Le Giec estime que l’économie a besoin de trois à six fois plus d’investissements pour financer sa transition vers le «net zero». (Photo: Shutterstock)

Le Giec estime que l’économie a besoin de trois à six fois plus d’investissements pour financer sa transition vers le «net zero». (Photo: Shutterstock)

Les fonds ESG ont tendance à surperformer les instruments classiques, selon l’Esma. Toutefois, le Giec observe des lacunes d’investissements vers le «net zero» de l’économie. Un point de vue partagé par le secrétaire général de l’Onu, qui prône des investissements mixtes et un encadrement des critères de référence.

Les fonds ESG ont fourni de meilleurs rendements aux investisseurs européens entre 2010 et 2020, selon la European securities and markets authority (ESMA). À en croire son quatrième rapport statistique annuel sur le coût et la performance des produits d’investissement de détail, publié le 5 avril, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) dotés d’une stratégie ESG, y compris les fonds actions, obligataires et mixtes, ont surperformé les fonds non ESG. Tout particulièrement, l’ESMA constate que les fonds à impact ont démontré de meilleures performances que les autres stratégies ESG. Les chiffres analysés par l’ESMA révèlent également que le coût des fonds ESG était moins élevé que ceux des autres.

De la sorte, le rapport de l’ESMA met en lumière des motivations pour les investisseurs particuliers à se tourner encore davantage vers des instruments financiers ESG. Toutefois, déjà mis sous pression par les changements de comportement de leurs clients et les réglementations ESG, les acteurs de l’industrie financière se retrouvent interpellés à présent par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Ce dernier a publié le 3 avril le troisième volet de son sixième rapport d’évaluation. Le Giec met ainsi en garde contre le fait que, sans une réduction profonde et immédiate des émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs, il sera impossible de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C.

Entre 2010 et 2020, les émissions mondiales moyennes ont atteint leur pic le plus élevé de l’histoire humaine, bien que leur taux de croissance ait ralenti. Le dernier rapport du Giec conclut alors que nous pouvons encore réduire de moitié les émissions d’ici 2020, mais que nous nous trouvons «à la croisée des chemins».

Des flux financiers trois à six fois trop faibles

Parmi les options spécifiques pour réduire le volume des émissions, le Giec préconise notamment des transitions majeures dans le secteur de l’énergie, une utilisation plus efficace des matériaux dans l’industrie et des bâtiments à énergie nulle ou sans carbone. «Si nécessaire», le Giec envisage l’utilisation de techniques de captage et de stockage du carbone.

Là où le dernier rapport du Giec s’adresse particulièrement au monde de la finance, c’est que toute cette transition de l’économie souffre de lacunes d’investissement devant être comblées. Selon le Giec, «les flux financiers sont trois à six fois plus faibles que ce qui est nécessaire d’ici 2030 pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C». Malgré pareil discours, le Giec rassure: «Il existe suffisamment de capitaux et de liquidités au niveau mondial pour combler les écarts d’investissement.» Tout cela dépendant «d’un signal clair de la part des gouvernements et de la communauté internationale.»

Les conclusions récentes du Giec s’inscrivent dans la foulée de la déclaration du secrétaire général des Nations unies, António Guterres, le 21 mars, exhortant les pays les plus riches à respecter leur engagement financier climatique de 100 milliards de dollars pour 2022 envers les pays en développement. À cette occasion, il a insisté sur la nécessité de parvenir à cet objectif par le biais d’un financement mixte, en association avec le secteur privé. Ainsi, le patron de l’Onu estime que la finance privée doit investir «beaucoup plus» dans les transitions «net zero» pour les économies émergentes.

Des initiatives en attente d’un encadrement

Malgré les récentes déclarations d’António Guterres, force est de constater que la finance privée a été à l’initiative d’un nombre croissant d’engagements «net zero», à l’instar de la Net Zero Asset Managers initiative, lancée à la suite de la COP25 et regroupant 256 gestionnaires d’actifs pour un montant total de 57,5 milliards de dollars d’actifs sous gestion. Ces derniers se sont engagés à soutenir la réduction des émissions d’ici 2050, en ligne avec la limite d’un réchauffement planétaire à 1,5°C, et donc à soutenir des investissements en ce sens.

Face à la croissance des engagements de la sorte, accompagnée de l’émergence de critères et de références en matière ESG, les Nations unies ont lancé le 31 mars un groupe d’experts, intitulé Net-Zero, en vue «d’élaborer des normes et critères plus crédibles et plus robustes pour mesurer, analyser et rendre compte des engagements net zéro des entités non étatiques».

Le groupe d’experts de l’Onu sera attendu avec des recommandations sur les critères de crédibilité utilisés pour évaluer les objectifs, les processus de vérification et de comptabilisation des progrès accomplis ainsi qu’un plan de route pour transposer ces standards dans les réglementations nationales et internationales. Les professionnels de la finance, en particulier les asset managers, se retrouvant actuellement confrontés aux , pourraient bien bénéficier de telles recommandations afin d’accélérer la décarbonation de leurs portefeuilles.

Cet article est issu de la newsletter Paperjam Finance, le rendez-vous bimensuel pour suivre l’actualité financière au Luxembourg.