Yves Nosbusch espère que la crise actuelle favorisera la transition énergétique. (Photo: Maison Moderne/Olivier Minaire)

Yves Nosbusch espère que la crise actuelle favorisera la transition énergétique. (Photo: Maison Moderne/Olivier Minaire)

Yves Nosbusch, chef économiste de BGL BNP Paribas, s’attend à un rebond significatif de la demande et de l’activité sur la deuxième moitié de l’année.

Le rebond amorcé au début du second semestre 2020 n’aura pas survécu à la recrudescence de l’épidémie et aux nouvelles restrictions sanitaires mises en place au niveau national. Tout cela pèse sur la dynamique de rattrapage qu’espéraient les économistes. Conséquence, dans la zone euro, la perte d’activité causée par la crise du Covid-19 ne sera probablement pas effacée avant la fin de l’année 2021.

«Pour autant, il existe des raisons d’afficher un espoir prudent à l’égard de l’économie en 2021. La campagne de vaccination a commencé, ce qui devrait permettre de réduire les risques de disruption dus à de nouvelles vagues de contamination et, ainsi, diminuer l’incertitude entourant les perspectives économiques. Ceci laisse espérer un rebond significatif de la demande et de l’activité sur la deuxième moitié de l’année», estime . Qui se veut cependant prudent et insiste sur la persistance possible des incertitudes liées à l’infection.

L’attente d’un cercle vertueux

Ces incertitudes, on les constate du côté des ménages, principalement dans les anticipations relatives au chômage. «Malgré les nombreuses mesures en faveur du maintien de l’emploi, dont le chômage partiel, qui ont permis d’endiguer la montée du chômage, l’évaluation des perspectives du marché de l’emploi par les ménages européens s’est de nouveau détériorée récemment.» Un pessimisme qui, à court terme, devrait freiner les dépenses et encourager l’épargne de précaution. Ce n’est que lorsque les perspectives s’amélioreront que les ménages seront tentés de puiser dans l’épargne qu’ils ont accumulée depuis le premier confinement pour consommer et investir.

Les sociétés rentables, qui affichent un bilan solide et pour lesquelles les perspectives de la demande s’améliorent, pourraient accroître leurs investissements, ce qui devrait avoir des retombées positives sur d’autres secteurs.
Yves Nosbusch

Yves Nosbuschchef économisteBGL BNP Paribas

Un cercle vertueux qu’attendent les entreprises. «Pour elles, il est important d’avoir une visibilité sur un horizon assez lointain. C’est ce qui déterminera leurs décisions en termes d’investissements et de recrutements.» Le risque, c’est que les entreprises qui se sont beaucoup endettées, suite à la diminution de leur chiffre d’affaires due au confinement, pourraient privilégier le désendettement sur l’investissement. «En revanche, les sociétés rentables, qui affichent un bilan solide et pour lesquelles les perspectives de la demande s’améliorent, pourraient accroître leurs investissements, ce qui devrait avoir des retombées positives sur d’autres secteurs.»

Le rebond de croissance espéré pour 2021 pour la zone euro (+3,8%, contre une décroissance de 7,8% en 2020) se poursuivra en 2022 avec une inflation qui restera en dessous de l’objectif de 2% de la Banque centrale européenne. Dans les pays émergents, l’inflation restera par contre élevée pour un niveau de croissance équivalent à ceux prévus dans la zone euro.

Les effets structurants de la crise

La crise du Covid a eu un fort impact conjoncturel. Mais elle aura aussi des conséquences profondes à long terme, estime Yves Nosbusch. «L’économie va connaître des changements du côté de l’offre, avec la modification des chaînes de valeur pour renforcer la résilience aux chocs. D’autres évolutions sont attendues du côté de la demande. Certaines nouvelles habitudes de consommation apparues pendant le confinement – comme le large recours à l’e-commerce – pourraient perdurer. Cette évolution est particulièrement importante au niveau sectoriel. On peut en effet se demander comment le télétravail influera sur la demande de bureaux, quel sera l’impact des achats en ligne sur la demande de surfaces de vente, celui de la vidéo en streaming sur les salles de cinéma, les théâtres, les stades, ou encore les répercussions de la visioconférence sur les déplacements professionnels. Les perspectives de croissance à long terme de certaines industries pourraient être sensiblement différentes.»

Prévisions de croissance et d’inflation pour 2021-2022. Source: BNPP Group Economic Research

Prévisions de croissance et d’inflation pour 2021-2022. Source: BNPP Group Economic Research

Le grand problème d’avant la crise n’a pas perdu de son importance: le réchauffement climatique s’accélère, constate l’économiste pour qui la seule solution est l’abandon progressif des énergies fossiles. «La crise sanitaire actuelle pourrait être l’occasion de faire avancer les choses dans ce sens. En Europe, les plans de relance mettent l’accent sur l’investissement vert. Cela rend d’autant plus importante la 26e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP26), qui se tiendra à Glasgow en novembre prochain. À cette occasion, les pays devraient convenir d’un nouveau durcissement des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.»