«J’ai demandé à ChatGPT quel serait le perturbateur numéro un, et la réponse a été l’IA», a plaisanté William Telkes, économiste en chef chez Spuerkeess. Selon lui, il est trop tôt pour dire comment l’IA va perturber l’économie et seul le temps le dira.
Ingrid Garin, responsable des marchés à la BNY European Bank, estime que l’IA a un rôle à jouer lorsqu’elle contribue «aux flux simples, à la productivité, à la transformation et qu’elle libère les employés pour qu’ils se recentrent sur des tâches stratégiques qui ajoutent de la valeur». Il est intéressant de noter qu’elle a commenté, sans être spécifique, que «vous pouvez vouloir l’utiliser dans la salle des marchés, mais que vous voulez vous assurer que la réglementation, la gouvernance et la gestion des risques sont respectées». Il n’est donc pas surprenant qu’elle soit favorable à une intégration de l’IA «lente et régulière».
Compte tenu des besoins énormes et continus en énergie, Lionel De Broux, directeur des investissements à la Banque internationale à Luxembourg, pense que l’IA «pourrait entraîner des changements significatifs dans les politiques publiques en ce qui concerne le type d’énergie qu’elle devrait utiliser».
Maud Reinalter, chief investment officer chez Belfius Asset Management, a noté que le Covid et la guerre de la Russie en Ukraine ont perturbé la manière dont les agents économiques gèrent les priorités de la chaîne d’approvisionnement. Elle a expliqué que la sécurité jouait auparavant un rôle secondaire par rapport à l’efficacité économique. Elle a observé qu’un accès sécurisé aux matières premières est devenu une priorité par rapport au fournisseur du pays offrant les prix les plus bas.
Par ailleurs, Mme Garin a fait part de ses inquiétudes quant au déplacement des flux de capitaux vers des entités non réglementées. M. de Broux pense que si Donald Trump perd les prochaines élections présidentielles, cela pourrait entraîner encore plus de violence par rapport aux conséquences des élections de 2020.
Ces commentaires ont été faits lors du Bloomberg Luxembourg Investment Summit, le 24 octobre 2024.
Un cadre institutionnel en mouvement
Jacqueline Simmons, responsable éditoriale pour l’Emea chez Bloomberg News, a indiqué que le Fonds monétaire international prévoyait une croissance de 2,2% aux États-Unis en 2025, contre une croissance mondiale de 3,2%. Ces chiffres «confirment un atterrissage en douceur de l’économie américaine», a commenté M. Telkes. «Je pense que les États-Unis continueront d’attirer de nombreux investissements et que leur potentiel de croissance restera plus élevé.»
Il y a de l’innovation, des solutions, de l’esprit animal... aussi en Europe.
Toutefois, M. Telkes est moins optimiste en ce qui concerne l’Europe, qui souffre de problèmes de compétitivité devant être résolus par de nouvelles mesures devant être convenues et adoptées par les États membres.
«Nous devons nous concentrer sur notre force en Europe... La situation n’est pas si sombre», a souligné Mme Garin. Elle est confiante quant à l’évolution de la recherche dans des endroits tels que Paris et Berlin. Mme Reinalter a abondé dans le sens de Mme Garin en évoquant le moment où l’Europe a décidé d’agir ensemble pour lutter contre le changement climatique. En temps de crise, «il y a de l’innovation, il y a des solutions, il y a un esprit animal... également en Europe».
Toutefois, Mme Garin estime qu’il faut redoubler d’efforts pour développer l’infrastructure d’investissement, une faiblesse par rapport à la machine d’investissement américaine bien huilée, où la prise de décision est rapide. En outre, elle estime qu’il est «dommage» que les entreprises européennes aient besoin d’obtenir leur financement aux États-Unis, par le biais d’introductions en bourse par exemple.
Toutefois, M. De Broux a prévenu que l’augmentation des investissements du secteur public en Europe sera freinée par des choix budgétaires difficiles, compte tenu de la pression démographique, d’une scène politique tendue qui empêche de réduire les dépenses et du fait que 30% des pays de la zone euro ont des déficits supérieurs à 3%. Il pense que les priorités iront à une combinaison de réduction des dépenses et d’augmentation des revenus.
Mme Reinalter a expliqué que le financement de l’innovation en Europe passe en grande partie par les petites capitalisations. Par conséquent, il est essentiel de trouver des solutions pour favoriser l’innovation « afin d’améliorer la croissance, ce qui se traduira par une valorisation plus élevée ». Toutefois, ces actions sont peu liquides et nécessitent que les investisseurs institutionnels négocient des blocs de titres sur les marchés boursiers. « Nous constatons que toutes les liquidités se dirigent vers les ETF et les grandes entreprises prospères.
Investir dans un monde en voie de démondialisation
M. Telkes s’inquiète de l’évolution géopolitique actuelle, qui voit les pays développés et les pays émergents suivre des voies différentes. «J’espère que cela ne s’étendra pas et que nous reviendrons à quelque chose de plus global, car cela affectera [négativement] le potentiel de croissance de chacun.»
Pour se prémunir contre les conséquences de la démondialisation, Mme Reinalter affirme sans détour que Belfius investit dans l’or. Elle a expliqué que les banques centrales sont également pressées de se démondialiser et qu’elles sont de gros acheteurs d’or pour «devenir indépendantes des États-Unis».
La mondialisation ayant été l’un des principaux thèmes d’investissement des dernières décennies, M. De Broux a expliqué qu’aujourd’hui, la Bil cible les entreprises qui sont «plus fortes sur le plan local en termes de productivité à des prix attractifs».
Mme Reinalter semble très optimiste en ce qui concerne les petites capitalisations britanniques et européennes. Belfius s’attend à ce que «l’économie britannique rebondisse », tandis qu’elle pense que les baisses de taux de la Banque centrale européenne seront «très favorables».
Quel type d’atterrissage pour nos économies?
Jacqueline Simmons, responsable éditoriale, Emea chez Bloomberg News a commenté que le FMI prévoit une croissance de l’économie américaine de 2,2% en 2025 par rapport à une croissance mondiale de 3,2%. Ces chiffres et d’autres données «confirment un atterrissage en douceur de l’économie américaine... ce qui est plus probable que l’absence d’atterrissage», a affirmé M. Telkes. Il a toutefois admis que la probabilité d’un «non-atterrissage» s’est accrue. Par conséquent, sans être précis, il s’attend à de nouvelles baisses de taux de la part de la Fed.
M. de Broux pense que «l’Europe est sur le point de passer d’un atterrissage en douceur à un atterrissage brutal». Le cahier des charges de la Bil prévoit une pentification de la courbe des taux tout en restant prudent sur les taux d’intérêt américains à long terme.
Cet article a été rédigé initialement , traduit et édité pour le site de Paperjam en français.