Michaël Jacquemin, porte-parole de l’asbl Les Amis du rail, ne partage pas du tout le point de vue du ministre fédéral belge de la Mobilité, Georges Gilkinet (Ecolo). (Photo: Les amis du rail/Maison Moderne)

Michaël Jacquemin, porte-parole de l’asbl Les Amis du rail, ne partage pas du tout le point de vue du ministre fédéral belge de la Mobilité, Georges Gilkinet (Ecolo). (Photo: Les amis du rail/Maison Moderne)

La conférence de presse donnée par les ministres François Bausch et Georges Gilkinet en marge du Conseil européen des ministres des Transports, le 3 juin, a suscité de l’étonnement quant à certains points évoqués. Mais aussi de la colère.

Les membres de l’asbl belge Les Amis du rail ont suivi avec attention la conférence de presse des ministres luxembourgeois (déi Gréng) et belge Georges Gilkinet (Ecolo) en marge du Conseil européen des ministres des Transports. Depuis 1985, ils assurent le lobby de la défense de la mobilité ferroviaire, de l’amélioration des cadences et dessertes, du maintien des gares dans les zones rurales, de la qualité du service, notamment transfrontalier.

Premier sujet qui fâche, et que Les Amis du rail connaissent par cœur: la saga de la ligne 161/162 Luxembourg-Bruxelles. Les 250km de parcours de Luxembourg à la gare de Bruxelles-Midi se font actuellement en 3h18, au minimum. Soit moins vite que voici 30 ans. Pour tenter de gagner 30 minutes, des travaux ont été planifiés. Côté luxembourgeois, ils sont finis. Côté belge, ils ont débuté en 2007 et dureront au moins jusque 2028.

Cela fait de longues années que la Belgique aurait dû changer son fusil d’épaule et investir massivement dans le rail et non développer de manière concurrentielle des lignes de bus en veux-tu en voilà.
Michaël Jacquemin

Michaël Jacqueminporte-paroleasbl Les Amis du rail

«Faut-il en rire ou en pleurer, force est de constater que plus on avance dans le temps et plus les travaux s’éternisent», relève Michaël Jacquemin, porte-parole de l’asbl. «Se termineront-ils un jour? Dieu seul le sait…» En tout cas, le Luxembourg ne viendra pas aider à supporter les futurs coûts du chantier, estimés encore à au moins 300 millions côté belge. «Monsieur le ministre François Bausch a tout à fait raison de dire que le Luxembourg n’est pas là pour se substituer au devoir de service public de la Belgique. Ça fait de longues années que la Belgique aurait dû changer son fusil d’épaule et investir massivement dans le rail et non développer de manière concurrentielle des lignes de bus en veux-tu en voilà. Rappelons que même monsieur le ministre Georges Gilkinet et son cabinet ont indiqué, lors d’une dernière réunion, qu’ils souhaitaient faire du rail la colonne vertébrale de notre mobilité en utilisant les bus pour remplir les gares et non les concurrencer comme son homologue wallon, monsieur le ministre de la Mobilité wallonne Philippe Henry (Ecolo), par la création de lignes de bus directes qui concurrencent le train. Passons à l’acte.»

C’est l’Europe qui mettra la main à la poche. «70 millions d’euros alloués/promis par l’Europe, oui, c’est vrai que c’est peu, même trop peu, comparé aux 300 millions encore nécessaires. La Belgique a pris des décisions fortes dans ses déclarations dans le cadre de sa note de formation du gouvernement en y mentionnant la nécessité de renforcer l’utilisation du rail, tant voyageur que marchandise. Eh bien, maintenant, il faut agir et investir. Ne rien faire pour le climat aura aussi un coût qui sera même peut-être bien supérieur à ces coûts de travaux», développe encore Michaël Jacquemin. 

Rappelons que c’est dans le cadre du projet de P+R à Viville-Arlon que le ministre Bausch a accepté de participer à la baisse des abonnements belges vers le Luxembourg de l’ordre de 13,50 euros!
Michaël Jacquemin

Michaël Jacqueminporte-paroleasbl Les Amis du rail

Qui se fait plus virulent au moment d’évoquer le second sujet qui fâche: le projet de P+R de Viville-Arlon, visiblement enterré par le ministre Gilkinet. «Ceci est une aberration totale! La Région wallonne a travaillé et y a prévu des budgets, et le plan communal de mobilité de la ville d’Arlon, qui définit les orientations stratégiques au niveau de la mobilité dans la commune à l’horizon 2030-2035, a été approuvé par le conseil communal du 25 août 2020. Il y est clairement indiqué que l’aménagement du parking relais en lien avec un arrêt ferroviaire avec l’accessibilité du P+R est, aux yeux de la Ville d’Arlon, un enjeu crucial pour Arlon, car ce dernier doit à la fois accueillir les automobilistes (en particulier en provenance de l’E25 ouest) et ceux se rendant dans le centre d’Arlon et au Luxembourg. Non, ce projet ne doit pas être enterré, mais réalisé au plus vite. Nous avons expliqué à plusieurs reprises la manière dont cela devrait se faire et cela est réalisable. Rappelons aussi que c’est dans ce cadre que le ministre Bausch a accepté de participer à la baisse des abonnements belge vers le Luxembourg de l’ordre de 13,50 euros! Ceci dans l’attente de la réalisation de ce P+R, que je risque peut-être pas de ne jamais voir, si cela va au même rythme que la modernisation de la ligne Luxembourg-Bruxelles…»

Quant au fait de justifier cet abandon par un recours au télétravail accru dans les prochaines années et les mesures fiscales liées, qui feront diminuer le nombre de personnes sur les routes ou dans les trains, il est vu comme simpliste. «Dire que le télétravail et les nouvelles mesures fiscales attendues dans quelques semaines rendront le P+R moins utile, c’est faux. N’oublions pas non plus que tous les travailleurs, suivant leur activité, n’auront tout simplement pas l’occasion d’en bénéficier.»