Carole Dieschbourg précise sa stratégie Zéro déchet, même si de nombreux points restent à établir avec les acteurs. (Photo: Patrick Galbats/Archives Maison Moderne)

Carole Dieschbourg précise sa stratégie Zéro déchet, même si de nombreux points restent à établir avec les acteurs. (Photo: Patrick Galbats/Archives Maison Moderne)

Le Conseil d’État étudie plusieurs projets de loi, inclus dans la stratégie Zéro déchet du Luxembourg. Mais que prévoient-ils concrètement? Nous avons donné la parole à la ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg, dans le cadre d’une série d’articles dédiés à ce sujet.

le ministère de l’Environnement attend les avis du Conseil d’État sur sa stratégie Zéro déchet, . Nous avons essayé de comprendre les mesures qu’elle contenait, en interrogeant la ministre en charge, (Déi gréng).

La stratégie zéro déchets passe par huit textes de loi. Lesquels?

Carole Dieschbourg. – «Au niveau des déchets, nous avons déjà une loi en vigueur depuis des années. Elle va être changée pour mettre en œuvre les directives européennes du paquet économie circulaire. Cela passera par cinq projets de loi: celui sur les déchets (7659), sur les emballages et déchets d’emballage (7654), sur les produits en plastique à usage unique (7656), les équipements électriques et électroniques et leurs déchets (7701) et sur les piles et accumulateurs et leurs déchets (7699). Et trois règlements grand-ducaux qui concernent la mise en décharge, les véhicules hors d’usage et les avertissements taxés. Ce dernier est déjà en place depuis janvier dernier, nous avons remonté le prix des sanctions pour le littering (le fait de jeter ses déchets dans la nature, ndlr) de 49 à 145 euros.

Où en sont les autres textes?

«Les lois et les règlements sont en l’état d’avant-projets et  ont été déposés à la Chambre des députés fin 2020. Nous attendons les avis des chambres professionnelles et l’avis du Conseil d’État. Pour préparer ces textes, nous avons fait des consultations pendant presque un an au niveau des citoyens à travers des workshops dans tout le pays.

Quand seront-ils appliqués?

«Je ne peux le dire, parfois nous discutons pendant deux ou trois mois pour arriver à des résultats.  C’est un travail démocratique important.

Au 1er janvier 2025, la quantité de déchets municipaux mis en décharge devra être ramenée à 10% au moins de la quantité totale de déchets municipaux produite.
Carole Dieschbourg

Carole DieschbourgMinistre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable

Quels changements concrets prévoient ces textes, pour les consommateurs et les entreprises?

«Ils fixent de nouveaux taux de préparation à la réutilisation et de recyclage des déchets municipaux à 55% pour 2025, 60% pour 2030, 65% pour 2035. Pour les déchets d’emballage, une réutilisation et un recyclage de 65% en 2025 et de 70% en 2030.

Au 1er janvier 2025, la quantité de déchets municipaux mis en décharge devra être ramenée à 10% au moins de la quantité totale de déchets municipaux produite. Les bouteilles pour boissons en PET (polytéréphtalate d’éthylène, utilisé dans les bouteilles en plastique) d’une capacité maximale de trois litres devront contenir au moins 25% de plastique recyclé, 30% au 1er janvier 2030.

Pour le 1er janvier 2029, la collecte séparée d’au moins 90%, en poids, des déchets de bouteilles pour boissons d’une capacité maximale de trois litres, de la quantité totale de déchets de ces produits générés.

D’ici 2030, la réduction de 50% de la production de déchets alimentaires tout au long des chaînes de production et d’approvisionnement. La réduction ambitieuse et soutenue de la consommation des gobelets pour boissons et des récipients pour aliments d’ici à 2026.

Quels sont les chiffres au Luxembourg aujourd’hui?

«En 2018 la quantité de déchets municipaux générés était de 490.704 tonnes, dont 179.511 d’origine non ménagère. De ces déchets, 304.487 tonnes ont été collectées séparément en vue d’un recyclage. Les déchets inertes, industriels et de la construction ne sont pas inclus.

Pour atteindre les objectifs présentés, quelles seront les mesures? La loi parle de système national de consigne…

«Aujourd’hui, quand j’achète quelque chose, j’achète souvent un emballage que je ne veux pas avoir. De même dans la vente à emporter. Il faut donc établir des feuilles de route avec la restauration pour voir comment réduire les déchets produits.

Dans la législation, il y a deux étapes. Dans la première, nous réduisons le plastique, comme demandé par la directive européenne sur le plastique à usage unique. Ce sera partout en Europe, dès juillet, il n’y aura plus de pailles en plastique, etc. Et aussi au Luxembourg, j’espère qu’on sera prêts, cela dépend du Conseil d’État.

On ne peut pas simplement remplacer la paille en plastique par une paille en carton utilisée une seule fois, on développera ensuite des systèmes réutilisables. Nous établirons pour cela des feuilles de route ensemble avec les secteurs.

Ce qu’on a déjà fait au niveau des sacs en plastique. Le Luxembourg a dit qu’à partir de 2018, ils n’étaient plus gratuits et on a inventé des sacs réutilisables.

Il s’agirait donc de faire la même chose avec les emballages de la vente à emporter?

«On pourrait l’imaginer. Nous avons déjà 147 restaurants et 72 cantines qui utilisent les (système de consigne volontaire avec des boîtes en plastique réutilisables, ndlr).

Pour inciter plus d’entreprises à les utiliser, deviendront-elles obligatoires?

«Nous avons mis dans la nouvelle législation la possibilité d’introduire des systèmes de consigne. Après, il faudra trouver les bonnes solutions avec les acteurs. C’est pour cela qu’on a laissé très ouvert.

Pour les boissons, nous voulons travailler au niveau Benelux. Nous sommes en contact avec les collègues.

La législation qui s’applique aux emballages sur le territoire national s’applique à tous les «metteurs» sur le marché, qu’ils soient situés au Luxembourg ou dans un autre pays.
Carole Dieschbourg

Carole Dieschbourgministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable

Qu’on propose des alternatives au plastique à usage unique ou réutilisable, cela représente un coût supplémentaire. Par qui sera-t-il supporté?

«Pour l’instant, il y a beaucoup de systèmes où le consommateur paie son emballage qu’il ne veut même pas, parce que le producteur le calcule dans ses coûts. Il y a un investissement, mais si on achète toujours des pailles jetables, ce sont aussi des coûts. La réparation de l’utilisation de ces emballages à usage unique représente un coût externe qui n’est pas pris en compte par les acteurs économiques, mais que nous tous, les générations futures, devons payer. On passe d’une économie de déchets, où on jette et les coûts sont portés par toute la société, à une économie de ressources.

À combien évalue-t-on ces coûts externes au Luxembourg?

«Nous n’avons pas l’habitude de prendre en compte ces coûts pour l’instant. Mais rien que pour le littering autour des routes nationales, cela coûte un million d’euros par an à l’État.

Qu’est-il prévu pour éviter les déchets issus du e-commerce venant d’entreprises internationales?

«La législation qui s’applique aux emballages sur le territoire national s’applique à tous les «metteurs» sur le marché, qu’ils soient situés au Luxembourg ou dans un autre pays. Dans le cas décrit de produits livrés par une entreprise étrangère, celle-ci met sur le marché luxembourgeois un emballage lorsqu’elle importe le produit emballé. Elle est dès lors soumise à la même obligation de reprise pour ses emballages que les responsables d’emballages situés sur le territoire.»