Joachim Cour (Elvinger Hoss Prussen), Pascal Martino (Deloitte) et Béatrix Charlier (P’op) étaient les orateurs du Breakfast Talk du 26 avril consacré à la résilience du secteur RH post-Covid. (Photo: Eva Krins/Maison Moderne)

Joachim Cour (Elvinger Hoss Prussen), Pascal Martino (Deloitte) et Béatrix Charlier (P’op) étaient les orateurs du Breakfast Talk du 26 avril consacré à la résilience du secteur RH post-Covid. (Photo: Eva Krins/Maison Moderne)

Attirer et retenir les talents, tirer des leçons viables de la pandémie, éviter le retour à l’«anormal» étaient les questions induites en arrière-plan du Breakfast Talk du 26 avril intitulé «Recruter et manager post-Covid: de la résilience à la performance».

En deux ans de Covid, certains dirigeants ont littéralement sauvé leur entreprise. D’autres ont assuré la continuité des activités sans dommages, et d’autres ont même surperformé pendant cette période, révélant ainsi des capacités collectives et d’organisation insoupçonnées dont ils tirent aujourd’hui un enseignement précieux.

Un récent sondage de Deloitte révèle que 96% des entreprises de la Place sont en train de revoir leurs modalités de travail. De leur côté, les employés ont profondément modifié leur rapport à l’emploi, de gré ou de force, et parfois leur vie privée, lors de cette pandémie. L’articulation des deux devant alors contribuer à un nouvel équilibre. Cela engendre des révisions de priorités et des questionnements à l’embauche, mais crée aussi un nouvel enjeu pour retenir les collaborateurs.

Sur scène lors du Breakfast Talk organisé par le Paperjam + Delano Club ce 26 avril, trois managers ont pris la parole: , coach, fondatrice du cabinet P’op et auteur de nombreux articles sur le management, a notamment publié en 2021 «Activez les talents de votre entreprise». , partner Advisory & Consulting chez Deloitte, a partagé son expérience sur les multiples formes organisationnelles possibles. Enfin, , partner chez Elvinger Hoss Prussen, a su gérer une croissance considérable en manageant à distance une trentaine d’avocats d’affaires issus majoritairement des générations Y et Z.

Voici le résumé de en quatre points-clés.


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Compétitivité

Avant la pandémie, le Luxembourg se posait peu de questions sur sa compétitivité en termes d’attractivité. Mais les confinements et le télétravail ont rebattu les cartes, modifiant profondément le ratio d’effort que les employés veulent fournir pour aller travailler.

Chacun s’accorde à dire que le salaire ne suffit plus à retenir un collaborateur. Dans les zones non frontalières, les gens se sont installés parfois très loin du bureau, pour gagner en qualité de vie pendant les confinements, tout en poursuivant leur activité à distance. Au Luxembourg, cela n’est pas aussi simple, comme le rappelle Pascal Martino: «Il y a ici des contraintes fiscales et sociales pour les frontaliers. Quand une major française annonce à ses employés qu’ils peuvent travailler depuis n’importe où en France et venir une fois par mois dans ses bureaux parisiens, c’est un argument de poids par rapport à ce que nous proposons. C’est nouveau et cela vient challenger notre compétitivité.»

Joachim Cour va dans le même sens et souligne que dans la reprise, des Places comme Londres et Dubaï sont aujourd’hui très attractives pour les nouveaux talents: «En 18 mois, j’ai perdu environ 10 personnes au profit de ces Places. Il y a une attente concernant une initiative législative forte en matière de droit au télétravail et de fiscalité pour créer plus d’égalité entre le monde où c’est possible et le monde où ça ne l’est pas.» Une disparité qui crée aujourd’hui une forte inégalité entre résidents et frontaliers, puisque le pari du Luxembourg sur la mobilité de ces derniers n’est plus forcément acquis. 

