«Il n’y a plus aucune raison économique de ne pas accélérer le déploiement des énergies renouvelables», selon le ministre de l’Énergie, Claude Turmes (Déi Gréng). (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

«Il n’y a plus aucune raison économique de ne pas accélérer le déploiement des énergies renouvelables», selon le ministre de l’Énergie, Claude Turmes (Déi Gréng). (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

La transition vers une électricité issue d’une production à base d’énergies renouvelables ne pénalise pas la compétitivité des entreprises luxembour­geoises, selon le ministre de l’Énergie, Claude Turmes (Déi Gréng). La conséquence de tarifs à la baisse et d’instruments garantissant des prix abordables.

La volonté d’aller vers de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables n’augmente-t-elle pas le coût de l’électricité pour les Luxembourgeois?

. – «C’est une discussion très complexe. Car le charbon, par exemple, n’a jamais payé sa pollution. 20, 25 ou 30 euros par tonne, ça ne paie pas les dommages faits au climat. Il faudrait des coûts de 100, voire 150 euros par tonne. Et, à ce moment-là, le renouvelable serait beaucoup moins cher par rapport au charbon. Et c’est la même chose pour le nucléaire, puisqu’il ne paie ni l’assurance en cas d’accident, ni le démantèlement, ni la gestion des déchets. Donc, selon les études qui ont été faites, une fois l’ensemble des coûts indirects payés, les énergies renouvelables sont aujourd’hui déjà compétitives. Et même moins chères que les autres. D’autant plus que leur coût diminue…

Dans quelle mesure le coût de l’électricité produite à base d’énergies renouvelables a-t-il diminué?

«Par exemple, l’éolien en mer coûtait, il y a 10 ou 15 ans, 15 centimes par kW. Désormais, on trouve des appels d’offres entre 4 et 6 centimes. Toujours dans l’éolien, l’État essaie de garder un prix garanti et des primes à l’investissement pour permettre un retour sur investissement honnête. Et le tarif du solaire aussi a diminué. Donc il n’y a plus aucune raison économique de ne pas accélérer le déploiement des énergies renouvelables.

Quels ont été les efforts effectués au niveau du photovoltaïque?

«Nous avons augmenté les prix garantis pour les petites installations et pour les coopératives. Et, alors qu’avant il n’y avait un prix garanti au-delà de 30 kW installés que pour les coopératives, nous avons aussi facilité les investissements dans la catégorie de 30 kW à 200 kW pour les entreprises et les agriculteurs. Nous faisons aussi des appels d’offres réguliers pour les grandes installations. Nous avons lancé le précédent début octobre, dont les résultats tomberont jusqu’en mars prochain. Et les très bons succès sur le solaire, avec presque 20 MW de plus l’année dernière, contre en moyenne 5 MW sur les années précédentes, montrent que ces instruments portent leurs fruits.

La compétitivité des entreprises installées au Luxembourg ne risque-t-elle pas d’être pénalisée?

«Les entreprises au Luxembourg ont un prix électrique très compétitif, parce qu’elles ont accès à ce qu’on appelle le tarif C, qui est un tarif plus avantageux pour les clients industriels. Par conséquent, ces derniers financent en revanche moins les énergies renouvelables que, par exemple, un particulier. Au niveau de l’électricité, il n’y a donc pas de problème de compétitivité pour les industriels luxembourgeois. Sur ce point, nous sommes vraiment parmi les meilleurs en Europe.

Il faut rappeler que nous sommes un pays très industrialisé.
Claude Turmes

Claude TurmesMinistre de l’Énergie

Quelle part de la consommation finale d’élec­tricité représente l’industrie dans le pays?

«Il faut rappeler que nous sommes un pays très industrialisé. Or, ArcelorMittal, qui s’est largement converti à l’électrique, représente à lui seul plus de 40% de la demande d’électricité du pays. En comparaison, l’ensemble des ménages du pays ne représentent même pas 20% de la demande d’électricité. Ce qui est aussi atypique au Luxembourg, c’est l’importance du secteur tertiaire avec la présence de la place financière. Donc, par rapport au nombre d’habitants, nous avons plus d’industries – et c’est très bien –, plus de tertiaire et, par conséquent, une demande d’électricité qui est proportionnellement plus élevée que dans d’autres pays.

Donc, au vu de leur consommation, inciter les entreprises à réaliser leur transition énergétique est indispensable. Quels sont les instruments mis en place?

«Une soixantaine d’entreprises installées au Luxembourg font partie de ce qu’on appelle l’accord volontaire. C’est un accord qui est une contrepartie au tarif C et au fait qu’ils ont des tarifs en électricité plus favorables que les particuliers. Cet accord les oblige à prendre des mesures d’efficacité énergétique. Et la bonne nouvelle, c’est que les industriels luxembourgeois jouent le jeu. C’est aussi dû au fait que les revendeurs d’électricité sont obligés de faire des efforts d’efficacité énergétique. Donc on a un mariage entre les savoir-faire des fournisseurs d’électricité de type Enovos, Eida ou autres, qui se réunissent avec des industriels pour changer l’éclairage, faire des moteurs et des systèmes de ventilation plus efficients, etc.

Que conseillez-vous aux entreprises qui veulent opérer leur transition énergétique?

«Celles qui ne l’ont pas encore fait doivent contacter Energieagence. C’est là où il y a le plus de compétences pour organiser cela. Mais si, dans le pays, nous fonctionnons déjà très bien sur tout ce qui est consommation énergétique et processus de production, la prochaine étape pour la transition énergétique des entreprises, c’est le chantier ‘zero-carbon logistic’, sur la base de l’électromobilité ou de l’hydrogène vert, pour les entreprises pour lesquelles la facture carburant et l’empreinte carbone du transport sont élevées. Et la bonne nouvelle, c’est qu’il y a une démarche proactive de la part des acteurs de la logistique, qui sont venus de leur propre initiative me contacter. Les discussions sont en cours et nous travaillons désormais ensemble pour accélérer cela.

Est-ce que vous êtes confiant par rapport à la transition énergétique?

«Ce qui nous manquait, c’est le consensus international pour bouger rapidement sur le changement climatique. Et le fait qu’on ait remplacé un climatosceptique aux États-Unis par Joe Biden et sa nouvelle équipe, ça, c’est génial. Désormais, l’Europe, les États-Unis et la Chine sont tous engagés sur la transition énergétique et sur le climat. Et Joe Biden vient de nommer John Kerry (en qualité de représentant spécial pour le climat, ndlr), qui est, comme je le dis toujours, motivé comme (Déi Gréng) et moi-même pour avancer, mais avec beaucoup plus d’influence politique que nous. Donc c’est un très bon message!»

Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de  qui est parue le 17 décembre 2020.

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