L’application Gouvalert.lu permet déjà au centre d’appels du 112 de localiser les appelants. Avec l’AML, cette localisation sera automatique. (Photo: CGDIS/Facebook)

L’application Gouvalert.lu permet déjà au centre d’appels du 112 de localiser les appelants. Avec l’AML, cette localisation sera automatique. (Photo: CGDIS/Facebook)

Selon la Cour de justice de l’UE, les États doivent imposer aux opérateurs de télécommunications de fournir gratuitement les données de localisation des appels d’urgence passés au 112. Chose faite au Luxembourg.

Les juges du Kirchberg renforcent la portée de la directive «service universel» de 2002, dont ils avaient déjà jugé qu’elle imposait aux États la transmission effective des informations sur la localisation de tous les appels au 112.

Dans l’arrêt prononcé ce jeudi matin, la Cour va plus loin en jugeant que cette directive impose aux États membres, sous réserve de faisabilité technique, l’obligation de veiller à ce que les entreprises concernées mettent gratuitement à la disposition de l’autorité traitant les appels d’urgence au 112 les informations relatives à la localisation de l’appelant dès que l’appel parvient à ladite autorité, y compris lorsque l’appel est passé à partir d’un téléphone portable non équipé d’une carte SIM.

C’est un fait divers sordide qui a amené les juges de droit européen à resserrer l’étau. Une jeune Lituanienne de 17 ans avait été enlevée, violée et brûlée vive dans le coffre d’une voiture en septembre 2013. Elle avait réussi à composer le 112 lorsqu’elle y était enfermée, mais le centre de réception des appels d’urgence n’avait pas accès à l’affichage de son numéro et les secours n’ont pu arriver à temps faute d’informations sur sa localisation.

La localisation avancée déployée dans 15 pays

La famille de la victime a par conséquent saisi la justice afin de faire condamner la Lituanie à la réparation du préjudice moral subi par la jeune fille, arguant que la directive «service universel» n’avait pas correctement été appliquée. La Cour a d’ailleurs reconnu un lien de causalité indirect entre la violation du droit de l’Union par la Lituanie et les dommages causés à la victime, estimant ainsi que la responsabilité de l’État lituanien était engagée dans cette affaire.

Entre-temps, la législation européenne s’est étoffée en la matière. Une directive de 2009 révisée en 2018 a intégré au Code européen des communications électroniques l’obligation pour les États de mettre en place la localisation mobile avancée (AML en anglais) avant fin 2020. Ce système prévoit que la connexion wifi et les services de localisation du téléphone s’activent automatiquement lors d’un appel au 112, lequel reçoit un SMS contenant l’emplacement de l’appelant.

Développée au Royaume-Uni par British Telecom, EE Limited et HTC, l’AML est actuellement déployée dans 15 pays – dont la Lituanie. Mais pas en France ni en Allemagne ou en Italie, une lacune récemment mise en avant lors des recherches menées pour retrouver Simon Gautier, un randonneur français qui avait appelé les secours italiens après une chute et dont le corps n’a été retrouvé que neuf jours après son accident.

Nous sommes techniquement prêts, mais il reste encore certaines barrières juridiques et administratives, notamment liées à la protection des données.

Cédric Gantzerporte-paroleCorps grand-ducal incendie et secours

Le Luxembourg a, de son côté, fait un premier pas en mettant en place en octobre 2018 l’application Gouvalert.lu, téléchargeable sur les systèmes Android comme IOS. «Si une personne appelle le 112 via l’application Gouvalert.lu, nous pouvons la localiser», indique Cédric Gantzer, porte-parole du Corps grand-ducal incendie et secours. Le CGDIS reçoit automatiquement l’adresse de la ligne fixe utilisée ou la localisation du téléphone portable le cas échéant.

«L’application permet également d’envoyer des notifications ‘push’ en cas de danger pour la population (incendie, tempête, accident nucléaire…) et de diffuser le plan d’intervention du gouvernement», ajoute M. Gantzer. Plusieurs milliers de téléchargements ont été enregistrés depuis presque un an et plusieurs centaines d’appels au 112 passent effectivement par l’application. La géolocalisation a d’ailleurs été «très récemment utilisée».

Le CGDIS se heurte toutefois à un écueil: la victime doit appeler via l’application Gouvalert.lu pour bénéficier de la localisation, or elle n’est pas toujours en mesure de télécharger cette application en situation d’urgence. D’où l’avantage de l’AML. «Nous travaillons à la mise en place de l’AML», assure M. Gantzer. «Nous sommes techniquement prêts, mais il reste encore certaines barrières juridiques et administratives, notamment liées à la protection des données.» Le service devrait être disponible avant la fin de l’année.