Juriste et militante pour les droits de l’Homme, contredit l’idée reçue selon laquelle les jeunes ne seraient pas suffisamment engagés. Âgée de 25 ans, cette étudiante en droit à l’Uni est administratrice de l’asbl L’événement depuis un an et demi et des Jeunes européens fédéralistes (JEF) depuis deux ans.
Quels sont les principaux défis que vous avez rencontrés en tant que femme administratrice indépendante?
Esther Adelakun. – «J’ai souvent dû faire face à des stéréotypes et des préjugés, souvent implicites, le premier défi a été de prouver ma légitimité dans un cadre où l’on associe souvent expérience et âge à la capacité de leadership, oubliant que les idées novatrices et la capacité d’adaptation proviennent souvent des jeunes. De plus, mon parcours m’a confrontée à une double méfiance: celle liée au genre et celle liée à l’origine, dans un milieu où la représentation des minorités est encore faible. Ces expériences m’ont poussée à développer une résilience particulière, mais aussi à œuvrer pour faire évoluer les mentalités en montrant que la diversité, sous toutes ses formes, est une richesse et un levier de performance pour les organisations.
Comment gérez-vous les éventuelles résistances ou les scepticismes à votre égard?
«Face aux résistances ou au scepticisme, je mise avant tout sur la démonstration par l’excellence et l’authenticité. Mon approche consiste à être irréprochable dans la préparation, qu’il s’agisse de ma compréhension des dossiers ou de mes propositions stratégiques. Cela me permet de gagner la confiance et le respect de mes interlocuteurs par mes résultats plutôt que par des discours. J’ai également appris à transformer les préjugés en opportunités de dialogue. Plutôt que de me braquer face au scepticisme, je prends le temps d’écouter, de comprendre les craintes ou les réticences, et de montrer, par l’échange, que la diversité de perspectives est une force pour la prise de décision.
Pensez-vous que l’égalité hommes-femmes progresse au sein des conseils d’administration? Pourquoi?
«Oui, l’égalité hommes-femmes progresse dans les conseils d’administration, et cela s’explique en partie par le fait que les femmes sont désormais plus diplômées que les hommes. Par exemple, en France, 55% des jeunes femmes sont inscrites dans l’enseignement supérieur, contre 44% des hommes, une tendance également observée à l’échelle mondiale. Ce niveau d’éducation supérieur leur permet d’accéder davantage à des postes stratégiques et de leadership. En France, cette évolution se reflète clairement avec 46,1% de femmes dans les conseils d’administration en 2023, positionnant le pays en leader en matière de parité.
Que pensez-vous des quotas pour les femmes dans les conseils? Sont-ils nécessaires ou contre-productifs selon vous?
«En principe, je suis contre l’idée des quotas, car ils risquent de diminuer la valeur perçue de notre présence en faisant croire que nous sommes là uniquement grâce à un quota, et non pour notre expertise et notre travail acharné. Bien que l’intention derrière les quotas soit louable, il serait plus efficace de s’attaquer aux problèmes structurels sous-jacents. Il est essentiel de repenser les questions d’égalité, d’équité et d’accessibilité, afin de créer un environnement où les femmes accèdent naturellement à ces rôles en raison de leurs compétences. Ce n’est qu’en corrigeant les déséquilibres systémiques, comme les biais dans les processus de recrutement et les opportunités de progression, que nous pourrons atteindre une réelle égalité non artificielle.
En tant que femme administratrice, sentez-vous une responsabilité particulière de défendre les questions de parité et d’inclusion?
«Oui, en tant que femme administratrice, je ressens une responsabilité particulière de défendre les questions de parité et d’inclusion. J’ai remarqué que ce sont des sujets que les hommes, souvent davantage concentrés sur le pragmatisme et les résultats immédiats, ne se posent pas naturellement. Il y a un réel sentiment que, si nous ne soulevons pas ces questions, elles risquent tout simplement d’être ignorées. Par contre, cette responsabilité n’est pas un fardeau, mais une opportunité de faire avancer des enjeux essentiels qui contribuent à la richesse des débats et à la performance des organisations.
