Étape cruciale: l’usinage du boîtier demande savoir-faire et précision (Photo: Marc Fassone/Maison Moderne)

Étape cruciale: l’usinage du boîtier demande savoir-faire et précision (Photo: Marc Fassone/Maison Moderne)

Dudelange est connue pour son passé industriel et sidérurgique. Mais la Cité du Fer figure aussi sur une carte prestigieuse: celle des collectionneurs de montres de luxe. C’est ici que Duke Horlogerie a établi son siège et son atelier de production, une manufacture qui suscite même l’envie des Suisses.

À nos lecteurs: la rédaction de Paperjam a pris ses quartiers à Dudelange, ces jeudi et vendredi, à la rencontre d’acteurs politiques, sociaux et économiques de cette commune de 22.000 habitants. Cet article s’inscrit dans cette démarche «concentrée». Bonne lecture. Le rédacteur en chef.

Une manufacture de montres de luxe au Luxembourg? À Dudelange? Dans un lieu discret, mais connu des grands collectionneurs de montres et d’art? Oui, cela existe. Et cela se développe. L’idée de Duke Horlogerie est née en 2018 dans la tête d’Alessio Muller. Fin 2024, la marque avait mis sur le marché deux modèles la Duke First Edition et la Duke by Vianney Halter.

Deux modèles qui posaient les signes distinctifs de la manufacture: un boîtier octogonal et un tourbillon flottant grâce à un ingénieux système de pont en saphir invisible. Deux modèles en série limitée qui ont trouvé rapidement preneurs et qui ont contribué par le bouche-à-oreille à la renommée de la marque dans le petit monde des collectionneurs de montres et des amateurs d’art.

Nouveaux modèles en fin d’année

À peine ces modèles mis sur le marché, Alessio Muller réfléchissait au coup suivant: une troisième génération de garde-temps d’un diamètre inférieur – 41 mm contre 44 mm – et plus fin (10 mm contre 14,5). Et au final, ce sont deux modèles qui seront officiellement présentés lors de la Dubaï Watch week qui se déroulera du 19 au 23 novembre 2025, événement incontournable dans le milieu où la manufacture a été invitée.

Le premier modèle, «une réinterprétation de la Duke First Edition», automatique deux aiguilles embarquera un tourbillon et aura la particularité d’être entièrement en titane, cadran inclus. Seules des pièces techniques ne se prêtant pas à l’utilisation du titane seront en acier: le ressort de barillet et le ressort de spiral. Un second modèle trois aiguilles automatiques sans tourbillon sera également proposé. «Un modèle plus entrée de gamme – comptez 50.000 à 60.000 euros environ quand même –, qui nous permettra d’élargir notre base de clientèle.

Travail d’équipe

Lancer de concert deux modèles est un défi opérationnel pour la manufacture où jusqu’à présent, à l’exception du polissage, seul Alessio Muller s’occupait de la production. Une production de modèle en série limitée. «Cette démarche de petite production exclusive sera préservée. Mais nous en ferons plus de séries limitées. La seule limite sera désormais celle de la capacité de production.»

Soit, par an, huit modèles tourbillon et 18 modèles sans tourbillon. Limites qui représentent quand même un quasi triplement de la production pour la marque. Un triplement qui a été un gros challenge admet Alessio Muller: «Il faut apprendre à travailler en équipe.» Une équipe qui compte désormais deux programmateurs-fraiseurs, un ingénieur matériaux et un constructeur horloger en charge des activités de recherches et développement. «Ils travaillent sur l’usinage, ce qui me permet de me concentrer sur la conception du mouvement et son assemblage.»

Comment recrute-t-on de tels profils pointus ici au Luxembourg? «Il faut d’abord trouver des gens passionnés par l’horlogerie sans forcément y avoir déjà travaillé. Nos deux programmateurs-fraiseurs viennent du secteur médical. Un secteur où on travaille le titane, notamment dans le dentaire. Ils font la même chose chez nous, mais c’est plus amusant. C’est pour ça qu’ils ont tous accepté de nous rejoindre. Notre constructeur horloger vient d’un très grand groupe de luxe. Ils étaient quatre constructeurs horlogers pour tout le groupe qui comptait une vingtaine de marques. Il se sentait comme un simple numéro dans ce groupe, jamais mis en avant. Chez nous, c’est tout le contraire. Lorsque les clients nous visitent, ils savent qui il est et ce qu’il fait. Le challenge, c’est de les inclure tous dans l’aventure.»

À cette équipe «technique», il convient également d’ajouter une personne en charge de l’administratif, une en charge du développement de l’outil IT et Denis Muller, le père d’Alessio en charge de la commercialisation. Tous basés à Dudelange. L’équipe est destinée à s’étoffer encore. D’ici fin 2026, deux horlogers et deux polisseurs la rejoindront ainsi qu’un deuxième commercial.

Un nouveau calibre par an

À quoi s’attendre désormais pour ce qui est du développement de la gamme? «Notre philosophie est de sortir un nouveau calibre par an sur les cinq à six ans à venir, cette année étant avec deux modèles l’exception. Et bien évidemment, nous rajouterons des complications au fur et à mesure, comme un calendrier perpétuel et des complications astronomiques.» 2026 verra également le lancement d’une montre pour dames.

Réduire le boîtier est une demande du marché. «Nos deux premiers modèles étaient des préséries faites pour tester le marché et voir ce que les clients attendaient de nous. Diminuer le diamètre de la boîte et surtout l’affiner est une demande de notre clientèle.»

Discrètes visites au Luxembourg

La clientèle de Duke Horlogerie est principalement localisée au Moyen-Orient, en Asie, en Amérique du Nord et en Amérique du Sud. «L’Europe est un marché un peu plus conservateur. Beaucoup de gens s’intéressent déjà à nous ici, mais ils vont probablement attendre le troisième ou le quatrième modèle pour acquérir un de nos produits», précise Denis Muller. «Nous comptons également dans notre clientèle des collectionneurs d’art qui trouvent nos montres très intéressantes sur le plan du design.»

Une clientèle internationale qui vient fréquemment à Dudelange pour y visiter la manufacture, voire demander des éléments de personnalisation pour leur garde-temps. Et qui en profite pour visiter le Grand-Duché. 

Alessio Muller a reçu en septembre dernier le Prix Innovation Artisanat organisé par la Chambre des métiers et par la SNCI dans la catégorie design.