Le climat macroéconomique européen difficile se reflète au travers de multiples indicateurs. Au cours des dernières semaines, ce sont les successifs commentaires sur le couple euro/dollar qui ont pu en témoigner. Si bien que depuis ce mardi 12 juillet, l’euro équivaut au dollar, soit son cours historiquement le plus bas. Une situation de parité entre les deux devise qui témoigne d’une mise sous pression de la monnaie unique européenne.
Rien que sur les 12 derniers mois, la dévalorisation de l’euro s’élève à 14,54% par rapport à la monnaie américaine.
La tendance de dépréciation inquiète encore davantage qu’elle présente tous les signes d’une accélération. Entre le 5 et le 7 juillet dernier, l’euro a témoigné d’une chute de 1,5% de sa valeur par rapport au billet vert. Un saut qui n’est pas passé inaperçu. «La chute de 1,5% de l’euro par rapport au dollar en une journée est relativement importante par rapport aux normes historiques, mais elle est particulièrement spectaculaire compte tenu des niveaux auxquels la devise se négocie actuellement et du fait qu’elle s’est produite au cours d’une session de données aussi légère et sans catalyseur spécifique», commente Simon Harvey, head of FX analysis chez Monex Europe.
Les faiblesses de la zone euro
La dévaluation de l’euro puise notamment sa cause dans les données économiques plutôt négatives pour l’économie européenne. Sans surprise, les pays de la zone euro creusent un écart de santé économique avec les États-Unis en raison de leur dépendance aux matières premières et énergétiques russes. De plus, il n’est pas neuf de constater que les investisseurs sur le marché du forex ont tendance à abandonner l’euro au bénéfice du dollar, vu comme une valeur refuge, dès les premiers avis de tempête sur les marchés précédés de vents contraires macroéconomiques.
La chute de 1,5% de l’euro/dollar en une journée est relativement importante par rapport aux normes historiques, mais elle est particulièrement spectaculaire compte tenu des niveaux auxquels la devise se négocie actuellement et du fait qu’elle s’est produite au cours d’une session de données aussi légère et sans catalyseur spécifique.
Au niveau des banques centrales, la Réserve fédérale américaine (Fed) s’est montrée plus rapide que la Banque centrale européenne (BCE) pour juguler l’inflation. En résulte une politique monétaire américaine de soutien au dollar. De son côté, la BCE possède moins de flexibilité que la Fed en raison de la «fragmentation» de la zone euro qui enregistre des écarts importants du taux de l’inflation entre ses différents membres. Par exemple, au 1er juillet, la zone euro affichait un taux moyen d’inflation de 8,6%, contre 6,5% à Malte et 22% en Estonie.
L’inflation de la zone euro étant principalement alimentée par l’inflation des prix de l’énergie, augmentant chaque jour le risque de récession, Simon Harvey note: «Les marchés seront très attentifs à l’évolution de la situation énergétique de la zone euro et à ses conséquences sur le potentiel de production de l’économie à l’approche des mois d’hiver, lorsqu’ils négocieront des actifs européens.»
Les risques à venir
Simon Harvey n’exclut pas une dégradation encore du cours: «Si la situation devait se détériorer davantage au point d’imposer des contraintes de production à l’industrie manufacturière allemande, la paire euro/dollar pourrait tomber à la parité», explique-t-il, avant d’ajouter: «La faiblesse de la monnaie unique ne faisant qu’exacerber l’environnement de stagflation dans la zone euro, nous pensons que la BCE pourrait intervenir dans les prochains jours en modifiant son orientation prospective pour la réunion de juillet à 50bp en cas de nouvelle dépréciation de l’euro.»
La faiblesse de la monnaie unique ne faisant qu’exacerber l’environnement de stagflation dans la zone euro, nous pensons que la BCE pourrait intervenir dans les prochains jours en modifiant son orientation prospective pour la réunion de juillet à 50bp en cas de nouvelle dépréciation de l’euro.
De leur côté, les analystes forex d’ING ne ferment d’ailleurs pas la porte un scénario où, dans le pire des cas, le couple euro/dollar passerait le cap de la parité pour descendre à 0,954.5 au cours de la période comprise entre juillet et août.
En attendant toute intervention de politique monétaire, les consommateurs et entreprises européens ont les yeux rivés sur leurs portefeuilles, les importations de produits en provenance d’outre-Atlantique étant devenus désormais plus coûteux. Bonne nouvelle toutefois pour les exportations européennes vers les États-Unis, elles sont pour l’instant à l’avantage des opérateurs économiques du vieux continent. Idem pour les investisseurs européens détenant des actifs américains qui prennent dès lors de la valeur.
Dans le quotidien des ménages et des entreprises, la conséquence la plus critique de la dépréciation de l’euro reste au niveau du prix du pétrole, libellé en dollar, bloqué dans une inertie à la hausse.
Cet article est issu de la newsletter Paperjam + Delano Finance, le rendez-vous hebdomadaire pour suivre l’actualité financière au Luxembourg.