Delano s’est entretenu avec Philippe Ledent de la banque ING et Cindy Tereba de la Chambre de commerce, le 21 octobre 2024, dans deux interviews distinctes.   (Photos: Romain Gamba, Mike Zenari/Archives. Montage: Maison Moderne)

Delano s’est entretenu avec Philippe Ledent de la banque ING et Cindy Tereba de la Chambre de commerce, le 21 octobre 2024, dans deux interviews distinctes.   (Photos: Romain Gamba, Mike Zenari/Archives. Montage: Maison Moderne)

L’élection présidentielle américaine aura lieu le 5 novembre. Paperjam a examiné l’impact potentiel des politiques fiscales et commerciales proposées par Donald Trump et Kamala Harris sur l’économie européenne.

Selon Philippe Ledent, expert économiste à la banque ING à Bruxelles, une victoire tripartite (présidence, Chambre des représentants et Sénat) des républicains assurerait un contrôle total de la politique budgétaire fédérale américaine. Ce qui devrait se traduire par des réductions d’impôts pour les entreprises avant la mise en œuvre éventuelle de tarifs douaniers généralisés, la mesure la plus lourde de conséquences.

Dans un tel scénario, M. Ledent s’attendrait à ce que les droits de douane soient mis en œuvre à la fin de l’année 2025, voire en 2026, ce qui réduirait l’impact sur la zone euro pendant la durée de la présidence Trump.

Toutefois, M. Ledent a expliqué qu’une administration Trump disposant d’une majorité à la Chambre des représentants, mais dont le Sénat est toujours détenu par les démocrates, ne donnerait pas à son administration un contrôle total du budget et limiterait donc sa capacité à réduire les impôts sur les sociétés. Par conséquent, Donald Trump pourrait recentrer son attention sur les tarifs douaniers au début de son mandat.

Tarifs douaniers et méfiance

M. Ledent s’attend à ce que , mais les biens de consommation européens exportés vers les États-Unis ne seraient pas à l’abri, ce qui n’est pas souhaitable compte tenu de la faiblesse économique actuelle de la zone euro.

«Les échanges, le commerce et les investissements sont également basés sur des attentes et, par conséquent, une méfiance à l’égard de l’administration Trump entraînera une période d’attente pour [les entreprises européennes] au lieu d’une période proactive», a averti Cindy Tereba, CTO et directrice des affaires internationales à la Chambre de commerce du Luxembourg.

Kamala  Harris, également protectionniste à sa manière

«Il est plus simple d’examiner les politiques de Kamala Harris», a indiqué M. Ledent. Selon lui, un contrôle total des trois institutions «est moins probable» pour les démocrates que pour les républicains.

Comme il est peu probable qu’une administration Harris contrôle les deux chambres du Congrès, M. Ledent pense qu’elle serait également limitée dans son influence sur les politiques fiscales, en particulier sur les dépenses. Il explique que son plan d’«économie de l’opportunité» risque de s’arrêter à la poursuite des politiques de son prédécesseur.

Si Kamala Harris est élue, la Chambre des représentants républicaine jouera-t-elle son rôle conservateur traditionnel?

M. Ledent pense que les politiques fiscales restrictives pourraient être compensées par des baisses de taux de la part d’une Fed plus confiante, qui n’aura pas à s’inquiéter des fortes pressions inflationnistes dues aux droits de douane généralisés. Il n’est pas surprenant qu’il s’attende à ce qu’une Chambre des représentants contrôlée par les républicains mette des bâtons dans les roues des projets de Kamala Harris. Cependant, «il ne faut pas s’attendre à ce que les conservateurs agissent contre la croissance américaine».

Des taux d’intérêt plus bas aux États-Unis (ou une baisse plus rapide que celle décidée par la Banque centrale européenne) pourraient renforcer l’euro, un développement positif sur le front de l’inflation qui pourrait, d’un autre côté, nuire aux exportations européennes.

M. Ledent pense que Kamala Harris pourrait appliquer des droits de douane sur des produits importés ciblés, mais il s’attend à ce qu’elle se concentre davantage sur l’incitation des entreprises étrangères à s’installer aux États-Unis et sur le rapatriement des activités de fabrication des entreprises américaines dans leur pays d’origine. «Ce n’est pas nouveau, car ces mesures figurent déjà dans la

Je n’ai pas l’impression que le rapport Draghi soit devenu la bible de la Commission européenne.
Philippe Ledent

Philippe Ledentexpert économiste banque ING

«Kamala Harris n’a pas de politique contre l’Europe en soi, c’est à cette dernière de mettre de l’ordre dans ses affaires», a ajouté M. Ledent. Comme le souligne le rapport Draghi sur la compétitivité de l’UE, il s’attend à ce que l’Europe s’affaiblisse encore, mais Kamala Harris ne contribuerait pas à des chocs négatifs supplémentaires, contrairement aux politiques de Donald Trump. Toutefois, il ne faut pas non plus s’attendre à des chocs positifs, même si Kamala Harris augmente les impôts pour les entreprises américaines.

La règle de Trump d’un nouveau cadre réglementaire («one-in, two-out») devrait-elle être introduite en Europe?

«Oui, à 100%», a affirmé Mme Tereba. Elle a fait remarquer que le programme électoral du gouvernement luxembourgeois visait à réduire la bureaucratie. Mandatée par le ministre de l’Économie, la Chambre de commerce, en consultation avec les entreprises nationales, procède actuellement à un examen de la charge administrative afin d’éliminer les réglementations obsolètes ou inadaptées. Elle estime cependant que «l’accent devrait être mis sur le niveau européen, où la perte de compétitivité est la plus importante».


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«Le rapport Draghi est très critique à l’égard de la réglementation européenne (…) qui appelle à la déréglementation (…) avec des règles compatibles a minima entre les pays», a affirmé M. Ledent. Il craint également que l’impossibilité totale d’utiliser les données pour former l’intelligence artificielle, conformément au RGPD, ne freine le progrès technologique en Europe dans le secteur.

«Je n’ai pas l’impression que le rapport Draghi soit devenu la bible de la Commission européenne», a poursuivi M. Ledent. Il ne croit pas à la suppression massive des réglementations en Europe, car elles marquent une «différence culturelle fondamentale» avec les États-Unis. Il pense que le ralentissement du progrès technologique, l’absurdité de certaines de ses réglementations et/ou une plus grande divergence de développement économique forceront l’Europe à agir de manière plus décisive, mais seulement lorsqu’elle sera dos au mur.

Cet article a été rédigé initialement , traduit et édité pour le site de Paperjam en français.