Thierry Labro (Photo: Maison Moderne)

Thierry Labro (Photo: Maison Moderne)

La campagne s’est terminée sur un constat: sur quelques sujets clés, les différences sont criantes entre les uns et les autres. Faute de transparence, d’études d’impact et de mesures de l’efficacité des politiques publiques, difficile d’avoir une image de ce qui nous attend. Sauf de gros sacrifices. On parie?

«Le pays va bien.» Je ne parviens pas à me remettre de la petite phrase du Premier ministre,  (DP), à l’occasion de la Fête nationale. Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’elle s’entend «par rapport à nos voisins et amis». Cela ne peut pas nous suffire, lui a répondu le président de la Chambre de commerce, Fernand Ernster, quelques semaines plus tard. «Nous devons compter parmi les cinq ou six pays les plus performants.»

L’indexation des salaires et les transferts sociaux maintiennent de plus en plus difficilement la paix sociale, comme en témoigne le panorama social de la Chambre des salariés… mais cela rogne les marges des entreprises déjà parmi les plus faibles en Europe, comme le répètent en chœur Chambre de commerce et Union des entreprises luxembourgeoises.  À l’électrocardiogramme plat de la productivité – signe que le pays ne profite pas correctement des effets de la digitalisation – s’est ajoutée une dégringolade de la compétitivité. 20e à l’IMD. Dans un déni général du gouvernement. Le haussement d’épaules arrogant est le même pour la compétitivité que pour l’alerte du Haut comité des finances publiques ou pour les craintes de la Caisse nationale d’assurance-pension à propos des retraites.

Et ne parlons pas des finances publiques: les 30% d’endettement devraient être atteints en 2027, mais les investissements massifs annoncés dans le logement devront être financés, sans toucher au portefeuille de la finance, sans quoi, comme Amundi, la Place bougera sans pitié vers d’autres juridictions au nom de la rentabilité. Pour conserver le triple A – dont la perte n’a jamais empêché aucun pays de continuer à s’endetter – soit il faut taxer plus les uns et les autres en réduisant les dépenses de l’État – ce qu’aucun candidat n’a vraiment thématisé – soit il faut générer beaucoup plus d’activité économique avec les contraintes d’empreintes environnementales, logistiques ou liées aux talents. Comment fait-on? Les réponses ont été largement insuffisantes pendant la campagne.

Que l’ADR trouve un écho dans les 48% des résidents qui votent, alors que certains de ses cadres fricotent en toute impunité avec le Shaef, les QAnon, Civitas et toutes sortes de mouvements nauséabonds en dit long sur l’étendue du problème: non seulement aucun leader n’a de vision emballante à long terme, préférant publier un catalogue de propositions plus épais que le code des impôts sans avoir ni rien chiffré, ni même vérifié que c’était soutenable et qu’elles étaient compatibles les unes avec les autres, mais aucun de ceux qui sont au pouvoir depuis dix ans ne rendent même de comptes sur leur utilisation des ressources publiques. De notre argent. Je ne parle pas là des petits arrangements avec la carte de crédit de l’État relevés partiellement par Reporter et inscrits au budget de l’État l’an dernier à quatre millions d’euros, mais de l’absence de transparence sur l’efficacité des politiques publiques.

Ce n’est pas nouveau. Il n’était pas difficile, sous Jean-Claude Juncker, de s’apercevoir que le coûteux subventionnement du logement, par exemple, ne permettait pas d’atteindre la mise sur le marché du nombre de logements prévus.

La première des tâches du prochain chef du gouvernement devrait être de réaliser la promesse de Bettel, la promesse passée de Bettel: entrer dans l’ère d’une data driven economy, d’une économie conduite par la donnée où l’efficacité des politiques publiques est clairement démontrable. Ce n’est plus un luxe. Un peu plus d’ambition, «merde alors!», pour imiter l’indéboulonnable chef de la diplomatie…