Eric Mangen présente une nouvelle série d’œuvres réalisées à partir d’affiches publicitaires. (Photo: Tom Jungbluth)

Eric Mangen présente une nouvelle série d’œuvres réalisées à partir d’affiches publicitaires. (Photo: Tom Jungbluth)

On connaissait Eric Mangen pour ces tableaux grand format, à la gestuelle expressive et colorée. Voici qu’il présente chez Valerius Gallery un ensemble de nouvelles œuvres réalisées à partir d’affiches collectées dans la rue.

La dernière fois que nous avions rencontré Eric Mangen, c’était après le confinement, dans un grand hangar à Howald, . Depuis, l’artiste est parti en résidence à Berlin, ville où l’affichage sauvage est encore possible, ce qui lui a permis de réaliser cette nouvelle série d’œuvres conçues à partir d’affiches collectées dans la rue et retravaillées par la suite en atelier. Elles sont présentées dans l’exposition «Ritsch-Ratsch» à la Valerius Gallery jusqu’au 26 novembre.

«Ces affiches sont comme un partenaire de danse», introduit Eric Mangen. «Je les prends à bras le corps, et compose avec elles.» Sur les murs, des œuvres grands formats sont composées à partir de superpositions d’affiches collées les unes sur les autres et retravaillées par l’artiste «Elles sont le journal intime de la ville dont je les extrais. Je les laisse grandir puis récolte les tas d’affichage quelques semaines plus tard. C’est comme si je ramenais un souvenir de voyage», explique-t-il.

Pour autant, il ne choisit pas forcément le tas d’affiches en fonction de la dernière affiche collée: «Je suis plutôt intéressé par l’épaisseur de l’affichage puisque la première affiche n’est pas nécessairement ce qui restera dans l’œuvre, car j’arrache et déchire le tas d’affiches pour voir ce qu’il a à me donner», poursuit Eric Mangen.

Déchirure, peinture et composition

L’artiste n’hésite pas en effet à arracher de grands morceaux de ces accumulations. À partir de ces morceaux éventrés, il retravaille les surfaces, repeint en aplats ou introduit de nouvelles figures, le plus souvent abstraites. La peinture peut aussi venir masquer une partie du message publicitaire ou politique, au contraire le mettre en exergue, ou souligner l’une ou l’autre partie du graphisme. Ainsi, abstraction et figuration s’entremêlent, dialoguent.

«En arrachant de grandes pièces, je crée des accidents, puis repeins pardessus et efface tout ce qui ne m’intéresse pas», affirme Eric Mangen. Là un corps de femme dénudée, ici une bribe de slogan. Ces œuvres jouent de ces accidents, l’artiste en tire profit et appuie là où cela lui semble intéressant. Il stimule l’imaginaire.

Une œuvre qui reste gestuelle

On retrouve dans cette série d’œuvres son amour pour la peinture, pour les grands gestes. Mais aussi une belle maitrise de la mise en scène. Dans la galerie, les œuvres sont accrochées sur un mur repeint en bleu roi dense, ou sur une photo format papier peint montrant l’artiste en train de travailler, dans la rue en train d’arracher les affiches ou dans son studio en train de peindre. Par cette mise en scène, il explique par l’image le contexte de création, remet en perspective le travail que ces œuvres ont demandé.

On pense aussi bien entendu aux œuvres de Jacques Villeglé ou de Raymond Hains, dont Gérard Valérius – son galeriste – est d’ailleurs collectionneur. La filiation est criante. Mais Eric Mangen parvient toutefois à se frayer un chemin dans cet héritage et à trouver son mode d’expression en intervenant plus picturalement sur la surface, ajoutant une couche supplémentaire, que ce soit par la peinture ou en collant encore une de ses propres affiches par-dessus les autres. «En récupérant ces tas d’affiches, je me réapproprie une partie de l’espace public. Je m’approprie une publicité que je n’ai pas choisi d’avoir dans un environnement visuel, qui m’est imposée», précise-t-il. Ainsi, il change le rapport au spectateur en ramenant un bout de la rue à l’intérieur et en extrait également l’énergie, son bruit visuel. Une énergie domptée, maitrisée, mais qui reste forte et expressive.