Selon vous, comment la diversité influence-t-elle la performance d’un conseil d’administration?
«En tant que jeune femme d’origine guadeloupéenne, je suis convaincue que la diversité est un atout majeur pour la performance d’un conseil d’administration. Elle permet d’enrichir les perspectives, de poser des questions inédites et de proposer des solutions plus innovantes, car elle reflète une pluralité d’expériences, de cultures et de visions. Dans un monde globalisé, un conseil homogène peut limiter la capacité d’un conseil à anticiper les enjeux et à répondre aux attentes d’une clientèle diversifiée, surtout au Luxembourg! La diversité ne se résume pas à une question d’équité, c’est aussi une véritable stratégie de compétitivité.
Selon vous, quelles solutions ou quelle politique pourraient encourager une meilleure parité?
«Pour encourager une meilleure parité, il faut aller au-delà des mesures symboliques et s’attaquer aux racines structurelles des inégalités. Tout d’abord, il est essentiel de garantir l’égalité des chances dès le départ, notamment en encourageant l’éducation et la formation des jeunes femmes dans des domaines où elles sont sous-représentées, comme les sciences, la finance ou les technologies. Ensuite, les entreprises devraient revoir leurs processus de recrutement et de promotion afin d’éliminer les biais inconscients et de garantir une réelle équité. (Par exemple, instaurer des politiques de transparence salariale et des critères objectifs d’évaluation des performances qui pourraient réduire les écarts de progression entre hommes et femmes). Enfin, il faut encourager une meilleure conciliation entre vie professionnelle et personnelle, car les responsabilités familiales pèsent encore majoritairement sur les femmes, freinant parfois leur progression, notamment en attribuant des congés parentaux égalitaires. Une politique efficace ne se limite pas à imposer des quotas, elle vise à transformer les mentalités et les pratiques pour que la parité devienne une évidence, et non une obligation!
«Quel conseil donneriez-vous à une femme qui hésiterait à se lancer?
Mon conseil serait de croire en votre valeur et de tout simplement vous lancer! Trop souvent, nous hésitons car nous voulons être ‘parfaitement prêtes’, mais la perfection n’est pas nécessaire. Nos expériences sont uniques, et c’est en osant sortir de notre zone de confort que nous découvrons nos capacités. Entourez-vous de personnes qui vous soutiennent, et souvenez-vous que chaque pas que vous faites inspire d’autres femmes à suivre votre exemple.
Pour finir, avez-vous une anecdote ou un moment marquant dans votre parcours qui illustre la réalité d’être une femme dans ce rôle?
«Un moment marquant de mon parcours a été lors d’une réunion de notre conseil où j’étais la seule femme et, par ailleurs, l’une des plus jeunes personnes présentes. Au début, il y avait une certaine méfiance, presque palpable, à mon égard. Mais au fil de la discussion, lorsque j’ai apporté des solutions à certains casse-têtes, l’atmosphère a changé. J’ai vu les regards évoluer, passant du scepticisme à un réel respect. Ce moment m’a rappelé à quel point il est important de s’affirmer et de croire en ses compétences, même dans des environnements où l’on peut se sentir isolée. Cela démontre bien la réalité d’être une femme dans ce rôle: il faut parfois travailler deux fois plus dur pour être entendue, mais le résultat en vaut toujours la peine.
Que conseilleriez-vous concrètement à une jeune femme qui voudrait prendre sa place dans la société? Que lui déconseillerez-vous? «Je lui conseillerais de croire en elle, de se fixer des objectifs clairs et de ne pas hésiter à s’entourer de mentors et d’alliés. Formez-vous, exprimez-vous et ne bridez jamais votre ambition. Ce que je déconseillerais, c’est de se conformer aux attentes des autres ou de laisser la peur de l’échec vous arrêter. Prenez votre place, car elle est légitime!»