Arnaud Despinoy (Photo: Jan Hanrion/Maison Moderne)

Arnaud Despinoy (Photo: Jan Hanrion/Maison Moderne)

La pensée croit dominer le cerveau. Que nenni. La nature est souveraine et il serait temps de se rappeler que le mot «homme» partage la même racine qu’«humilité». Si nous ne sommes pas restés des chasseurs-cueilleurs, c’est grâce à la fabuleuse puissance créatrice de nos lobes frontaux. Si puissants qu’ils se voient bien dominer le reste du cerveau.

Croire que l’on peut gérer nos émotions

C’est ainsi qu’on en est venu à vouloir gérer nos émotions. À croire que des protocoles cognitivistes ou comportementalistes nous permettraient de maîtriser les bourrasques émotionnelles quand elles surviennent. Problème: ce sont elles qui nous gèrent. Elles sont à la base de nos pensées, de nos choix, de nos comportements. Nos vies sont façonnées par elles. Nos rêves de toute-puissance sont motorisés par la peur. La violence aussi. Nos choix sont dictés par la recherche du plaisir ou par l’évitement du déplaisir, du manque, du risque, du danger. Les émotions commandent la mémorisation, notre représentation individuelle du monde, nos comportements particuliers que nous appelons notre «nature».

Croire en notre mécanique biologique

Les neurosciences démontrent qu’une décision est d’abord prise au niveau émotionnel. Avant d’être justifiée, expliquée par un raisonnement. Pourquoi la conscience émotionnelle demeure-t-elle un appendice de nos démarches de développement personnel? Elles en sont les fondements. Éviterons-nous encore longtemps de comprendre notre moteur à explosions émotionnelles? Cette mécanique biologique a quatre cylindres/comportements:

Un comportement de consommation, d’activation de l’action qui amène vers l’objet désiré pour nous remplir de satisfaction et de bien-être, que l’on nomme plaisir; -  Un comportement de fuite, d’activation de l’action qui nous pousse à éviter, fuir ce que nous considérons dangereux ou déplaisant pour nous mettre à l’abri, en sécurité; -  Un comportement de lutte, d’activation de l’action qui nous pousse à nous battre, à affronter ce qui menace notre territoire pour regagner notre dignité, notre identité; -  Un comportement d’inhibition de l’action qui nous force à faire notre deuil, à subir ce que nous n’avons pas pu fuir ni vaincre, afin de préserver notre intégrité.

Comment apprivoiser le patron?

Si nous ne développons pas notre conscience émotionnelle, nous demeurons le jeu de processus qui nous mécanisent autant qu’ils nous échappent. Comme les gamins aux manèges, tournant le volant de leur voiture qui tourne seule. Le patron, c’est définitivement la nature. N’en déplaise à notre pensée. Pour pouvoir penser, il faut être en vie. Voilà la hiérarchie. Et les émotions constituent notre immunité fondamentale contre les vicissitudes de la vie. Aborder les émotions sous cet angle élargit considérablement le champ du développement personnel. Les émotions ne sont pas des paramètres dysfonctionnels. Elles sont le partenaire auquel s’associer, la partition sur laquelle s’écrit notre mélodie. Les écouter et les comprendre pour ce qu’elles sont apporte au coaching une efficacité spectaculaire. À défaut, cela revient à conseiller un conducteur dans la plus totale méconnaissance de son véhicule. Car, répétons-le, le fonctionnement du véhicule, ce n’est pas nous qui en décidons. Au mieux, nous pouvons l’utiliser. Les émotions en fournissent un mode d’emploi aussi simple qu’efficace.

C’est ce que rappelait Henri Laborit: ce n’est pas parce que nous connaissons les lois de la gravitation que nous pouvons nous en extraire. Mais grâce à nos lobes frontaux, nous sommes capables de l’utiliser.

Un grand merci à Pierre MASSOT.

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