Depuis 2010, la compétitivité du Luxembourg fait du sur-place, selon la Chambre de commerce.  (Photo: Shutterstock)

Depuis 2010, la compétitivité du Luxembourg fait du sur-place, selon la Chambre de commerce.  (Photo: Shutterstock)

La Chambre de commerce a analysé l’évolution de la compétitivité du Luxembourg depuis 2010. Le pays garde certes une économie solide, mais prend du retard sur des points essentiels, comme la spécialisation technologique ou l’environnement.

La reprise économique post-Covid est un «moment crucial pour mettre en œuvre les fondements de la compétitivité future», selon la Chambre de commerce. À cette occasion, elle publie son «Eco News Flash» numéro 4 dans lequel elle tire le bilan de l’économie luxembourgeoise depuis 2010. Pour cela, a été menée «une analyse approfondie de l’évolution de la place du Luxembourg dans les classements» de compétitivité IMD (le «World Competitiveness Yearbook» de l’International Institute for Management Development) et WEF (le «Global Competitiveness Report» du World Economic Forum) depuis 2010 et sur les derniers résultats de ces mêmes classements.

Et dans les deux, on note un recul: «Le Luxembourg est passé de la 21e à la 18e place du classement du WEF entre 2010 et 2019, et de la 11e à la 12e position de celui de l’IMD de 2010 à 2021.»

Six grandes explications apparaissent:

1. Une performance globale stable, sans grande diversification économique

Le Luxembourg reste dans le top 20 du classement de compétitivité de l’IMD. Le pays glisse cependant de la 11e place en 2010 à la 12e sur 64 en 2021.

Le Luxembourg s’appuie sur «une stabilité des politiques économiques, un dynamisme économique et démographique, la solidité des finances publiques, une bonne capacité des acteurs économiques et politiques à s’adapter aux changements, une place financière d’envergure internationale, une forte intégration dans les échanges internationaux et une attractivité avérée pour certaines activités comme le dépôt de brevet». Alors que «la stagnation de la productivité, une faible spécialisation technologique, les difficultés à attirer la main-d’œuvre qualifiée, un retard en matière de transformation digitale par rapport aux leaders de la digitalisation et de mauvais résultats dans le domaine environnemental» freinent sa performance.

Des atouts et faiblesses qui auraient pu, pour la plupart, «être cités en 2010», souligne la Chambre de commerce, malgré «l’ambition de diversification économique et d’évolution du modèle compétitif».

2. La place financière toujours compétitive, malgré un léger retard dans les fintech

Même stabilité pour la place financière. Au sein du classement IMD, l’économie luxembourgeoise est passée de la 17e position en 2010 à la 12e en 2021 pour le montant des exportations de services commerciaux. Elles ont augmenté de 53 à 96 milliards d’euros. Dans le «Global Financial Centres Index» (GFCI) de mars 2021, la place financière luxembourgeoise se situe à la 17e place mondiale et 4e européenne derrière Londres, Francfort et Zurich.

Les études notent cependant de plus grandes difficultés d’accès au financement pour les acteurs économiques au Grand-Duché par rapport à 2010. Et un retard en matière de fintech.

3. Une faible spécialisation technologique qui s’aggrave

La Chambre de commerce se base toujours sur les indicateurs du classement IMD pour expliquer que les secteurs de haute technologie sont les «grands absents» de la décennie passée. L’économie luxembourgeoise serait deux fois moins spécialisée sur le sujet que la moyenne des pays participant au classement. «Les indicateurs de spécialisation technologique, d’innovation et de recherche ont une place importante au sein des classements de compétitivité. Or, la performance dans ce domaine est fortement corrélée au développement d’industries de moyenne et haute technologie, qui constituent historiquement un point faible de l’économie luxembourgeoise», note la Chambre de commerce.

La part de la production de moyenne et haute technologie par rapport à la valeur ajoutée de l’industrie passe de 22,4% à 19,9% en dix ans. La part d’exportations de produits de haute technologie diminue aussi, de 8,4% à 6,6%.

Autre indicateur inquiétant: «Les dépenses du secteur privé dans la R&D ont diminué de 100 millions de dollars en l’espace de 10 ans, passant de 530 à 428 millions de dollars entre 2010 et 2021. Ainsi, ces dépenses ne représentent plus que 0,60% du PIB contre 1,02% 10 ans plus tôt. L’économie luxembourgeoise est 36e sur 63 pays sur cet indicateur en 2021, contre une 18e position en 2010.» De plus, «le personnel de R&D au sein des entreprises [du secteur] a, là encore, baissé, de 3.390 travailleurs équivalents temps plein en 2010 à 3.200 en 2021.»

Le classement du Luxembourg s’améliore en revanche au niveau du soutien de l’environnement juridique. Le pays passe de la 16e à la 14e place pour cet indicateur de l’IMD.

4.  Pas vraiment de «start-up nation»

En 2021, le Luxembourg compterait 507 start-up – 21% dans les technologies de l’information, 20% dans les fintech, 8% dans les technologies de la santé et du bien-être, 7% dans l’industrie créative et les logiciels de gestion d’entreprise et 6% dans les technologies de l’espace.

Un écosystème qui n’a pas permis de passer la 43e place du «Global Startup Ecosystem Index Report» (GESI) 2021. Le pays a perdu trois places en un an. «L’Estonie, une économie de seulement 1,3 million d’habitants, est 13e du classement», relève la Chambre de commerce. Elle en conclut que «la seule taille du Luxembourg ne suffit pas à expliquer sa 43e position». La ville de Luxembourg se classe, quant à elle, 186e au classement des villes, soit 24 places plus bas qu’en 2020. Esch-sur-Alzette entre dans le classement, à la 489e position, «officialisant la présence d’un second écosystème de start-up au Luxembourg».

5. La pénurie de talents s’est amplifiée

Le Luxembourg est passé, depuis 2010, de la 29e à la 48e place du classement IMD pour la disponibilité de la main-d’œuvre qualifiée. Une pénurie qui coexiste avec le chômage, le Luxembourg n’étant que 33e du classement pour le taux de chômage. L’économie a pourtant vu ses performances s’améliorer au niveau de la formation professionnelle. Les résultats semblent cependant insuffisants dans l’enseignement supérieur, malgré le développement de l’Université.

6. Manque d’efforts pour l’environnement

L’environnement devient un indicateur-clé. Pour lequel le Luxembourg n’est que 39e en 2021. Plus précisément, il arrive 60e sur l’empreinte écologique, 46e sur la part des énergies renouvelables et 44e au sujet des accords sur les déchets dangereux.

En conclusion…

«Le bilan des années 2010 s’avère mitigé pour la compétitivité du Luxembourg. L’une des économies les plus dynamiques d’Europe a su conserver la plupart de ses atouts et initier des tentatives de diversification et de transition vers un modèle plus respectueux de l’environnement et digitalisé, sans pour autant obtenir de résultats significatifs sur les classements de compétitivité. En effet, mû par une philosophie possiblement trop attentiste et freiné par des difficultés croissantes de recrutement, le Luxembourg n’a pas su trouver de nouveaux moteurs de productivité, au sein d’une économie toujours dominée par la finance et faiblement spécialisée dans les secteurs de haute technologie», écrit la Chambre de commerce.

À la fois satisfaite de la performance «solide» et déçue de la stagnation, elle conseille aux acteurs de la compétitivité de «mettre davantage en adéquation les moyens investis dans la transformation du modèle économique luxembourgeois et les ambitions déclarées, sous peine de se voir relégué durablement à l’arrière du peloton des pays compétitifs.»