L’été de l’année 2022, , aura connu «une sécheresse sans précédent», selon le chef du service météorologique de l’Administration des services techniques de l’agriculture (Asta), Andrew Ferrone.
S’il n’a pas atteint le record de température de 2003, l’été 2022 est le deuxième plus chaud au Luxembourg depuis le début des enregistrements en 1838. Et différents tristes records ont bien été battus lors des mois de juin, juillet et août.
Le nombre de journées dites «estivales», où les températures sont au-dessus de 25°C, n’a ainsi jamais été aussi élevé, selon Andrew Ferrone. MeteoLux en dénombre 57, contre 31,5 jours en moyenne à long terme. Idem concernant le nombre de journées frappées par des pics de chaleur (plus de 30°C): 15 en 2022 selon MeteoLux, contre 7,2 en moyenne entre 1991 et 2020.
L’été 2022 a en outre été le plus ensoleillé jamais observé depuis 1947, selon MeteoLux. Avec 956,2 heures d’ensoleillement, l’été 2022 surpasse même celui de 2003 (893,3 heures) et se situe 30% au-dessus de la moyenne 1991-2020.
Cumul de facteurs
Du côté des précipitations, sans être un record absolu – il s’agit du septième été le plus sec depuis 1854 –, l’été 2022 a connu un déficit de pluviométrie qui n’avait jamais été atteint depuis 100 ans, constate Andrew Ferrone. MeteoLux décrit un cumul de précipitations de 74,6l/m2, un chiffre «drastiquement inférieur» par rapport à la moyenne de 217l/m2 de la période 1991-2020 (soit un déficit d’environ 66%). En outre, avec seulement 23 jours de précipitations, l’été 2022 se situe nettement en dessous de la moyenne 1991-2020, de 40,2 jours.
Et l’été 2022 se caractérise par le cumul de tous ces facteurs. Il y a plus d’un siècle, certains étés ont connu moins de précipitations. Mais les températures étaient alors bien plus basses. Cette année, c’est la combinaison d’un manque de précipitations et de températures très élevées qui a occasionné cette sécheresse historique pour le pays.
Cours d’eau à sec
Et les conséquences d’une telle sécheresse sur l’environnement sont multiples. Les cours d’eau du pays ont ainsi , certains se retrouvant même «à sec» dans le courant du mois d’août, ce que le ministère de l’Environnement qualifiait d’événement «rare et inquiétant, encore jamais observé sur certains ruisseaux». Cela a engendré une augmentation de la température et une dégradation de la qualité des eaux de surface qui ont à leur tour provoqué un risque pour les organismes aquatiques, sans compter les difficultés posées dans les secteurs du ou de la , tous deux en berne.
Les réserves d’eau potable se sont , du fait d’un moins bon renouvellement des eaux souterraines et donc de la dégradation de leur qualité et de la quantité disponible. Si, au niveau national, l’approvisionnement en eau potable n’a malgré tout jamais été mis en danger cet été, grâce aux stations de traitement installées au niveau du lac de la Haute-Sûre, il pourrait malgré tout le devenir à moyen terme. Et certaines communes non raccordées à un syndicat d’eau potable, et donc dépendantes des stations de captage disponibles sur leur territoire, subissent déjà des situations beaucoup plus tendues.
Préoccupation pour le maïs et les cultures fourragères
L’agriculture n’a bien sûr pas été épargnée par la sécheresse. La récolte de céréales, si elle a connu de fortes variations régionales, a cependant atteint un niveau de rendement élevé dans le pays. Mais ce n’est pas le cas d’autres cultures. Du fait du manque de pluie, les pommes de terre ont connu des rendements faibles, qualifiés de «préoccupants» par le ministère de l’Agriculture, qui a fait un point le 21 septembre dernier.
Le maïs, qui «n’a pas bien résisté à la sécheresse», a quant à lui connu cette année «des pertes de rendement et de qualité significatives», en particulier dans le sud du pays. Le manque de pluie a aussi fortement impacté les cultures fourragères, notamment les prairies, essentielles pour constituer les réserves en vue de nourrir le bétail l’hiver. Sur les trois premières coupes de l’année, les pertes de rendement dans les prairies se sont ainsi élevées à 30%, selon l’Asta.
C’est un cercle vicieux. D’une année à l’autre, le bilan s’alourdit.
Le président de la Chambre d’agriculture, Guy Feyder, n’hésite pas à comparer 2022 à 1976, une année qui avait connu une sécheresse historique. Celui-ci s’inquiète surtout de l’aggravation de la situation qu’il constate ces dernières années: «C’est un cercle vicieux. D’une année à l’autre, le bilan s’alourdit», les pluies hivernales ne suffisant plus à reconstituer les réserves en eau.
2021, qui avait connu des précipitations suffisantes, fait désormais figure d’exception: «Sur les cinq dernières années, 2022 est la quatrième où nous connaissons une telle situation de sécheresse», constate Guy Feyder.
L’état des forêts se dégrade
Le constat est d’ailleurs exactement le même concernant l’état des forêts. Celui-ci s’était en 2018, 2019 et 2020. Mais des pluies en quantité suffisante lors de l’année 2021 laissaient espérer une amélioration. «Les conditions étaient bonnes pour une reprise, mais l’état général s’est à nouveau dégradé», observe le directeur de l’Administration de la nature et des forêts du ministère de l’Environnement, Frank Wolter.
La proportion d’arbres forestiers classés dans les catégories «nettement endommagés» à «mort» a ainsi augmenté de 10% par rapport à 2021, passant de 51% à 62%, soit plus d’un arbre sur deux dans un très mauvais état. Les épicéas, attaqués par les scolytes, et les hêtres font office de premières victimes, mais les chênes et autres feuillus ne sont pas non plus épargnés par la dégradation de la situation.
Comme pour l’agriculture, le problème est la répétition d’années marquées par la sécheresse. «Nous avions déjà fait l’expérience d’une année difficile après plusieurs années de normalité. Ici, il n’y a eu qu’une année de répit. Or un arbre a besoin de trois ou quatre ans pour reconstituer ses réserves», explique Frank Wolter.
De telles perturbations climatiques, cela n’avait été prévu dans aucun modèle climatique européen ou mondial. Seulement pour après 2030 dans le pire des scénarios.
La dégradation de l’état de santé des forêts pourrait en outre aggraver le phénomène du réchauffement climatique, rappelle Frank Wolter: «En captant le carbone, les forêts sont notre principal partenaire pour lutter contre le changement climatique. Donc il est très important de les maintenir.»
Mais cela parait désormais une gageure. «C’est vraiment une surprise d’être retombé aussi vite dans des excès climatiques si importants», admet Frank Wolter, alors même que les années de 2018 à 2020 avaient déjà mis à mal les prévisions climatiques des experts. «De telles perturbations climatiques, cela n’avait été prévu dans aucun modèle climatique européen ou mondial. Seulement pour après 2030 dans le pire des scénarios», rappelle-t-il. L’année 2022 ne permettra sans doute pas plus d’optimisme.
Cet article a été rédigé pour la newsletter Paperjam Green, le rendez-vous mensuel pour suivre l’actualité en matière d’environnement, de climat, de mobilité, de RSE et de green finance. .