Fernand Ernster, directeur général des Librairies Ernster et président de la CLC. (Photo: Edouard Olszweski / Archives)

Fernand Ernster, directeur général des Librairies Ernster et président de la CLC. (Photo: Edouard Olszweski / Archives)

Fernand Ernster partage sa vision de l’évolution de l’économie luxembourgeoise telle qu’il la vit au travers de son ADN d’entrepreneur. Une carte blanche laissée au patron, au président, au citoyen tout simplement.

Ceux qui me connaissent vous diront, entre autres, que l’entrepreneuriat fait entièrement partie de mon ADN. Cet ADN, j’essaie de l’insuffler dans tout ce que je fais : mon entreprise bien sûr, la Chambre de commerce, l’UEL, la CLC et bien d’autres choses encore qui me tiennent à cœur. Cet ADN explique aussi pourquoi je m’inquiète de l’évolution économique au Luxembourg.

De toutes parts, on me rapporte notamment les difficultés vitales que les petits commerces sont en train de traverser: concurrence accrue de la Grande Région et de l’Internet, pression sur les prix et diminution des marges, chantiers dans tout le pays qui détournent les clients des commerces de ville, manque de main-d’œuvre qualifiée, inflation de nouvelles réglementations en tous genres (RGPD, anti-blanchiment pour les sociétés non financières)…

Des risques bien réels

Cette perception qui est la mienne contraste fortement avec les discours politiques rassurants, voire lénifiants, sur la base des chiffres économiques actuels qui sont plutôt bons, admettons-le. Le projet de budget parie ainsi sur un taux de croissance du PIB de 2,8 % par an de 2019 à 2023. Or, comme relevé à juste titre par la Chambre de Commerce, les risques sont bien réels avec la résurgence de tensions commerciales et géopolitiques, le ralentissement économique au sein de la zone euro ou encore la volatilité des marchés financiers (qui peut impacter lourdement les recettes fiscales luxembourgeoises). À cela s’ajoutent les risques tels que le vieillissement de la population ou encore les défis de la bonne gestion des transports et du logement qui menacent, en cas d’échec, d’étouffer notre économie.

Les recettes de l’État font donc face à des incertitudes croissantes, mais les dépenses progressent toujours à un rythme important. En termes de niveau absolu des dépenses publiques par habitant, elles représentent approximativement le double de nos pays voisins, quel que soit le domaine d’activité concerné. Leur taux de progression depuis 2000 est également le double en termes de dépenses nominales, avec +6 % l’an. La situation n’est donc pas absolument sereine et il faudra surveiller les évolutions de très près.

Se lamenter ou agir

Alors je peux évidemment me lamenter et m’inquiéter, mais j’ai la chance de pouvoir agir aussi. À la tête de la CLC et en partenariat avec le ministère des Classes moyennes et la Chambre de Commerce, j’ai ainsi pu initier en 2016 le Pakt Pro Commerce qui vise à soutenir et développer le commerce de centre-ville. Aux côtés des communes, nous nous donnons peu à peu les outils et les moyens pour mieux analyser les situations spécifiques locales afin d’apporter un regain de vie commerciale qui profitera à tous. Nous avons ainsi entamé des projets pilotes dans le cadre du projet de cadastre du commerce avec cinq communes: Dudelange, Diekirch, Remich, Bertrange et Esch-sur-Alzette.

Nous rencontrons de plus en plus d’élus locaux qui se rendent compte qu’il faut faire évoluer leur politique communale, qu’il faut qu’ils interviennent activement dans la gestion commerciale de leur ville afin de maintenir un minimum de commerces de proximité, gage d’une plus grande qualité de vie pour leurs habitants.

Suite à la réorientation stratégique des services de la CLC envers ses membres que j’ai pu entamer en 2017 avec l’appui de nos fédérations affiliées et de mon conseil d’administration, nous augmentons et améliorons sans cesse l’accompagnement de nos membres qui en ont besoin. La CLC n’est donc pas seulement un syndicat patronal qui défend les intérêts de ses membres, elle est également une organisation qui soutient au mieux de ses possibilités ceux de ses membres qui en expriment le besoin.

Laisser les PME s’organiser en interne

Vu la situation actuelle, j’estime qu’il faut que le gouvernement continue les efforts de soutien des TPE et PME et je le remercie de ce qu’il fait déjà en la matière. Mais surtout, je lui demande de cesser de leur rendre la vie plus difficile en augmentant notamment les contraintes en matière d’organisation du temps de travail (congés supplémentaires en tous genres, droit au temps partiel en préparation par exemple), du moins sans leur donner en parallèle les moyens de s’organiser.

Il faut laisser les PME s’organiser en interne, avec leurs équipes qui sont les premières intéressées par la survie et la bonne performance de leur employeur. Ce dialogue social au sein de l’entreprise fonctionne d’ailleurs très bien au Luxembourg, c’est l’une des grandes forces de notre pays. Vouloir régler ces questions au niveau national est donc une ineptie face à la grande diversité de nos secteurs et des entreprises qui les font vivre.