Les juges décideront de la validité ou non d’un licenciement pour refus du CovidCheck. Des arguments existent des deux côtés. (Photo: Paperjam)

Les juges décideront de la validité ou non d’un licenciement pour refus du CovidCheck. Des arguments existent des deux côtés. (Photo: Paperjam)

Sans jurisprudence sur le sujet, difficile de dire si un employeur pourra ou non licencier un salarié qui refuse le CovidCheck. Paperjam a interrogé trois avocats spécialisés, deux estiment que oui.

La nouvelle loi permettant d’instaurer le CovidCheck en entreprise . Dans cette dernière, , par exemple parce qu’il ne souhaite pas se faire vacciner (ceux qui ne peuvent pas pour certaines raisons médicales ont droit à un remboursement) et ne veut pas payer de tests réguliers.

Paperjam a donc interrogé trois avocats, experts en droit du travail. Dont les avis diffèrent, mais qui s’accordent sur un point: le flou juridique autour de cette loi.

L’argument de discrimination

Pour Me Christian Bock (étude Frank, Cohrs, Bock), «si le chef d’entreprise décide de mettre en place le CovidCheck, c’est à lui de payer les tests. Tout comme un employeur dont le salarié doit porter des chaussures de sécurité doit lui fournir.» Les tests doivent également «être effectués pendant le temps de travail», estime-t-il. La situation pose un autre problème pour l’avocat: «Si l’employeur doit payer les tests du salarié, il sait qui est vacciné ou non» dans son entreprise, alors que l’employeur ne peut normalement pas avoir accès à de telles données de santé.

Si un employeur décidait d’interdire l’entrée à un salarié refusant le CovidCheck, on pourrait parler de «discrimination sur la base de l’état de santé» selon lui. «Il existe la possibilité d’attaquer en justice. Si la Cour constitutionnelle estime que la loi va à l’encontre de la Constitution, la loi et la sanction pourraient tomber et le patron risquerait de payer des indemnités pour licenciement abusif.»

On peut se demander si l’employeur n’a pas l’obligation de lui fournir les tests.

Nadia ChouhadfondatriceNC Advocat

Pour changer son salarié de poste, pour qu’il puisse par exemple télétravailler, l’employeur doit se plier à l’article 121-7 du Code du travail. «Si la mutation est en défaveur du salarié, il aura la possibilité de contester.» L’option de mettre son salarié en arrêt maladie n’est pas non plus possible, puisqu’il faut un certificat médical. Sauf si, bien sûr, le test s’avère positif au Covid-19.

Les décisions sur la possibilité de licencier ou non un salarié refusant le CovidCheck restent difficiles à prévoir. «Je ne peux pas dire si les juges iront dans un sens ou dans l’autre, il n’y a pas de jurisprudence. À mon sens, je déconseillerais fortement à un employeur de le faire.»

À titre informatif, Christian Bock est l’avocat du docteur Benoît Ochs, médecin généraliste aux positions controversées sur le coronavirus et le vaccin contre l’épidémie. Le patricien, qui exerce à Gonderange, a été condamné le 14 juillet dernier par le conseil de discipline du Collège médical, après des infractions à plusieurs articles du code de déontologie. Il a depuis fait appel.

Me Nadia Chouhad estime de son côté que le refus du CovidCheck par un salarié peut «constituer une faute justifiant licenciement». Puisqu’il s’agit du non-respect d’une obligation, «il est en violation de ses obligations», explique-t-elle. Cela pourrait aussi justifier de le renvoyer chez lui, d’où il ne sera pas payé. Mais s’agira-t-il d’une faute suffisante pour justifier le licenciement? Le juge décidera. «D’un autre côté, on peut se demander si l’employeur n’a pas l’obligation de lui fournir les tests, puisque c’est un choix de l’entreprise de se mettre sous CovidCheck et qu’elle a l’obligation d’assurer la santé et la sécurité de ses salariés.» Contrairement aux employés de l’horeca (ou déjà du secteur des soins), où cela vient de la loi. L’avocate augure cependant que les tribunaux suivront plutôt dans le sens de cette loi, par laquelle le gouvernement vise à accélérer la vaccination.

S’il prouve sa bonne foi, l’employeur peut prendre des mesures disciplinaires.
Guy Castegnaro

Guy CastegnarofondateurCastegnaro sàrl

Pour Me , «si le salarié, pour une raison ou une autre, ne veut pas» se soumettre au CovidCheck obligatoire, «l’employeur a une obligation générale d’exécuter le contrat qui le lie à son salarié de bonne foi». Ce qui signifie qu’il doit «essayer de trouver une alternative, un moyen de le laisser travailler sans se rendre dans les locaux de l’entreprise». En cas d’impossibilité, «s’il prouve sa bonne foi, il peut prendre des mesures disciplinaires», analyse l’avocat. C’est à dire un avertissement, pouvant mener au licenciement. Ici, «chaque cas est différent selon l’ancienneté du salarié, ses antécédents», précise-t-il, «comme pour tout licenciement».

Prouver sa bonne foi signifie-t-il proposer de payer les tests? Non, pour Me Castegnaro. «Le test pourra aussi lui servir à des fins privées, ce ne sont pas des frais professionnels en tant que tels. L’employeur est en droit de ne pas payer le test.» S’il le fait, «se poseront alors les questions de fiscalité et de sécurité sociale qui s’appliquent aux avantages en nature», complète-t-il. La bonne foi doit d’ailleurs «venir des deux côtés», rappelle l’avocat.

Pouvoir appliquer le CovidCheck en entreprise ne donne cependant toujours pas le droit à l’employeur de demander à un salarié s’il est vacciné ou non, par exemple pour éviter un contrôle chaque matin du QR code des personnes qui le sont. Il devra donc se limiter au logo vert ou rouge de l’application CovidCheck qui dit si la personne est «en règle» (vaccinée, testée négative ou guérie du Covid-19).