Un yaourt joliment décoré avec un dessin de bananes, mais dans lequel on ne retrouve finalement que des arômes sans aucune teneur en fruit. Ou encore cette barre chocolatée censée être «healthy» et pleine de vitamines, mais dont l’étiquette fait plutôt état d’une importante quantité de sucre… Les étiquettes estampillées sur les produits alimentaires sont censées fournir aux consommateurs des informations claires sur le contenu des denrées alimentaires qu’ils achètent. Mais entre les listes d’ingrédients à n’en plus finir, dont la moitié sont aussi difficiles à identifier qu’à prononcer, et des étiquettes pas toujours uniformes – quand elles sont au moins lisibles sans loupe –, difficile pour le consommateur de ne pas se sentir dérouté.
Une étiquette est définie par l’UE comme «toute marque, tout signe, toute image ou toute autre représentation graphique écrit, imprimé, poncé, apposé, gravé ou appliqué sur l’emballage ou le récipient contenant une denrée alimentaire ou joint à celui-ci», rappelle la Cour des comptes. En cela, elles sont une technique publicitaire, mais elles doivent aussi fournir des informations concrètes sur la valeur nutritionnelle, les risques tels que les allergènes et des éléments de sécurité, comme les dates de fabrication et de consommation recommandée. En la matière, à l’échelle européenne, plusieurs règlements s’appliquent: la législation alimentaire générale de 2002, le règlement sur les allégations de 2006 et le règlement concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires de 2011 (règlement ICDA). S’ajoutent encore des règles spécifiques à certains produits tels que le vin, les œufs, le miel, l’huile d’olive ou encore la viande bovine.
Des informations obligatoires
Certaines informations doivent obligatoirement figurer sur une étiquette: le nom du produit, la liste de ses ingrédients et de ses allergènes, son origine, la qualité des ingrédients, le mode d’emploi et les conditions de conservation, le nom de l’exploitation du secteur alimentaire, la déclaration nutritionnelle mentionnant la quantité d’additifs et la date, et éventuellement d’autres mentions pour certains produits spécifiques cités ci-dessus. D’autres informations sont qualifiées de facultatives. Il s’agit par exemple des allégations nutritionnelles et de santé, d’un label biologique, des indications géographiques, des allégations relatives au bien-être animal ou encore des allégations environnementales. Ces «allégations» sont des affirmations présentes sur les étiquettes et qui mettent en avant certaines caractéristiques nutritionnelles, sanitaires ou environnementales.
Ainsi détaillé de façon théorique, tout semble très clair et le consommateur est ainsi censé avoir toutes les clés en main pour choisir ce qu’il mangera de façon éclairée. Mais dans les faits, pas si simple de s’y retrouver dans la jungle des informations qui figurent sur ces étiquettes. Dans son rapport sur le sujet, la Cour des comptes pointe quelques lacunes sources de difficultés pour le consommateur. À commencer par le cadre juridique qui encadre l’étiquetage.
Elle estime ainsi «que des retards dans la mise à jour du cadre juridique limitent la capacité des consommateurs à faire des choix éclairés». Ces retards concernent notamment les allégations de santé (14 ans de retard), les profils nutritionnels (15 ans de retard) ou encore l’étiquetage préventif des allergènes. D’autres éléments censés aider le consommateur ne font encore l’objet d’aucune action à ce jour. C’est le cas par exemple de la lisibilité des étiquettes, censées être plus étoffées, sur des emballages qui ont tendance à devenir de plus en plus petits pour des raisons environnementales. La Cour des comptes européenne relève aussi, entre autres, que «les pratiques en matière d’indication de la date sont ambiguës et prêtent à confusion», ainsi qu’une «absence de normes communes en matière d’étiquetage des viandes».
Quand l’étiquette devient un argument business
Et parce que l’alimentation est, elle aussi, un business, certaines pratiques nouvelles adoptées par le secteur alimentaire sont épinglées par la Cour des comptes européenne. En lien notamment avec les allégations (voir plus haut) qui, plus que de donner des informations sur un produit, sont aussi un excellent moyen pour l’industrie de séduire et de convaincre un consommateur à choisir tel produit plutôt qu’un autre. On lira alors «faible en sucre», «source de fibres», «emballage recyclable», etc. Mais ces allégations sont soumises à un règlement européen, afin de garantir qu’elles soient véridiques, compréhensibles et surtout fondées sur des preuves scientifiques.
«Conscientes du fait que les consommateurs sont devenus plus sensibles à l’incidence que leurs habitudes d’achat peuvent avoir sur l’environnement, les entreprises ont également commencé à assortir les produits de toutes sortes d’allégations environnementales. Une étude de la Commission a conclu que pour 80% des produits alimentaires sélectionnés, les sites de vente en ligne ou les publicités comportaient de telles allégations, et que les consommateurs pouvaient être victimes d’écoblanchiment (pratique consistant à commercialiser un produit soi-disant respectueux de l’environnement sans en donner la preuve), a détaillé l’ECA dans son rapport.
Par ailleurs, la multiplicité des labels, des logos et des systèmes d’étiquetage peuvent aussi contribuer à «perdre» le consommateur. Comme le Nutri-score que l’on retrouve sur certains produits, au Luxembourg et dans les pays voisins, mais pas en Italie ou dans les pays nordiques, par exemple.
Des contrôles insuffisants
Si en Europe, plusieurs règlements s’appliquent, charge aux États membres de mettre en place également des systèmes de contrôle et de s’assurer que les entreprises du secteur alimentaire appliquent correctement les règles d’étiquetage. Mais la Cour des comptes évoque des contrôles «insuffisants». Car les États membres se concentrent principalement sur le contrôle des informations obligatoires, comme la liste des ingrédients et la déclaration nutritionnelle. Les contrôles des informations facultatives, comme les labels et les allégations, sont moins fréquents, voire inexistants, selon l’ECA. Ce qui signifie que les consommateurs ne peuvent pas facilement distinguer les informations vérifiées des informations potentiellement fausses.
Sans parler des produits difficiles à contrôler, lorsque l’entreprise alimentaire en question est immatriculée ailleurs, lorsqu’un produit est vendu en ligne sur un site hébergé hors UE ou encore pour des produits vendus par d’autres intermédiaires, comme les compléments alimentaires souvent vantés sur les réseaux sociaux.
Au Luxembourg, les informations obligatoires qui doivent être apposées sur une étiquette doivent l’être au moins dans une des trois langues officielles du pays: français, allemand ou luxembourgeois, est-il précisé sur le portail de la Sécurité alimentaire. Les contrôles sont assurés par l’Administration luxembourgeoise vétérinaire et alimentaire (Alva), qui vérifie la conformité de l’étiquetage et la déclaration des allergènes des denrées et les allégations nutritionnelles et de santé.
En cas d’infraction, «les amendes ne sont pas toujours dissuasives, efficaces ou proportionnées», soulève l’ECA Le rapport donne ainsi l’exemple de la Lituanie, où les amendes vont généralement de 16 euros à 600 euros, ou jusqu’à 6% du chiffre d’affaires et jusqu’à 200.000 euros en cas de récidive.