Avec une inflation de 7,5% en mars, la zone euro découvre des niveaux d’inflation inconnus depuis sa création. Cette inflation est principalement due aux prix de l’énergie et des denrées alimentaires, qui ont bondi en raison de la guerre en Ukraine, même si l’inflation sous-jacente, excluant les produits alimentaires et l’énergie, progresse également.
Et ce n’est probablement pas fini. La guerre en Ukraine rend toute prévision difficile, mais on peut raisonnablement penser que l’inflation sera encore plus élevée en avril, en raison du décalage entre l’évolution des prix de l’énergie et des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux et des prix des produits qui en sont dérivés pour le consommateur.
Ceci érode forcément le pouvoir d’achat des ménages, même dans les pays où des mécanismes d’indexation de certains revenus sont prévus. Cela place aussi la Banque centrale européenne (BCE) dans une position très difficile. Tout d’abord, l’inflation actuelle peut difficilement être influencée par la BCE car il s’agit d’un choc d’offre d’origine externe. Dès lors, sa politique est très difficile à définir. D’un côté, la demande est déjà fortement ralentie par la compression massive des salaires réels, les perturbations de la production, la chute de la confiance des consommateurs et le resserrement des conditions de financement en raison de la hausse des rendements obligataires. À l’inverse, rester les bras croisés fait courir le risque d’un désencrage des anticipations d’inflation qui pourrait s’avérer douloureux à moyen terme. En un mot: c’est une période difficile pour la zone euro.
Une inflation de surchauffe
De l’autre côté de l’Atlantique, l’inflation n’est pas en reste puisqu’elle atteint 8%. La situation n’en demeure pas moins très différente. D’une part, l’énergie n’est responsable que d’environ un quart de l’inflation (contre plus de la moitié en zone euro). D’autre part, l’inflation américaine est plus la résultante d’une économie proche de la surchauffe: l’économie américaine est moins touchée par la guerre en Ukraine et les indicateurs économiques y sont très bons. Le rapport sur l’emploi en mars, publié ce vendredi, en est la meilleure preuve: l’économie américaine a créé 430.000 emplois en mars, et les chiffres des mois précédents ont été revus à la hausse. Le chômage baisse à 3,6% (3,8% en février) et, cerise sur le gâteau, les salaires progressent de 5,6% sur un an. L’accélération des salaires est certes un problème pour la marge des entreprises et un risque de nouvelles augmentations de prix à l’avenir, mais à très court terme, elle efface en partie l’effet de l’inflation sur le pouvoir d’achat des ménages.
En conclusion, alors que la zone euro se demande si elle n’est pas en train de tomber en stagflation, les États-Unis semblent solidement poursuivre leur reprise post-covid. Le contraste devient saisissant.