiers, scories elles-mêmes utilisées pour la construction.
Cela a créé un vide dans la production nationale, qui n’a pas été compensé par l’ouverture de nouvelles carrières. Pourtant, selon le géologue, des tentatives pour ouvrir de nouvelles exploitations au Luxembourg ont eu lieu. Mais, depuis des décennies, cela n’a débouché sur aucune ouverture, déplore-t-il. Pour une raison selon lui: les contraintes environnementales imposées par l’administration du ministère de l’Environnement.
Lourdes contraintes environnementales
«La nature est importante», concède-t-il. Mais la demande de matériaux conduit à importer de l’étranger, parfois sur des longues distances. Or, «les émissions polluantes dues au transport ne sont pas négligeables, peut-être plus grandes que celles qui seraient provoquées par les carrières», juge-t-il.
Un des principaux acteurs de terrain du secteur, Carrières Feidt, reconnait qu’à notre époque, il est «très, très difficile» d’obtenir une autorisation pour ouvrir une nouvelle carrière. Les contraintes environnementales sont bien sûr en cause, même si l’entreprise assure avoir un «très bon contact avec l’Environnement» et qu’il ne s’agit pas de «mauvaise volonté» de la part de l’administration.
Bien d’autres contraintes entrent en ligne de compte, selon lui, dont une en particulier: l’acquisition des terrains recouvrant une carrière potentielle. D’une part, ils sont, au Luxembourg, très chers. Et ils peuvent appartenir à différents propriétaires: «Si vous avez cinquante propriétaires sur une carrière potentielle, l’exploitation est caduque dès le départ».
Recyclage limité
Il est donc bien plus facile à l’heure actuelle de recourir à des extensions de carrières déjà existantes que d’en ouvrir de nouvelles, selon Carrières Feidt. «Nous avons des projets d’extension assez conséquents sur la bonne voie, et nous allons obtenir les autorisations», assure le carrier.
Le recyclage reste une autre solution moderne pour fournir des matériaux, mais qui a ses limites. «Les possibilités de recyclage de ces matériaux sont limitées à 30%, le reste vient des carrières», évalue Robert Colbach. Carrières Feidt reconnait aussi que le recyclage est une solution «jusqu’à un certain point», qui ne peut pas fournir «les quantités nécessaires pour répondre à la demande au Luxembourg».
Le space mining, un «non-sens»
Reste l’exploitation des ressources spatiales, présentée par certains comme l’avenir du secteur. Le Luxembourg s’est par le passé positionné . Un «non-sens», selon Robert Colbach. «Nous avons cela sur Terre, dans les premiers 300 mètres de profondeur», explique le géologue. «L’exploitation est beaucoup plus facile et, d’un point de vue économique, beaucoup moins cher sur Terre que sur la Lune ou des astéroïdes», sourit-il.
Il s’agit donc de se recentrer sur ce qui est disponible à proximité, selon le géologue. «Le gouvernement a tellement freiné que les demandes ont été abandonnées», explique-t-il. D’où la nécessité «que le Luxembourg fasse ce qu’il peut pour les matériaux de construction».