Nancy Thomas, directrice d’IMS Luxembourg. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Nancy Thomas, directrice d’IMS Luxembourg. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Les Sustainability Awards, organisés par IMS et Maison Moderne, récompenseront des entreprises luxembourgeoises sur le thème du développement durable. Pour Nancy Thomas, il s’agit aussi de partager des idées.

IMS (Inspiring More Sustainability) organise, en partenariat avec Maison Moderne, la première édition des Sustainability Awards. Le 25 octobre, quatre entreprises seront récompensées pour une pratique exemplaire qu’elles ont développé en faveur du développement durable dans quatre catégories: People, Planet, Prosperity et ­Sustainability Team. Qu’est-ce qui caractérise ces Sustainability Awards?

. – «Ce qu’il est primordial de comprendre, c’est que nous récompensons davantage une pratique qu’une entreprise. Nous décernons des prix, mais l’objectif derrière est bien de recenser des pratiques et de les diffuser. Douze pratiques sont ainsi en lice, quatre sont récompensées, mais nous allons aussi rendre compte de toutes les idées partagées via les dossiers de candidature.

Selon quels critères déterminez-vous les lauréats?

«Nous nous demandons: comment cette pratique a-t-elle été mise en place? Quels étaient les objectifs de départ? Quel impact cela a-t-il eu? Était-ce innovant? Et comment cette pratique est-elle reproductible? Car le principe est de récompenser celles pouvant être reproduites, pour que d’autres s’en emparent.

Il y a donc des gagnants, mais pas de perdants…

«Les lauréats sont vraiment ceux qui ont une pratique en place, aboutie, qui ont mesuré un très bon impact et qui ont une bonne communication. Mais cela ne veut pas dire que les autres n’ont pas eu une bonne idée.


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La sustainability, ou la durabilité, est un concept dont on entend de plus en plus parler. Il n’est pas pour autant devenu plus clair pour le grand public. Pouvez-vous nous l’expliquer?

«La durabilité est constituée de trois piliers: l’environnement, le social et l’économie. Il s’agit de faire fonctionner les trois ensemble, en symbiose. Cela signifie prendre en considération tout ce qui, dans l’organisation, va toucher à l’humain et aux problématiques environnementales, tout en ne s’interdisant pas de continuer à être viable économiquement.

La mise en place d’une pratique vertueuse par une entreprise – fin des gobelets en plastique, installation de panneaux photovoltaïques, par exemple – suffit-elle à en faire une entreprise durable?

«C’est bien de faire des petites actions, car chacune d’entre elles compte. Si nous regardons quelques années en arrière, il y avait tellement peu de choses mises en place que même ces petites actions étaient une victoire. Pour garder cet exemple des gobelets en plastique, quand nous avons lancé le manifeste pour que les entreprises suppriment les objets en plastique à usage unique, cela pouvait paraître insignifiant à l’échelle individuelle, mais nous arrivions à 150 tonnes de plastique à usage unique en moins chaque année. À plusieurs, cela peut donc avoir de l’effet. Mais ces petites actions au sein d’une entreprise ne conduisent jamais à quelque chose d’abouti à un niveau global.

Comment donc devenir une entreprise durable?

«Il faut une stratégie. Il ne faut pas que ce soit quelque chose “posé à côté”, sur lequel seules quelques personnes vont se pencher. Cela doit être conçu de manière globale, au sein d’un modèle intégré. On s’attaque alors à de vrais changements en profondeur dans les organisations.

Et cette stratégie, toute l’organisation la porte. Ce n’est pas une personne dédiée qui va avoir ses 10.000 tableaux de bord et qui va aller à la fin de l’année réclamer des chiffres aux autres. Chacun doit avoir dans ses propres objectifs quelque chose qui est lié à cette stratégie.

Cela demande par ailleurs à ce que l’organisation soit plus transparente, qu’elle accepte que des idées remontent de la base, donc des modèles un peu différents. Or, toutes les organisations ne sont pas encore prêtes pour ces changements.

Le coût économique d’un tel changement de l’organisation ne pourrait-il pas décourager certaines entreprises?

«Cela ne peut être que bénéfique pour le modèle économique d’une organisation. C’est pour cela que cela doit être intégré à la stratégie globale: avec davantage de transparence, de partage d’informations, un travail différent sur les ressources humaines, de la diversité, un bon équilibre entre hommes et femmes, de nombreuses études montrent que cela provoque plus de créativité et de meilleurs résultats. La durabilité apporte de la richesse à l’organisation.

Mais comment met-on en place une telle stratégie, concrètement?

«L’idéal est de constituer un petit groupe, autour de personnes décisionnaires comme le responsable des ressources humaines ou le directeur de l’organisation. Il faut les mettre autour de la table et qu’ils réfléchissent ensemble.

Le point de départ est de faire l’inventaire de ce qui est déjà fait, parce qu’il n’y a aucune organisation qui n’a jamais rien fait sur ces sujets-là. Il faut donc recenser l’existant et voir d’où l’organisation part. Et en mettant aussi plusieurs cerveaux autour de la table, je ne peux pas croire qu’il n’y ait aucune organisation qui ne trouve pas de bonnes idées pour mettre des actions concrètes en place.

Mais la plupart des entreprises n’ont-elles pas besoin d’un soutien extérieur pour se débarrasser de leurs préjugés?

«C’est à cela que servent des réseaux comme IMS ou l’INDR. Cela permet de venir échanger, de se confronter à d’autres personnes qui ont les mêmes problématiques et qui y réfléchissent. En participant à des groupes de travail, elles peuvent voir où elles en sont et venir s’approprier les idées des autres.

De nombreux acteurs de la société civile sont très actifs sur des thématiques particulières comme le handicap. Les entreprises peuvent se tourner vers eux et nous pouvons les aiguiller vers les bons acteurs.

Le Luxembourg est-il vertueux en termes de développement durable?

«Par rapport à certains pays d’Europe, comme les pays scandinaves, la Suède, la Norvège, le Danemark, beaucoup de choses peuvent encore être faites. On peut aussi citer la France, qui a adopté une loi dès 2006 concernant le reporting en matière de développement durable – certaines législations ont poussé les entreprises à s’engager depuis plus longtemps qu’au ­Luxembourg –, donc cela crée un décalage.

Cela dit, depuis 5 ou 6 ans, de nombreuses organisations s’intéressent de manière profonde à ces sujets. Elles commencent à réfléchir à des changements de leur organisation et de leur modèle économique. Par ailleurs, des entreprises qui se créent ont, dès le départ, intégré ces principes de manière très intelligente dans leur business model. Donc je vois des évolutions très positives.

Malgré tout, à mon sens, cela ne va pas assez vite. On le voit bien avec les catastrophes de l’été passé: il devrait y avoir plus de changements, plus de solidarité, plus d’échanges, plus d’interactions entre les politiques, les entreprises et les acteurs de la société civile. Il faut tous se mettre autour de la table pour développer une vision holistique et agir tous ensemble.»

Cette conversation a été rédigée pour  parue le 21 septembre 2022. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam. 

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