La Cour de justice de l’Union européenne met hors jeu les règles de la FIFA. (Photo: Shutterstock)

La Cour de justice de l’Union européenne met hors jeu les règles de la FIFA. (Photo: Shutterstock)

La Cour de Justice de l’Union européenne a rendu ce 4 octobre une décision très attendue. Et redoutée par le milieu du foot. Certaines règles de la FIFA sur les transferts de joueurs enfreignaient le droit de l’UE. Elles devront être réformées.

L’enjeu de la rencontre était énorme: un joueur a-t-il le droit de rompre unilatéralement son contrat pour aller exercer sa profession ailleurs? Les règles de la FIFA l’interdisaient concrètement. Si rien n’empêchait un joueur de partir, il devait verser une indemnité en fonction de sa rémunération et de ses avantages jusqu’au terme de son contrat. Pire, le club qui le recrutait dans la foulée était susceptible de devoir payer au club précédent une indemnité. C’est le système dit de «codébition», qui rend solidaire le club qui engagerait un joueur du paiement de l’amende si ce dernier a rompu son contrat avec son ancien club sans juste cause.

En l’espèce, Lassana Diarra, ex-international français (34 sélections) et écarté du groupe professionnel par son club de l’époque, le Lokomotiv de Moscou, avait en 2014, suite à une réduction de son salaire, rompu son contrat trois ans avant son terme. Pressenti pour rebondir en Belgique, dans le club de Charleroi, un contrat n’avait pu être signé, le club belge redoutant les possibles conséquences judiciaires et financières par rapport au club russe. Lassana Diarra avait pu rebondir à l’Olympique de Marseille en 2015, mais avait été contraint de payer 10 millions de dédommagement à son ancien club.

Le retour de la libre circulation des travailleurs

Pour la CJUE, ce système viole le principe de la libre circulation des travailleurs. Selon l’avocat général Szpunar, le règlement FIFA du statut et du transfert des joueurs est incompatible avec le droit de la concurrence et le principe de libre circulation de l’UE. «Ces dispositions sont de nature à décourager et à dissuader les clubs d’embaucher le joueur par crainte d’un risque financier.» «Limiter la capacité des clubs à recruter des joueurs affecte nécessairement la concurrence entre les clubs sur le marché de l’acquisition des joueurs professionnels», poursuivait-il. La CJUE lui a donné raison.

Sommes-nous devant un arrêt Bosman 2.0 qui va révolutionner le système des transferts du football comme avait pu le faire l’arrêt Bosman du15 décembre 1995, qui avait mis fin au quota de joueurs étrangers dans les clubs européens? Jean-Louis Dupont, l’avocat de Lassana Diarra et de Jean-Marc Bosman, le pense. Pour lui, la «CJUE – une fois de plus – sanctionne durement les agissements structurellement illégaux des régulateurs actuels du football et ouvre ainsi la voie à une modernisation de la gouvernance, notamment par le recours à la négociation collective entre employés et employeurs». L’avocat estime de plus que «tous les joueurs professionnels qui ont été affectés par ces règles illégales – en vigueur depuis 2001! – peuvent maintenant demander réparation intégrale de leur dommage. Nous sommes convaincus que ce prix à payer pour avoir violé le droit de l’UE obligera – enfin – la FIFA à se soumettre à l’État de droit et accélérera la modernisation de la gouvernance.»

Vers une convention collective dans le football

Et sur le terrain? Les joueurs «lofteurs» – comprendre des joueurs écartés par leurs clubs, et il y en a beaucoup, notamment lors des périodes de transferts – pourront désormais quitter leur club sans crainte d’être juridiquement coincés par la suite. Si leurs clubs sont basés dans l’UE. Les clubs anglais aux effectifs pléthoriques n’ont pour l’instant rien à craindre.

La FIFA va devoir revoir son règlement et négocier avec FIFPro, le syndicat des joueurs qui était partie prenante de l’affaire. Des négociations qui pourraient aboutir à une convention collective unifiée qui serait plus favorable aux intérêts des joueurs. Des joueurs qui mettent actuellement en question l’alourdissement du calendrier résultant de la multiplication des compétitions organisées par la FIFA et l’UEFA.

La FIFA n’avait pas réagi à cet arrêt au moment de la publication de cet article.