Samedi 15 juin. Soleuvre. Plusieurs stands sont dressés sur la place de l’Indépendance pour le marché solidaire organisé par la commune de Sanem. L’un d’entre eux attire bon nombre de visiteurs: celui du Repair Café. Deux tonnelles abritent les postes des réparateurs bénévoles venus réparer des appareils électroménagers, vêtements et vélos, au lieu qu’ils finissent à la poubelle.
Parce que c’est ça, la mission que se donne l’asbl Repair Café Lëtzebuerg: donner une seconde vie aux objets pour réduire les déchets et sensibiliser les Luxembourgeois à la notion d’économie circulaire. «Il faut que les mentalités évoluent, c’est une bataille qui doit être menée», affirme le président de l’association, Marcel Barros.
Le premier Repair Café luxembourgeois a été organisé en 2013. L’association a été créée en 2016 et elle est depuis le début soutenue par le Centre for Ecological Learning Luxembourg (Cell). «À un moment, on s’est dit qu’il fallait organiser des Repair Cafés de manière plus systématique. Nous nous sommes inspirés de nos amis belges, chez qui le système fonctionne bien», raconte Marcel Barros. Aujourd’hui, l’initiative a pris de l’ampleur et des Repair Cafés peuvent être organisés en entreprise, dans des lycées, et surtout par des communes luxembourgeoises. «Avec le système du Pacte Climat 2.0, elles ont d’ailleurs tout intérêt à organiser des Repair Cafés, car cela leur permet de remplir certains de leurs objectifs en matière d’économie circulaire», précise le président de l’asbl.
Machine à café, aspirateur, jouet pour enfant
Une opportunité qu’a saisie la commune de Sanem. «Nous avons un registre d’une quarantaine de bénévoles qui viennent en fonction de leurs disponibilités», explique Olivier Schildgen, employé de la commune au service Écologie. Le 15 juin, cinq réparateurs avaient fait le déplacement, dont deux anciens électromécaniciens aujourd’hui à la retraite. Pour eux, participer aux Repair Cafés «est une façon de ne pas perdre nos compétences, en aidant des gens au passage». La Haus vum Vëlo (ou Maison du vélo), qui venait tout juste d’ouvrir ses portes à Belval, s’est aussi jointe à l’événement et deux de ses bénévoles étaient présents pour réparer les vélos des petits et grands.
Sur la table des deux anciens électromécaniciens, les objets défilent. D’abord, une machine à café qui n’a malheureusement pas pu être réparée, car une pièce de rechange qu’il faudra commander est nécessaire, «mais nous avons identifié le problème: l’arrivée d’eau ne marche plus», explique sa propriétaire. «Chez moi, je n’aurais jamais osé regarder à l’intérieur de ma machine pour essayer de la réparer. Ici, j’ai confiance parce que ce sont des personnes qui ont des compétences et de l’expérience», explique-t-elle.
Une habitante de Bascharage arrive ensuite avec un aspirateur qui ne s’allume plus. Elle explique que «c’est la première fois que je viens. J’ai entendu parler des Repair Cafés par ma voisine, qui est réparatrice bénévole en couture.» Puisqu’elle n’aime pas jeter, elle est venue voir s’il était possible de sauver son appareil ménager. «J’ai aussi l’intention d’aller à un atelier pour apprendre à réparer», ajoute la traductrice de 42 ans.
Une fois l’aspirateur posé sur sa table, le réparateur le branche et constate bien qu’il ne s’allume pas. Il sort son tournevis, retourne l’engin et en retire la base pour accéder à ses entrailles mécaniques. Surpris, il en sort une première pièce détachée, puis une deuxième et une troisième. «Ah oui, mon mari a regardé à la maison… il a dû remettre les pièces telles quelles à l’intérieur.» Car ils sont un couple de bricoleurs, mais pas en matière d’électroménager. Là encore, il faudra acheter une pièce pour pouvoir faire à nouveau fonctionner l’aspirateur. Marcel Barros explique que les Repair Cafés permettent aussi de récolter des données sur les produits qui sont amenés pour réparation: «Nous faisons des statistiques pour, par exemple, pouvoir dire aux fabricants que sur tel ou tel modèle de leur produit, c’est toujours la même pièce qui est défectueuse.»
Deux tiers des objets réparés
La matinée avance, et alors que la couturière bénévole s’attelle à la réparation d’un manteau d’enfant déchiré, une maman attend son tour pour voir si l’un des jouets de sa fille peut être réparé. «Une amie m’a parlé du Repair Café et comme on n’était pas loin avec les enfants, on est venus.» Elle a dans les mains un micro-karaoké pour enfant et elle explique avoir «regardé en ligne pour en acheter un autre, mais il n’y avait plus le même modèle et les autres étaient beaucoup plus chers. C’est aussi un peu pour des raisons économiques que je viens ici, c’est ce que j’ai expliqué à ma fille.»
La petite semble déjà éduquée sur le sujet, puisque sa maman raconte que «quand j’ai voulu changer de téléphone, elle m’a dit: «Non, maman! À l’école, on a appris que c’est dangereux d’aller récupérer une partie de ce qu’il faut pour fabriquer les téléphones [sûrement le cobalt, commente la mère], donc tant qu’il peut appeler, il faut le garder.» J’étais très surprise, mais fière aussi.»
Au total, durant cette matinée, le Repair Café de Soleuvre a reçu 15 demandes de réparation, dix en électronique et cinq en couture, et dix ont été réussies. Un chiffre qui correspond parfaitement à la moyenne: «Deux tiers des objets qu’on nous amène sont réparés totalement ou partiellement», avance Marcel Barros.