Mary-Audrey Ramirez a présenté ses œuvres récentes exposées au Casino Luxembourg. (Photo: Paperjam)

Mary-Audrey Ramirez a présenté ses œuvres récentes exposées au Casino Luxembourg. (Photo: Paperjam)

L’artiste luxembourgeoise Mary-Audrey Ramirez présente «Forced Amnesia» au Casino Luxembourg, une exposition monographique où d’étranges créatures inspirées des jeux vidéos et les questions de création avec l’AI sont au cœur du propos.

La nouvelle exposition «Forced Amnesia» de Mary-Audrey Ramirez présentée actuellement au Casino Luxembourg est en plein dans l’air du temps. Après , ce sont les jeux vidéos et les mondes numériques qui sont à l’honneur au centre d’art. Les visiteurs sont invités à pénétrer dans des espaces entre réel et virtuel, où le monde numérique occupe une place importante, mais est aussi incarné de manière très tangible dans le monde réel.

«Cette exposition met en lumière plusieurs types de collaborations, précise , directeur du Casino Luxembourg et co-curateur de cette exposition. Une collaboration institutionnelle tout d’abord puisque l’exposition est réalisée avec la Kunsthalle Giessen où Forced Amnesia a été présenté au printemps 2023, sous le co-commissariat de sa directrice, Nadia Ismail, et moi-même, et une collaboration artistique, puisque Mary-Audrey Ramirez a réalisé ce travail avec l’aide de l’intelligence artificielle.»

L’importance du numérique

Si les œuvres ont une matérialité bien tangible dans les salles d’exposition, il n’en reste pas moins que la part numérique est importante. Mary-Audrey Ramirez est fascinée par les arts numériques et les jeux vidéos en particulier. Pour cette exposition, elle présente toute une série de créatures imaginaires, tirées d’un jeu vidéo qu’elle a créé, également présenté dans l’exposition.

Les créatures de Mary-Audrey Ramirez ont été imprimées en 3D. (Photo: Lynn Theisen)

Les créatures de Mary-Audrey Ramirez ont été imprimées en 3D. (Photo: Lynn Theisen)

Les visiteurs sont invités à pénétrer dans des espaces déroutants, les plaçant volontairement dans un état de déséquilibre par rapport à la réalité, comme dans un monde parallèle, celui de l’imaginaire de l’artiste, son univers numérique. Par la simple mise en œuvre de lumière très intense colorée ou par un cheminement entre des parois désaxées, labyrinthiques, l’artiste fait physiquement entrer les visiteurs dans son monde. Un monde qui est peuplé de créatures imaginaires, incarnées dans des sculptures réalisées en 3D à base de sable et repeintes baignées dans une lumière bleue presque aveuglante. Ces sculptures dégagent ainsi une matérialité qui en appelle aux sens (vue, touché), ce qui contraste avec l’immatérialité numérique d’où elles sont engendrées. Elles sont comme des figures de jeux vidéos figées, qui à tout moment pourraient se réactiver. La porosité entre le réel et l’irréel devient ténue.

Une grande famille

Un peu plus loin, on bascule dans un autre univers, comme dans un jeu vidéo où l’on franchit plusieurs mondes, pour entrer dans une galerie de portraits. Sur les murs, des impressions sur satin sont encadrées. Il s’agit de portraits de ces mêmes créatures, mais en très grand nombre. On retrouve certains personnages que l’on vient de croiser en sculptures, mais aussi tout un ensemble de nouveaux «caractères», des créatures qui se rapprochent pour certains d’insectes et d’autres où leur morphologie est bien plus insolite. «Je considère que certains d’entre eux sont frères et sœurs. Il y a aussi des créatures qui sont beaucoup plus âgées que d’autres, comme des vieillards», explique Mary-Audrey Ramirez. «Ces figures sont obtenues à partir de promptes que j’écris à l’intelligence artificielle. C’est vraiment une collaboration avec l’AI, avec qui je mène un dialogue, parfois contre, parfois en acceptant ce qu’elle propose.» Ce très grand nombre d’images nous fait entrer pleinement dans cette grande famille monstrueuse qui peuple l’univers artistique de Mary-Audrey Ramirez.

À l’issue de cette galerie de portrait, les visiteurs arrivent dans un espace bien plus ouvert. «Après s’être senti plutôt grand face à ces portraits de petites créatures, je voulais que les visiteurs se sentent tout petits», explique l’artiste qui a une bonne maitrise de l’espace de l’exposition. Et c’est réussi, car les visiteurs doivent faire face à une installation de grande dimension qui rassemble des larves de ces créatures. Là aussi, la matérialité des œuvres est importante, car réalisée dans une sorte de vinyle blanc brillant, conférant un aspect à la fois attirant et inquiétant, comme visqueux.

Entrer dans le jeu

Puis, le jeu vidéo créé par l’artiste est présenté. Un canapé incite les visiteurs à prendre place et à entrer dans le jeu. Celui-ci consiste à diriger une forme lumineuse à travers des paysages, d’abord intergalactiques, puis des paysages enneigés, plutôt minimalistes. Au cours de son déplacement, cette forme lumineuse doit se diriger vers des points lumineux où une interaction se produit. Sur son chemin, ce «personnage» rencontre aussi des créatures avec qui les visiteurs ont pu faire connaissance au préalable dans les galeries. Elle peut même prendre possession de certaines de ces créatures et les animer.  

Enfin, la dernière salle est à la fois une fin et un recommencement, avec des créatures capturées dans de grands tubes en verre, comme si à tout moment, elles pouvaient sortir de ces éprouvettes géantes et envahir notre monde réel.

Forced Amnesia, au Casino Luxembourg, jusqu’au 28 avril.