Hors Union européenne, les États-Unis sont le principal partenaire commercial du Luxembourg, suivis par le Japon. «Un partenaire qui pèse deux fois le poids de la Chine», calcule , le directeur général de la Chambre de commerce. C’est dire si les résultats de l’élection présidentielle y étaient attendus.
Traditionnellement, le Luxembourg est, d’un point de vue économique, pour l’ouverture des frontières et l’abolition des entraves au commerce. «Alors que Donald Trump n’était pas un adepte du multilatéralisme et n’avait pas une approche proactive pour développer les relations économiques avec l’Europe, les premières déclarations de Joe Biden laissent à penser que le nouveau président va changer cela», se réjouit Carlo Thelen. Qui se félicite également de la «visibilité dans les actions du futur président».
Baisse des exportations sous Trump
Ces cinq dernières années, les échanges de biens avec les États-Unis sont restés importants, mais ne se sont pas développés. Bien au contraire. En 2016, les exportations luxembourgeoises vers les États-Unis représentaient 438 millions d’euros. En 2019, on n’en était plus qu’à 405 millions. Et pour ce qui est des importations, on est passé sur la même période de 1,047 milliard d’euros à 641,2 millions. Un déclin imputable à la politique de Donald Trump? Carlo Thelen ne l’affirme pas. Mais admet que la politique de sanctions tous azimuts de l’administration Trump a pu contribuer à ce mouvement. Et de citer les cas des secteurs de la sidérurgie et de l’automobile.
Les services ont pu compenser ce déclin. Les exportations sont passées de 4,8 milliards d’euros en 2016 à 4,93 milliards d’euros en 2019, et les importations, de 9 milliards d’euros à 12,4 milliards. Une croissance soutenue par la place financière, qui pèse environ pour 75% des exportations et 50% des importations.
Parmi les entreprises les plus impliquées dans le commerce avec les États-Unis, on trouve de grosses entreprises historiques comme ArcelorMittal, SES, Cargolux, Rotarex, ou encore Euro-Composites. Mais aussi de plus en plus de PME, comme Talkwalker, Apateq, ou encore les cidres Ramborn et la Moutarderie de Luxembourg. C’est sur ces PME que Carlo Thelen espère voir une progression des échanges. Surtout si les choses évoluent concernant le PTCI (Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement) – communément appelé TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership), ou encore TAFTA (Transatlantic Free Trade Agreement).
Carlo Thelen voit beaucoup d’opportunités dans les secteurs de la santé, de l’énergie et des écotechnologies. «Il y a là un vrai potentiel de collaboration entre nos deux pays. Nos PME sont à la pointe dans ces secteurs. Il y a un marché important pour exploiter ces derniers.»
Et pour vanter les qualités des entreprises luxembourgeoises, une mission économique est en préparation pour le premier semestre 2021. Direction le Wisconsin, État dont les liens historiques avec le Luxembourg sont forts et anciens. Le Wisconsin a en effet accueilli la grande majorité des 72.000 Luxembourgeois ayant émigré en Amérique au 19e siècle.
De meilleures relations
L’élection importe un peu moins pour le secteur de l’artisanat, où seulement 7% des entreprises exportent au-delà de l’Union européenne, selon , directeur général de la Chambre des métiers. «L’artisanat était donc très peu concerné par les mesures unilatérales prises par les États-Unis.»
Environ 40% sont actives à l’étranger, majoritairement dans la construction (73%) et la mécanique (14%). Mais leurs marchés principaux se trouvent dans la Grande Région. «C’est un secteur local et régional», justifie Tom Wirion.
Il commente tout de même: «D’un point de vue général, je pense que l’élection de Joe Biden peut être positive dans le sens où des relations tumultueuses entre l’Union européenne et les États-Unis n’étaient pas quelque chose de rassurant ni d’un côté politique, ni d’un côté économique.»
, présidente de la Fedil (Fédération des industriels luxembourgeois), s’interroge: «Sur le fond, est-ce que cela va changer les choses? Je ne sais pas vraiment. Il y a quand même des choses que Donald Trump a maintenues en place de la présidence précédente, où Joe Biden était vice-président», rappelle-t-elle. Notamment la volonté de «réorienter la politique commerciale de leur côté de l’Atlantique», minimisant les relations avec le marché européen. Elle se demande aussi si le futur président compte maintenir les taxes sur l’aéronautique en provenance de l’Union européenne, augmentées au cours du mandat de Donald Trump. «Il est trop tôt pour le dire. Je ne vois pas de signe qui dit que cela va être totalement différent», indique-t-elle, sceptique.
Plus d’équité écologique
Elle soulève toutefois un point positif: le fait que Joe Biden souhaite réintégrer l’accord de Paris sur le climat, qui prévoit des efforts pour contenir le réchauffement climatique bien en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, et de le limiter à 1,5°C. Donald Trump avait décidé de retirer son pays de l’accord. «Cela ramènerait les entreprises européennes à un niveau de concurrence égale», espère Michèle Detaille.
En tout cas, sur la forme, «je pense que la plupart des gens ne sont pas fâchés d’en finir avec les sautes d’humeur et attitudes malpolies, pour le dire poliment, du président sortant», estime-t-elle. «Nous avons quelques entreprises ici dont le siège se trouve aux États-Unis, ce n’est pas neutre d’entretenir de bonnes relations commerciales avec la première puissance mondiale.» Comme, par exemple, DuPont de Nemours ou Goodyear. Interrogées, elles n’ont pas pu nous donner leur réaction.
De son côté, ArcelorMittal, basée au Luxembourg, mais qui exporte 10% de sa production aux États-Unis, indique: «Nous ne faisons pas de commentaires sur les résultats des scrutins. La seule chose que l’on peut dire, c’est que l’on pense que l’exécutif américain soutiendra l’industrie sidérurgique en général et sa production domestique en particulier, et travaillera à remédier aux surcapacités mondiales.»