Au Luxembourg, en matière social, c’est la question du logement qui est perçue comme le problème le plus important (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Au Luxembourg, en matière social, c’est la question du logement qui est perçue comme le problème le plus important (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Durant la campagne, cinq grands thèmes se sont détachés au niveau européen. Thèmes sur lesquels Paperjam va successivement revenir en regardant les positionnements des principales forces politiques européennes et luxembourgeoises. Aujourd’hui, le volet social.

Selon le dernier sondage Eurobaromètre, si le contexte géopolitique tend à mobiliser les citoyens pour le scrutin – 71% des personnes interrogées se disent prêtes à aller voter, un record pour ce qui est des intentions de vote – et constitue un thème central pour les électeurs – surtout dans les pays géographiquement proches de la Russie –, la lutte contre la pauvreté, la santé et le soutien à l’économie constituent également des priorités. Au Luxembourg, toujours selon l’eurobaromètre, c’est le logement qui est perçu comme le problème le plus important. 59% des sondés le mentionnent contre 12% au niveau de l’UE. Vient ensuite le triptyque hausse des prix, inflation, coût de la vie (37%).

Ceci dit, il faut garder à l’esprit un fait central: les questions sociales relèvent essentiellement de la compétence des États. L’UE peut certes légiférer, mais de façon limitée. La politique sociale européenne existe cependant. Elle est portée sur les fonts baptismaux en 1985 par le président de la Commission de l’époque, Jacques Delors. Sur cette base, le droit européen a fixé des «minimas sociaux» en matière de droit du travail ou encore de sécurité des travailleurs. En 2017, les institutions européennes adoptent le socle européen des droits sociaux. Un texte non contraignant, mais qui fixe un cadre et des objectifs en matière sociale et qui a inspiré plusieurs initiatives, notamment en matière d’équilibre vie privée-vie professionnelle, en matière d’égalité homme-femme, d’égalité des chances ou de lutte contre l’exclusion et en 2022 sur les salaires minimums en Europe. Initiative portée par , commissaire au Travail et qui vise à favoriser la convergence à la hausse des rémunérations minimales en Europe.

Des ambitions plus que des compétences

Comme le constatait (Fokus), si les élections européennes interviennent dans un contexte de malaise social à l’échelle du continent, les réponses ne viendront pas de l’UE qui n’a que peu, voire pas de compétences dans ces domaines. «Ce n’est pas l’Europe qui va construire des logements. Ce n’est pas l’Europe qui va faire en sorte que le revenu minimum garanti – s’il est instauré, ce qui est un de nos soucis – soit suffisant pour en vivre décemment», .

L’Europe sociale ne manque cependant pas d’ambitions et se donne trois objectifs majeurs d’ici 2023: un emploi pour au moins 78% des 20-64 ans contre 74,7% en 2022; une participation à des activités de formation pour au moins 60% des adultes chaque année (en 2016, seulement 38% des adultes étaient concernés); et diminuer de 15 millions le nombre de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale (L’UE en comptait 73,7 millions en 2021). En résumé, maintenir le niveau de vie, créer des emplois plus qualifiés et en plus grand nombre, mieux former les individus et donc garantir la cohésion sociale de l’Europe.

Les candidats campent sur leurs positions

Avec une séquence électorale débutée en juin 2023, les questions sociales ont largement été évoquées au moment des scrutins communaux et législatifs. Pour les élections européennes, les partis se sont recentrés sur leurs fondamentaux. La ligne de fracture se situe classiquement sur la question de savoir si c’est l’économie qui précède le social ou l’inverse.

À gauche de l’échiquier, on se pose comme les défenseurs de la cause sociale. Ainsi, à la question de savoir qu’elle est l’Europe idéale, Tania Mousel (déi Lénk) : «Une Europe anticapitaliste où l’on met l’humain avant le profit. Une Europe où l’économie et la croissance du PIB ne seraient pas les principaux facteurs de succès. Une Europe où les inégalités sociales iraient en se réduisant. Une Europe qui diminue son empreinte climatique pour préserver l’environnement pour les prochaines générations.»

Pour (déi Gréng), l’enjeu de ces élections est de savoir «si on peut aller vers une Europe qui défende vraiment l’être humain et l’environnement et œuvre à une économie résiliente plutôt qu’une Europe qui défende les intérêts de quelques privilégiés qui ne respectent guère l’environnement». «Je veux travailler pour une Europe socialement juste pour que la transition écologique profite à tous», . Déi Gréng veut en outre élargir le green deal pour y inclure un volet social et agir simultanément contre la pauvreté et l’injustice sociale.

et Danielle Filbig, les deux têtes de liste LSAP militent pour un approfondissement de la dimension sociale de l’UE. Notamment en matière de logement. Pour Danielle Filbig, «l’Europe peut faire beaucoup plus au niveau du logement, notamment en donnant plus de capacités d’investissement aux États pour investir dans les infrastructures sociales. Il faudrait créer, dans la prochaine Commission, une vraie direction générale Logement». Pour Marc Angel, «la première insécurité, c’est de ne pas pouvoir vivre avec son salaire. Si on regarde les Eurobaromètres, ce qui préoccupe nos concitoyens, ce sont le changement climatique et le creusement des inégalités sociales. Le véritable enjeu, c’est de réussir les transitions digitales et climatiques sans exclure les gens. C’est pourquoi nous souhaitons qu’il n’y ait pas de pauses dans notre politique climatique et qu’elle profite à tout le monde.

Préserver le modèle social européen

À droite de l’échiquier, on veut renforcer le modèle social européen en restant réaliste, c’est-à-dire en tenant compte des réalités économiques.

Le CSV dans son programme veut «continuer à développer et à renforcer le modèle social européen. Pour le CSV, il s’agit à la fois d’une question de conviction sociale et de compétitivité de notre Union. En ce sens, nous voulons continuer à développer l’économie sociale de marché durable – une invention démocrate-chrétienne». Ce qui passera par le renforcement de la classe moyenne vu comme le garant de la cohésion sociale, le comblement de l’écart entre les riches et les pauvres et le renforcement du pilier des droits sociaux.

Le DP, «favorable à une politique sociale au service du citoyen», plaide pour un renforcement du socle européen des droits sociaux et met l’accent sur la promotion des nouvelles formes de travail et sur l’égalité de traitement pour l’accès au monde du travail. Encore plus à droite, l’ADR «se prononce en faveur d’une Europe sociale et solidaire, dans laquelle la dimension sociale de l’action politique doit être prioritaire». Ce qui se traduirait par des mesures à prendre pour mettre fin au dumping social entre les États membres européens et par une adaptation des pensions et salaires à l’inflation dans toute l’Europe.