Il y a une attente concernant une initiative législative forte en matière de droit au télétravail et de fiscalité pour créer plus d’égalité entre le monde où c’est possible et le monde où ça ne l’est pas. 
 Joachim Cour

 Joachim Courpartner Elvinger Hoss Prussen

Responsabilité

Attirer et surtout garder les talents est devenu une gageure pour beaucoup d’entreprises. Pendant la pandémie, Pascal Martino souligne qu’il y a eu «un taux de départs beaucoup plus élevé que les autres années chez Deloitte», et que «les onboardings fonctionnent forcément moins bien à distance».

Béatrix Charlier pense que l’une des clés pour conserver les talents dans l’entreprise post-Covid réside dans l’écoute authentique lorsqu’il y a malaise: «Une fois qu’ils ont dit ce qu’ils avaient sur le cœur, bien souvent ils trouvent eux-mêmes la solution au problème. Quand avez-vous pris le temps, longuement, d’écouter la personne qui travaille avec vous?» Une idée partagée par Joachim Cour, lequel insiste aussi sur «la responsabilisation des collaborateurs, pour valoriser leur rôle au sein d’une chaîne de valeur globale dans laquelle ils prendront petit à petit plus d’aisance».

La responsabilisation concerne aussi les managers, qui ont dû réinventer les codes du leadership dans ce contexte et ont également pu bénéficier de formations à distance, pour trouver une nouvelle légitimité. Si le charisme ne s’acquiert pas par webinaire, toutefois, pour Pascal Martino, une chose n’a pas changé: le bon manager doit inspirer le positif et «ce qui inspire les gens, c’est encore la personne pour qui on travaille».

Fertilisation croisée

La pandémie a accéléré l’usage généralisé des outils technologiques. Dans ce domaine, on a vu un procédé inédit voir le jour: les jeunes «digital natives» se sont mis à aider les plus âgés. Ces derniers, habitués à transmettre leur savoir aux nouveaux venus, ou à les mentorer, ont tenu le rôle d’apprenants. Une montée en compétences a ainsi vu le jour, se nourrissant de ces échanges sur les pratiques digitales, et qui tend à perdurer après la pandémie.

«C’est une fertilisation par l’échange, y compris par la mobilité, les expériences d’Erasmus que n’ont pas connues les boomers, etc., et chacun peut former l’autre», dit Béatrix Charlier. Si le facteur humain a manqué pendant la pandémie, le besoin de transmettre est devenu un vrai facteur d’ancrage dans l’entreprise. La transmission est valable de manière intergénérationnelle, mais aussi entre nouveaux venus et employés déjà en place, comme en témoigne Joachim Cour: «En amenant progressivement à transmettre à celui qui vient d’arriver à mesure qu’il progresse.»

Quête de sens

Elle s’est exacerbée et étendue à plus de gens depuis la pandémie. L’attente du télétravail existe. «Pourquoi devrais-je revenir au bureau aujourd’hui?» est la question que chacun se pose désormais. «Ceux qui disaient ‘jamais’ l’ont fait finalement et avec succès. On n’est jamais aussi efficaces en innovation que lorsqu’on est sous la contrainte. Cela a remis l’humain et le sens au milieu de la considération technologique», analyse Pascal Martino. «On a sondé les new joiners sur les raisons de leur choix de Deloitte: c’est l’impact report et les valeurs de diversité qui apparaissent en premier. Avant, on aurait eu des résultats très différents.»

Les jeunes générations ne viennent pas seulement pour un salaire, mais pour une mission qui lie pro et perso. «Ils ont un intérêt pour ce qui va plus loin que la RSE et les entreprises qui s’inscrivent dans cette démarche.  «Sauver la planète» est plus important que «gagner de l’argent», explique Béatrix Charlier. Ce n’est pas seulement un phénomène générationnel, car «on peut avoir 60 ans et avoir un profil professionnel d’âge Y». Elle met aussi en garde les recruteurs sur les dérives de cet idéal qui peut mener certains candidats à se comporter «en véritables divas».