Le secteur de la boucherie recrute en masse. Mais les candidats ne se bousculent pas, malgré un salaire qui peut être attractif. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Le secteur de la boucherie recrute en masse. Mais les candidats ne se bousculent pas, malgré un salaire qui peut être attractif. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Guy Kirsch voudrait recruter huit personnes pour ses boucheries et restaurants, mais ne les trouve pas. Il compte sur une vaste campagne via les réseaux sociaux pour y arriver.  Son confrère Tom Steffen se heurte au même problème et constate que cette pénurie ne date pas d’hier.

tape du poing sur la table devant la difficulté à trouver de la main-d’œuvre motivée. À la tête du groupe Kirsch, qui compte huit boucheries, un service traiteur et deux restaurants, il tire la sonnette d’alarme. 

«Aujourd’hui, on recherche un salaire et non plus un métier», s’exaspère Guy Kirsch. Ce dernier a lancé une vaste campagne sur les réseaux sociaux pour tenter de trouver huit personnes pour ses restaurants et du personnel pour ses boucheries. «Si demain je trouve 10 bouchers, je les engage», assure-t-il. 

Les gens veulent rester à la maison, en télétravail, en maladie, avec à la fin du mois un salaire qui tombe.
Guy Kirsch

Guy KirschdirecteurGroupe Kirsch

«Je ne sais pas où est le problème. Je pense que l’envie de travailler est en train de disparaître. Pourtant, on tente d’éviter les coupures dans le service et on rémunère toujours au-dessus du salaire minimum. Un boucher gagne entre 3.000 et 3.500 euros net par mois. Je ne sais plus quoi faire pour trouver des gens qui ont envie de travailler. Avant, on était fier d’apprendre. Mais maintenant, les gens veulent rester à la maison, en télétravail, en maladie, avec à la fin du mois un salaire qui tombe», peste encore Guy Kirsch.

Anticiper le recrutement

, CEO du Groupe Steffen, souligne de son côté avoir «énormément de postes ouverts à travers les différentes activités du groupe. Si je souhaite retrouver, je l’espère, une certaine forme de normalité, c’est maintenant que je dois engager et pas dans deux mois, quand il sera trop tard. Il faut anticiper le recrutement et la formation pour garder un niveau de service acceptable pour le client. Ne pas recruter, c’est aussi mettre encore plus de poids sur nos équipes, qui nous ont fait confiance pendant les moments difficiles.» 

«La pénurie de main-d’œuvre dans notre secteur ne date pas d’hier. C’est une tendance depuis des années. Ce sont des métiers dont il est parfois difficile de montrer la beauté et la magie qui se cachent derrière», ajoute-t-il.

La Chambre des métiers avait déjà alerté, fin 2019, en indiquant un besoin en main-d’œuvre d’un peu moins de 10.000 personnes sur les 12 prochains mois dans l’artisanat. La crise sanitaire est passée par là et semble encore accentuer la pénurie. De plus, le monde du travail a changé et la période de confinement a parfois fait réfléchir sur les choix de carrière.

Être plus motivé que diplômé

Pour aider les employeurs, l’Adem peut s’avérer une aide précieuse pour trouver des profils. «De manière générale, nous avons de très bons échanges avec l’Adem. Par exemple, on peut organiser des journées de casting. Après une présentation de l’entreprise et des métiers, les personnes les plus intéressées et motivées restent pour en savoir plus. On recherche souvent des personnes ultra formées et l’employeur en fait souvent un point de frustration. Mais je préfère une personne à former et très motivée qu’une personne déjà formée et peu motivée. Alors, parfois, cela a des limites sur certains postes, mais globalement, cela se confirme», explique Tom Steffen. 

Il faut faire en sorte qu’au niveau de l’ensemble de la société, on se recentre sur l’humain.
Tom Steffen

Tom SteffenCEOGroupe Steffen

«Encore une fois, la pénurie ne date pas d’hier. Il faut faire en sorte qu’au niveau de l’ensemble de la société, on se recentre sur l’humain», termine Tom Steffen, afin de compenser les facettes du métier pouvant être perçues comme difficile. 

À l’opposé, Guy Kirsch ne veut plus entendre parler de l’Adem. «C’est du grand n’importe quoi. Auparavant, il y avait des placeurs à l’Adem. Ils recherchaient les profils dont on avait besoin. Aujourd’hui, il n’y a plus de contact avec l’Adem, tout se fait par ordinateur. On n’a même pas de contact pour dire à l’Adem d’arrêter de nous envoyer des mécaniciens qui savent faire une omelette à la maison. C’est un cauchemar. On recherche des charcutiers, des bouchers, des cuisiniers. L’Adem fait perdre du temps à tout le monde», fulmine Guy Kirsch.  

«Il faut revaloriser les métiers comme celui de boucher. Aller à la rencontre des jeunes pour leur montrer qu’il y a de beaux métiers et qu’il n’y a pas seulement l’État luxembourgeois qui engage. Il faut vraiment faire quelque chose et pas seulement avant une élection. Car ce n’est pas juste chez moi qu’il y a ce problème. Mon électricien ne trouve personne, tout comme mon comptable», termine Guy Kirsch, qui demande au gouvernement, mais également à la Chambre de commerce et à celle des métiers, de se pencher sur la question.