Éric Thill, le nouveau ministre de la Culture. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/Archives)

Éric Thill, le nouveau ministre de la Culture. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/Archives)

Le ministre de la Culture, Éric Thill, a été assermenté le vendredi 17 novembre. Mais on ne peut pas vraiment dire que ce nom était très connu des acteurs culturels, créant par conséquent un effet de surprise pour le milieu. Et au fait, comment les acteurs du secteur perçoivent-ils le chapitre «Culture» de l’accord de coalition du nouveau gouvernement?

«Et pour le ministère de la Culture… Monsieur Éric Thill.» Éric qui? Aurions-nous pu entendre dire dans l’assemblée. Effectivement, difficile de dire que celui qui était jusqu’à présent bourgmestre de Schieren soit une personnalité bien identifiée par les acteurs culturels. C’est pourtant bien lui qui hérite du portefeuille de la Culture, devant succéder à qui a su en quelques années faire avancer bon nombre de dossiers et était très appréciée par les professionnels, comme en a témoigné l’ovation lors de ou les nombreux posts de sympathie sur les réseaux sociaux.

Âgé de 29 ans, il est membre du DP et diplômé d’un bachelor en économie de gestion de l’université d’Esch-Belval. Il commence par travailler pendant six mois dans l’entreprise familiale Andrisk, où il est en charge de la conformité, avant d’être élu aux élections communales à Schieren, sa commune natale. Il devient alors premier échevin et décide de quitter son emploi pour se consacrer pleinement à la politique et reprendre un master en gouvernance européenne.

Le 29 novembre 2019, il est désigné pour succéder au bourgmestre démissionnaire. Il est par la suite attaché parlementaire au sein du DP et a déjà en tête la possibilité de s’investir au niveau national, si l’opportunité se présente. Une occasion qui se concrétise avec les élections législatives d’octobre dernier, et la formation du gouvernement Frieden où il se voit confier le poste de ministre de la Culture.

Un milieu qui le découvre

Pour autant, le monde de la culture ne le connaît pas encore. «M. Thill est un personnage qui n’a pas fait des apparitions majeures dans le paysage culturel luxembourgeois. Nous lui souhaitons la bienvenue», déclarent les co-présidents de l’Association des artistes plasticiens du Luxembourg (AAPL), Julie Wagner et Gery Oth.

«J’ai eu le plaisir de faire sa connaissance vendredi dernier lors de la passation de pouvoir au ministère de la Culture et lors de sa visite à la Philharmonie dimanche soir dans le cadre du festival rainy days, où il assistait à un concert de créations luxembourgeoises», précise diplomatiquement le directeur de la Philharmonie,  .

Pour la Theater Federatioun, «bien que son nom n’ait pas été mentionné parmi les candidats potentiels au ministère de la Culture par les analystes politiques, ni avant ni après les élections, sa nomination a éveillé un vif intérêt et une curiosité au sein du milieu artistique.»

Des actions attendues

Si le climat semble heureusement bienveillant à son égard, il est toutefois attendu au tournant par les professionnels. «Nous sommes impatients de découvrir ses propositions et initiatives pour continuer à dynamiser et professionnaliser notre secteur», annonce la Theater Federatioun. «Il est certain que nous observerons de près son implication et sa vision pour l’avenir, dans l’attente d’une contribution significative au rayonnement de la création grand-ducale. Nous demeurons confiants, en attendant de voir ces paroles transformées en actions concrètes.»

Pour l’AAPL: «C’est clair que c’est difficile de bien saisir le raisonnement de cette décision. Évitons les spéculations et restons pragmatiques, nous estimons que M. Thill est conscient de la valeur et de l’importance de la culture au sein de notre société. Notre association garde ses portes ouvertes pour le dialogue et les échanges constructifs. La professionnalisation du secteur culturel entamée depuis plusieurs années mérite la continuation de l’engagement très actif de l’État et de notre ministre de tutelle.»

Et la place de la culture?

Un autre point sensible est celui de la place de la culture dans l’accord de coalition du nouveau gouvernement. Il faut rappeler que la culture a été un sujet quasi absent des débats de la campagne, alors qu’elle avait bénéficié d’un regain d’intérêt lors de la pandémie de Covid 19 et d’une réorientation des valeurs «essentielles» dans notre société. Pourtant, nous ne pouvons pas vraiment dire que nous sommes sortis des états de crise et que la culture devrait encore aujourd’hui être défendue à bras-le-corps comme un ciment essentiel à notre société contemporaine.

Pour l’AAPL, le texte de l’accord de coalition leur «paraît comme encore vague pour percevoir une stratégie concrète. L’ancrage et la continuation de la mise en pratique et concrète du KEP (Plan de développement culturel) ont dynamisé tout le secteur et auraient pu se trouver dans l’accord de coalition.»

Stephen Gehmacher, quant à lui, pense que «l’accord de coalition nous encourage à croire que le gouvernement élu considère le soutien à la culture comme aussi important que le gouvernement précédent. Étant donné que de nombreuses nouvelles initiatives culturelles ont vu le jour au cours des dix dernières années, il est maintenant temps de rendre ces initiatives viables, mais ce n’est peut-être pas le moment d’annoncer encore plus de nouveaux projets, mais plutôt de bien faire avancer les projets existants.»

Pour la Theater Federatioun, «l’accord de coalition souligne des éléments clés de la culture, bien que certains domaines, comme le théâtre, mériteraient une mention plus explicite. Néanmoins, les engagements pris en faveur des arts de la scène et des artistes luxembourgeois(es) sont encourageants. Nous soulignons en particulier les affirmations suivantes: ‘Le secteur (…) engendre des retombées économiques importantes’, ‘les enjeux culturels doivent primer sur les considérations économiques’, ‘une politique culturelle robuste nécessite des investissements significatifs dans le domaine’, ‘le gouvernement poursuivra le dialogue avec le milieu culturel’, ’l’accès à la culture et la participation citoyenne sont une priorité majeure du gouvernement’, ’la culture est un vecteur d’intégration’, ‘considérant la culture également comme un levier économique, le gouvernement initiera une étude pour évaluer sa contribution à l’économie nationale’. Nous demeurons donc confiants, en attendant de voir ces paroles transformées en actions concrètes.»

Le décor est planté. Ce jeudi, le nouveau ministre a accueilli la secrétaire d’État à la Culture du Portugal, Isabel Cordeiro, autour de trois axes: 

- la situation et le développement du secteur de l’artisanat d’art, constatant qu’il recèle beaucoup de métiers et de compétences traditionnelles qui sont toujours d’actualité (notamment en lien avec l’environnement et le développement durable), mais aussi de patrimoine culturel immatériel. Le Portugal a d’ailleurs initié un programme spécifique intitulé «Savoir-faire» qui s’attache à inventorier, diffuser plus largement et faire revivre ces métiers et savoirs.

- l’état d’avancement d’Évora, désignée Capitale européenne de la Culture pour 2027, et qui se concentrera sur les paysages culturels et traditions de vie non seulement de la ville, mais plus largement de la région de l’Alentejo.

- et le vernissage de Mains de Maîtres, de ce jeudi soir à dimanche soir, au siège historique de la Spuerkeess.