Rolando Grandi voit dans «l’espace 2.0» une opportunité pour les investisseurs. (Photo: LFDE/Denis ALLARD/REA)

Rolando Grandi voit dans «l’espace 2.0» une opportunité pour les investisseurs. (Photo: LFDE/Denis ALLARD/REA)

La Financière de l’Échiquier a lancé à la fin du mois de mai dernier Échiquier Space, le premier fonds thématique d’Europe dédié à l’espace et à son écosystème. Son gérant, Rolando Grandi (CFA) nous parle des opportunités liées à l’actuel basculement du marché vers le secteur privé.

Le secteur spatial est en train de vivre une révolution copernicienne, passant de ce que Rolando Grandi appelle «l’espace 1.0» à «l’espace 2.0».

La première époque de l’industrie spatiale débute dans les années 60 avec la course que se livrèrent les États-Unis et l’Union soviétique pour conquérir la Lune. Les entreprises actives dans le secteur étaient des entreprises publiques ou privées liées au secteur de la défense. «Des entreprises qui délivraient des solutions très coûteuses et donc l’accès des investisseurs étaient limités».

L’espace 2.0 «qui émerge aujourd’hui et qui permet aux investisseurs de s’impliquer pleinement» se caractérise par l’émergence d’entreprises privées «fondées par des entrepreneurs et financées par des capitaux privés» qui vendent leurs solutions aussi bien à des gouvernements qu’à des clients privés de différents secteurs (navigation, assurance, agriculture, transport, logistique…). C’est pour profiter de cette transition que LFDE a lancé son fonds Echiquier Space.

Une industrie en transition

Entre ces deux époques, il y a eu un moment intermédiaire avec le développement de sociétés comme SES, Eutelsat ou Iridium – des sociétés privées généralement créées sur l’impulsion d’autorités publiques qui développent des solutions commerciales pour des clients plutôt privés –. Des sociétés qui se trouvent à la croisée des chemins et qui cherchent à intégrer le monde de l’espace 2.0 en faisant des acquisitions externes (comme SES avec OB2 ou Eutelsat avec OneWeb) et en capitalisant sur l’orbite intermédiaire – le MEO (Medium Earth Orbit), la région de l’espace autour de la Terre située entre 2.000 et 35.786 kilomètres d’altitude, soit au-dessus de l’orbite terrestre basse et en dessous de l’orbite géostationnaire –. «Iridium devrait annoncer d’ici la fin de l’année un partenariat avec un producteur de smartphones afin d’intégrer une connectivité directe entre le satellite et un téléphone portable comme vient de faire Apple avec GlobalStar.»

Cette transition rebat les cartes du modèle économique de l’espace. «Si des projets de stations spatiales privées, de datacenter spatiaux, d’usines en orbite ou encore de space mining émergent aujourd’hui, c’est parce que depuis ces 15 dernières années, il s’est passé quelque chose de fondamental: les acteurs, via des innovations et des économies d’échelle travaillent à la réduction des coûts. Les acteurs du premier âge facturaient beaucoup plus cher l’accès à l’espace parce que leurs fusées n’étaient pas réutilisables et qu’il n’y avait pas la volonté de réduire les coûts parce que cela impactait directement leur rentabilité. Cette logique s’est inversée et du coup, on a un écosystème plus robuste.»

Espace responsable

Un autre contraste frappant avec l’espace 1.0 réside dans une approche de développement responsable. Approche que l’on constate avec la réutilisation des lanceurs, l’adoption de combustibles moins polluants comme le méthane et l’hydrogène et la lutte contre la prolifération des débris spatiaux. «Tous ces nouveaux acteurs poursuivent cette logique de développement responsable que nous, investisseurs, recherchons et privilégions.»

L’outil spatial, le satellite comme les bases terrestres qui prennent les images et les analysent, sont des éléments fondamentaux pour permettre de comprendre comment évolue notre planète.»

Rolando Grandi La Financière de l’Échiquier

Pour ce qui est de ces exigences de durabilité, LFDE a défini spécifique aux enjeux spatiaux «en phase avec la volonté des nouveaux acteurs de l’industrie spatiale d’intégrer les enjeux de durabilité».

L’aspect social de l’industrie spatiale n’est pas oublié. «Notamment sa capacité à lutter contre la nouvelle fracture numérique qui se crée entre les populations ou encore à lutter contre le changement climatique. Pour comprendre ce qui se passe, plus de la moitié des indicateurs permettant le suivi du changement climatique proviennent de l’imagerie satellite. L’outil spatial, le satellite comme les bases terrestres qui prennent les images et les analysent, sont des éléments fondamentaux pour permettre de comprendre comment évolue notre planète.»

Le rêve de l’investisseur

L’espace a toujours fait rêver les gens. Mais qu’est-ce qui fait rêver l’investisseur? Pour répondre à cette question, Rolando Grandi utilise deux échelles de temps différentes.

«L’objectif à long terme – et c’est là où les rêves sont les plus attisés – c’est de rendre la vie humaine multiplanétaire. La Lune, Mars… Les grands projets de développement interplanétaires sont en cours et une course s’est engagée entre les États-Unis, la Russie, la Chine et d’autres puissances. Mais si ces projets ont un horizon de long terme, les sociétés impliquées ont une activité, une matérialité actuelle. Il existe tout un écosystème en pleine effervescence. La difficulté est de conjuguer cette opportunité à très long terme avec une matérialité présente sur le court terme sur ces entreprises. Sur le court et moyen terme, des entreprises contribuent déjà à rendre la vie meilleure depuis l’espace en observant la Terre et offrent des applications – des solutions utiles aux Terriens – qui ont un débouché concret et donc des bénéfices immédiats. On peut faire le parallèle avec l’essor de l’intelligence artificielle. Nous sommes sur des technologies universelles qui sont censées profiter à l’ensemble de l’économie. À des degrés différents bien sûr… mais qui ont vocation à être adoptées à une large échelle.»


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Le fonds investit dans des sociétés «qui déploient des activités dans l’espace, qui opèrent entre la Terre et l’espace, qui œuvrent sur Terre, au développement de l’écosystème spatial, ainsi que dans des entreprises dont les technologies universelles permettent l’essor de cette nouvelle conquête spatiale.» Le tout sans contraintes sectorielles ou géographiques. Des entreprises dont la capitalisation est supérieure à 1 milliard de dollars.