Exemple: Une grand-mère qui offre deux cravates à son petit-fils. Croyant lui faire plaisir, l’enfant met la cravate bleue et se présente à sa grand-mère. Sa grand-mère lui dit alors: «Tu n’aimes pas la cravate rouge que je t’ai offerte?» La fois suivante, l’enfant met la cravate rouge. Sa grand-mère, déçue, lui dit alors: «Tu n’aimes pas la cravate bleue que je t’ai offerte?» À la visite suivante, le petit-fils met les deux cravates. Sa grand-mère lui dit alors qu’il est fou.
Dès lors que l’ensemble des actions visant à produire une réponse à la situation vécue ne font que renforcer, sinon aggraver, le «problème», alors on entre dans un paradoxe. Plus on tente de sortir du problème, plus on l’alimente. Plus vous tenterez de rétablir un «équilibre» (justification, explication, argumentation, etc.), plus vous accentuerez la confusion.
Le fonctionnement d’un système repose sur l’existence de multiples rétroactions, négatives comme positives, entre les différents éléments de ce système. Ces rétroactions combinent leurs actions pour maintenir à la fois la stabilité du système et l'adapter aux évolutions de son environnement, une forme d’homéostasie. Mais si l’action engagée renforce le problème plus qu’elle ne le résout, cela devient paradoxal.
Exemple: Votre père refuse de vider la maison de votre grand-père décédé. Il ne faut pas toucher à ses affaires et ne surtout pas parler de lui. Lorsque quiconque aborde le sujet, votre le père ordonne de cesser et argumente ainsi: «Je ne peux pas», ou encore «il reste ainsi parmi nous». La solution qui consiste à interdire d’en parler (occulter) ne fait que renforcer l’inquiétude, la curiosité, le questionnement, et amène donc à en parler davantage (entretenir). La volonté de contrôle renforce donc le paradoxe.

Ignore this sign Alias Mediation
Gregory Bateson avait défini le paradoxe comme une communication à deux niveaux contradictoires. C’est le cas aussi du panneau sur la photo: comment «ne pas tenir compte du signal» dès lors qu’on l’a vu? Si je vous dis de ne pas penser à Brad Pitt, à qui pensez-vous?
Au même titre, lorsque les membres d’une direction ne s’entendent pas ou ne s’accordent pas sur les messages à relayer jusqu’au fin fond de l’organigramme, il s’en trouve alors parfois de vrais paradoxes qui enferment le salarié dans l’hypothèse suivante: quoi que je fasse (ou que je ne fasse pas), je risque la sanction. Et lorsque l’on parle de «cohésion de la pile hiérarchique», comprenez par là: «à la maison, lorsque papa ne dit pas la même chose que maman, c’est le bazar».
Vous aurez identifié les conséquences sur la relation entre les protagonistes d’un système. Cette dégradation de la relation va se traduire par 3 attitudes possibles: l’attaque (la rébellion, la colère, la réaction épidermique à ce mal-être), la fuite (le ras-le-bol, la démotivation, la démission) ou l’évitement (l’abandon, le désintérêt total, le je-m’en-foutisme). Bref, un blocage complet de la situation, avec toutes les conséquences que cela aura sur la quantité et la qualité du travail, de votre image aux yeux de vos clients, des résultats du service, de la direction, et donc de l’entreprise tout entière.
De nombreuses techniques existent afin de valider que nous ne mettons pas les personnes en difficulté avec des injonctions paradoxales. La reformulation (et faire reformuler) reste encore celle qui, en situation interactionnelle, vous garantira le moins d’erreur. Et si vous êtes suffisamment alerte et que votre donneur d’ordre est ouvert à l’échange, n’hésitez surtout pas à lui faire état de ce paradoxe, de trouver avec lui une alternative, ou encore de valider qu’en pareille situation, il vous revient (ou non) de décider en toute autonomie.
Arnaud DESPINOY