Microlux est spécialisée dans les microcrédits. (Illustration: Shutterstock)

Microlux est spécialisée dans les microcrédits. (Illustration: Shutterstock)

Comment, concrètement, les entreprises qui reçoivent des financements d’impact jonglent-elles avec les impératifs de rentabilité et d’impact? Microlux donne une idée de la manière dont ces impératifs peuvent se conjuguer sur le terrain.

Alors que le Luxembourg est un pays à la pointe sur le créneau de la microfinance, il n’existait jusqu’en 2016 aucune institution en déclinant les bienfaits. Jusqu’à ce que Microlux soit fondée par un consortium regroupant BGL BNP Paribas, le Fonds européen d’investissement,  Ada (Aide au développement autonome) et Adie (Association pour le droit à l’initiative économique), rejoints plus tard par le groupe Foyer.

Avec un objectif: favoriser l’inclusion sociale et économique en accompagnant financièrement et opérationnellement des porteurs de projets de création d’entreprise qui n’ont pas accès aux financements traditionnels, et améliorer les conditions de vie de ces personnes.

Pourquoi une banque comme BGL BNP Paribas ne pourrait-elle pas faire cela directement? Principalement parce que l’activité de microcrédit pour financer les entreprises demande un accompagnement spécifique, au plus près, pour assister une population qui reste à risque. Un accompagnement pour lequel les banques ne sont pas équipées. Mais ignorer ces personnes serait une erreur: en Europe, 30% des créations de PME ou de microentreprises sont le fait de chômeurs. Il y a donc un potentiel à les aider à se développer.

À la question de définir ce qu’est pour Microlux la finance d’impact, Samuel Paulus, senior manager, répond directement: «La porte s’ouvre chez nous quand, devant la banque, elle se ferme. Nous soutenons les entrepreneurs et porteurs de projets qui n’ont pas accès au financement bancaire classique. C’est lorsque les banques refusent le crédit que l’on commence à travailler.» Le secteur d’activité n’a aucune importance. Ce qui compte, c’est l’impact, insiste Samuel Paulus. «Nos décisions de financer ou non un projet prennent en compte l’aspect social. Est-ce qu’on peut aider la personne à s’en sortir, à remettre un pied dans la société?»

Pourquoi privilégier un crédit plutôt qu’un financement bancaire «classique»? «Nous restons sur l’activité de crédit parce qu’avec les très petits entrepreneurs, cela reste compliqué de faire un suivi exact sur le chiffre d’affaires ou sur les bénéfices. Nous avons réfléchi à un modèle grâce auquel nous pourrions investir dans ces sociétés, mais, au final, le crédit reste l’outil le plus adapté pour les soutenir.»

Impact et rentabilité

L’impact et sa mesure sont un défi pour le secteur en général. Comment celui-ci se mesure-t-il chez Microlux? La société a bouclé sa première grande étude sur le sujet en début d’année. Les résultats seront finalisés d’ici la fin de l’année et communiqués en détail lors de la célébration du cinquième anniversaire de l’institution. «Si l’on parle d’impact, on parle de changement par rapport à un but. Et si l’on ne sait pas clairement ce que l’on veut atteindre, on ne peut rien mesurer. Avec le recul, nous avons clairement redéfini notre mission, et à partir de là, nous avons mis en place des indicateurs qualitatifs, comme l’évolution de la situation professionnelle ou l’estime de soi, qui permet de rebondir dans la société, l’intégration dans celle-ci – un critère important, car on soutient beaucoup de réfugiés –, ou encore l’équilibre vie familiale-vie professionnelle, qui est très important chez les femmes, notamment après un changement professionnel ou un divorce, et qui ont choisi la voie de l’entrepreneuriat afin de devenir indépendantes.»

Pour Samuel Paulus, les premiers résultats sont très positifs. «Nous avons vu qu’il y avait un vrai impact qualitatif dans la vie des personnes soutenues. Si l’on regarde la situation des personnes avant qu’elles viennent nous voir, 50% d’entre elles étaient inactives ou au chômage. Un chiffre tombé à 8%. Nous avons réussi à les sortir de cette inactivité. Et d’un point de vue quantitatif, 75% de nos clients disent que leur condition professionnelle est meilleure qu’avant et qu’ils sont fiers de ce qu’ils ont accompli. Et même pour ceux dont l’entreprise n’a pas marché, ils veulent réessayer, cela leur a donné un élan, ils restent dans une dynamique. En leur donnant de l’argent, on leur donne de la confiance, la sensation de reprendre leur vie en main, qu’ils ne sont pas là que pour recevoir des aides. C’est quelque chose de très fort. Cela prouve à tous ceux qui nous ont soutenus la raison d’être de Microlux, et que son impact est tangible.»

Comme Microlux ne fait pas de bénéfices, elle doit miser sur son seul impact. Ce qui illustre que la question du monitoring est la clé du futur de l’impact investing. Et qu’en est-il, justement, du volet rentabilité?

Les seuls revenus de Microlux sont les intérêts perçus par les crédits, ainsi que les subventions de la Chambre de commerce et des ministères de l’Économie et des Classes moyennes. «Pour l’instant, cela ne couvre pas nos coûts.» Et ce, d’autant plus qu’avec la crise du Covid, la décision a été prise d’accorder des moratoires aux clients et de baisser les taux. «À 4%, on ne couvre que le coût du risque.» Une hausse des taux, ou encore une augmentation de capital, est à l’étude. Mais rien n’est encore tranché. Pour les actionnaires, le volet impact prime sur celui du rendement. «Nous n’avons pas un objectif de rentabilité, mais un objectif d’autonomie. Très clairement, nos actionnaires ne sont pas là pour gagner de l’argent, l’objectif d’impact prime pour eux. Après, ils ne voudraient pas trop dépenser régulièrement.»

En attendant, l’activité est là. En cinq ans, Microlux a délivré 150 microcrédits. Depuis le début de l’année, l’activité explose. «Fin mai, on a fait le double de dossiers par rapport à ce que l’on faisait les années d’avant.» Les raisons de ce rebond sont multiples: une meilleure visibilité — «le bouche-à-oreille joue beaucoup – et aussi un effet ‘fin de crise’. Nous sentons que les gens ont envie de se lancer.»

Cet article a été rédigé pour  parue le 24 juin 2021.

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