Le commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton, et la vice-présidente en charge de la Concurrence, Margrethe Vestager, ont présenté un nouveau cadre pour mieux lutter contre les dérives des géants du net. (Photo: Shutterstock)

Le commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton, et la vice-présidente en charge de la Concurrence, Margrethe Vestager, ont présenté un nouveau cadre pour mieux lutter contre les dérives des géants du net. (Photo: Shutterstock)

Sanction après sanction, polémique sur les données après polémique sur les données, menace après menace, l’Union européenne a décidé d’enclencher la vitesse supérieure et propose deux directives pour tenter de remédier aux problèmes posés par Google, Amazon, Facebook et autre Apple.

Ils avaient prévenu. À la mi-décembre, l’Europe aura sur la table – ou sous le sapin de Noël, selon que l’on croit encore au père Noël ou non – de nouvelles propositions pour réformer l’espace numérique, des moteurs de recherche aux réseaux sociaux, en passant par les sites d’e-commerce ou les vendeurs de technologies.

Sans jamais les nommer, les deux commissaires, Margrethe Vestager et Thierry Breton, visent clairement les Gafa, sous le feu de nombreuses enquêtes de part et d’autre de l’Atlantique, de nombreuses critiques et de nombreuses dérives depuis quelques années.

Nouvelles obligations harmonisées pour les services numériques

«De nombreuses plateformes en ligne jouent désormais un rôle central dans la vie de nos concitoyens et de nos entreprises, et même dans notre société et notre démocratie au sens large», a commenté le commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton. «Les propositions présentées aujourd’hui visent à organiser notre espace numérique pour les prochaines décennies. En nous appuyant sur des règles harmonisées, des obligations ex ante, une meilleure surveillance, un contrôle d’application rapide et des sanctions dissuasives, nous ferons en sorte que tous les prestataires de services numériques en Europe et leurs utilisateurs bénéficient de la sécurité, de la confiance, de l’innovation et de perspectives commerciales.»

– le mot qui compte est «services» – introduira dans l’UE une série de nouvelles obligations harmonisées pour les services numériques, qui seront soigneusement modulées en fonction de la taille et de l’impact de ces services, comme:

- des règles en vue de la suppression de biens, services ou contenus illicites en ligne;

- des garanties pour les utilisateurs dont un contenu a été supprimé par erreur par une plateforme;

- de nouvelles obligations, pour les très grandes plateformes, de prendre des mesures fondées sur les risques, afin d'empêcher une utilisation abusive de leurs systèmes;

- des mesures de transparence de vaste portée, notamment en ce qui concerne la publicité en ligne et les algorithmes utilisés pour recommander des contenus aux utilisateurs;

- de nouvelles compétences pour examiner le fonctionnement des plateformes, notamment en facilitant l'accès des chercheurs aux données des plateformes-clés;

- de nouvelles règles sur la traçabilité des utilisateurs professionnels sur les places de marché en ligne, pour retrouver plus facilement les vendeurs de biens ou services illégaux;

- un processus innovant de coopération entre les pouvoirs publics, afin de garantir un contrôle d’application effectif de la législation dans l’ensemble du marché unique. Ainsi, dit le communiqué, les plateformes qui touchent plus de 10% de la population de l’UE (45 millions d’utilisateurs) sont considérées comme étant de nature systémique et seront soumises non seulement à des obligations spécifiques de contrôle de leurs propres risques, mais aussi à une nouvelle structure de surveillance, d’un côté, un comité des coordinateurs nationaux pour les services numériques et, de l’autre, des pouvoirs spéciaux à la Commission en ce qui concerne la surveillance des très grandes plateformes, y compris la possibilité de les sanctionner directement.

 s’appliquera uniquement aux services de plateforme essentiels les plus exposés aux pratiques déloyales, comme les moteurs de recherche, les réseaux sociaux ou les services d’intermédiation en ligne, devenus dans les faits des «contrôleurs d’accès», une situation que la Commission européenne sera en charge d’établir après enquête de marché.

Interdiction de certaines pratiques déloyales

Certains critères sont déjà établis: le contrôleur d’accès est celui qui a «un chiffre d’affaires annuel dans l’Espace économique européen (EEE) d’au moins 6,5 milliards d'euros au cours des trois derniers exercices, ou si sa capitalisation boursière moyenne ou sa juste valeur marchande équivalente s'est élevée à au moins 65 milliards d’euros au cours du dernier exercice, et qu’il fournit un service de plateforme essentiel dans au moins trois États membres» ET « exploite un service de plateforme essentiel comptant plus de 45 millions d’utilisateurs finaux actifs chaque mois établis ou situés dans l’UE et une moyenne de plus de 10.000 entreprises utilisatrices actives établies dans l’UE au cours du dernier exercice» ET est durable, en ce sens que s’il a cette position depuis au moins trois ans, il ne va pas disparaître du jour au lendemain?

La Commission européenne interdira certaines pratiques manifestement déloyales, comme le fait d’empêcher les utilisateurs de désinstaller des logiciels ou applications préinstallés; imposera aux contrôleurs d’accès de mettre en place de manière proactive certaines mesures, telles que des mesures ciblées permettant aux logiciels de fournisseurs tiers de fonctionner et d’interagir correctement avec leurs propres services; imposera des sanctions en cas de non-respect des dispositions, notamment des amendes pouvant aller jusqu’à 10% du chiffre d’affaires mondial du contrôleur d’accès, afin de garantir l’effet utile des nouvelles règles.

En cas de récidive, ces sanctions pourront comprendre l’obligation de prendre des mesures structurelles, pouvant aller jusqu’à la cession de certaines activités si aucune mesure de même efficacité n’est disponible pour garantir la mise en conformité.