«Quelles que soient les déclarations faites, le 1er mai, dans les médias ou ailleurs, ce gouvernement demeure résolument engagé en faveur du dialogue social et du partenariat social, et respecte pleinement le rôle des syndicats », le Premier ministre (CSV) lors de son discours sur l’état de la Nation. Mais qu’ont pensé les principaux intéressés de cette allocution?
«Contrairement à la déclaration du Premier ministre, force est de constater que le dialogue social est actuellement au point mort», ont répondu dans un communiqué commun l’OGBL et le LCGB. «Malgré les efforts soutenus du front syndical au cours des derniers mois pour tenter de relancer le dialogue social avec le gouvernement et le patronat, le Premier ministre persiste et signe en ignorant tout simplement les positions des représentants élus des salariés et des pensionnés.»
Sur les annonces faites ce mardi, le front syndical dénonce, comme il l’avait déjà fait il y a quelques mois, la «libéralisation du travail dominical et des heures d’ouverture dans le commerce, revenant à anéantir toute possibilité pour les salariés concernés de concilier vie professionnelle et vie privée». Concernant la future réforme des pensions, ils répondent que «le gouvernement envisage donc de détériorer notre système de pensions public et solidaire, au lieu de le renforcer. Concrètement, cela signifie que tout salarié actuel et futur devra travailler plus longtemps. Cela touchera particulièrement les jeunes et remet en question la solidarité intergénérationnelle. Par contre, une revalorisation de la pension minimale, qui est actuellement largement insuffisante, est exclue et les détériorations introduites par la réforme de 2012 sont maintenues.»
Le financement des pensions en question
Pour le président de l’UEL, , «le discours est toujours très long et permet au Premier ministre de poser un regard sur le passé, le présent et le futur. Je regrette qu’il n’ait pas plus parlé du futur et qu’il ait beaucoup évoqué ce que le gouvernement avait déjà fait.» Pour Luc Frieden, l’économie se porte bien. «Disons que nous avons une vision un peu moins positive que lui», nuance Michel Reckinger. «Nous venons de vivre trois années de récession, le moteur économique du pays ne fonctionne pas aussi bien que ce qui est présenté, la productivité et la compétitivité du pays sont en berne pour nous.»
Celui qui est également vice-président de la Fédération des artisans (FDA) depuis 2021 aurait notamment apprécié «plus de détails concernant le droit du travail, ou le dossier complexe du logement. Luc Frieden a expliqué que pour lui le secteur de la construction n’était plus en crise, mais des milliers d’emplois ont été perdus et nous sommes vraiment loin des objectifs en ce qui concerne les nouveaux logements. Quid également des logements abordables et du locatif?», interroge-t-il.
Sur le sujet de la réforme des pensions, Michel Reckinger dit avoir «un vrai souci avec son financement. Plusieurs points avaient été mis sur la table durant les discussions et un seul a été retenu. La réforme ne s’appliquera pas aux personnes déjà en retraite ou proches de l’être, elle vise donc les jeunes, ce que je regrette, j’aurais souhaité une réforme qui s’appuie sur les épaules de tous.» Concernant le financement, le Premier ministre a expliqué ce mardi 13 mai qu’il « serait envisageable d’affecter la moitié des recettes de la taxe CO₂ pour les mesures sociales». «Mais qu’est-ce que cela veut dire?», interroge encore le président de l’UEL. «Pour arriver dans 15 ans face à un mur encore plus grand qu’aujourd’hui? On décale le problème au lieu de trouver une vraie solution pérenne.»
Un volet défense convaincant pour Carlo Thelen
Le directeur général de la Chambre de commerce, , confie avoir regardé le discours aux côtés de son président Fernand Ernster. «Par rapport aux attentes que j’avais, je dirais que je suis relativement satisfait parce que le cap indiqué par le Premier ministre est quand même clair. Il a beaucoup parlé de sécurité, de stabilité, ce sont des mots importants actuellement pour rassurer la population, les citoyens, les entrepreneurs.» Le directeur de la Chambre de commerce salue notamment le volet sur l’IA ou celui consacré à la défense annoncé par Luc Frieden. «Nous avions présenté notre rapport au gouvernement il y a quelques semaines et le Premier ministre s’en est largement inspiré.»
Sur l’objectif des 2% avancé de 2030 à la fin de cette année 2025, Carlo Thelen confie que «c’est un sujet complexe. Nous n’avions pas une tradition d’investir dans l’armement, dans la défense, dans les munitions, mais le contexte géopolitique et économique mondial nous oblige à le faire. Même s’il y a beaucoup d’applications en dual use qui peuvent être utilisées, cela reste un investissement très important avec des règles strictes. Nous passons de 200 millions d’euros par an, à actuellement quasiment 700-800 millions d’euros, pour atteindre environ 1,2 milliard d’euros. Ce n’est pas rien pour un pays de notre taille.»
Sur la réforme des pensions annoncée, pour le directeur de la Chambre de commerce, «le gouvernement prend ses responsabilités, car les employeurs et les syndicats ne s’arrangeront pas, ils n’ont pas les mêmes positions là-dessus. Pour nous, les mesures qui ont été annoncées vont dans la bonne direction. Elles ne ne suffiront pas à long terme, il en faudra des plus incisives, mais ce sont déjà des mesures qui peuvent être probantes.»
La CGFP reconnait des points positifs
Pour la CGFP, «les principales victimes (de la réforme des pensions, ndlr) seront les jeunes générations. Elles doivent d’ores et déjà s’attendre à rester quelques années de plus dans le processus de travail. Après des mois de tactique de temporisation, le gouvernement montre donc maintenant son vrai visage. Les craintes de la CGFP ont ainsi été confirmées: le pseudo-débat de plusieurs semaines n’a servi que de fonction alibi. Les plans de réforme sont prêts dans le tiroir depuis longtemps. Le comble est qu’au cours du discours sur l’état de la Nation, il a été maintes fois souligné l’importance du dialogue social. Le gouvernement ne gouverne pas seul, il recherche plutôt un échange régulier, a-t-il été dit. La réalité est malheureusement différente», a exprimé la Confédération générale de la fonction publique, dans un communiqué.
«Il n’a jamais été question d’une augmentation progressive des années de cotisation dans toutes ces discussions. Les thèmes principaux sont relégués au second plan. Malheureusement, la réforme fiscale, attendue depuis longtemps, n’a été mentionnée qu’en marge lors de l’état de la Nation. La CGFP se dit déçue par les déclarations faites concernant la problématique généralisée du logement.» Elle reconnait tout de même quelques annonces positives, comme le renforcement de la justice et de la police, ou la prise en charge d’une partie des coûts de réseau dans le domaine de l’énergie, sans toutefois comprendre pourquoi «le gouvernement laisse expirer le plafonnement des prix de l’électricité actuellement en vigueur».
Dans un communiqué, le Mouvement écologique critique «vivement» plusieurs points spécifiques, comme l’utilisation des recettes de la taxe CO2 pour cofinancer le système de retraite. «Ces fonds devraient servir à compenser l’augmentation des prix pour les ménages à faibles revenus et à promouvoir la transition énergétique, ce qui est essentiel pour l’acceptation de cette taxe», explique le communiqué. «L’approbation unilatérale de l’accord Mercosur, en contradiction avec les positions antérieures de certains ministres et des agriculteurs, est considérée comme très irritante. De plus, présenter la simplification des procédures de protection de la nature pour accélérer la construction comme une réussite et parler d’une ‘balance’ entre logement et nature est qualifié ‘d’affront’, car cela risque d’entraîner une perte massive de biodiversité.»