L’impact direct des droits de douane américains potentiels sur l’économie luxembourgeoise serait relativement faible, l’exposition du PIB aux exportations directes de biens vers les États-Unis ne représentant que 0,13%, selon Ruben Dewitte, économiste chez ING et professeur invité à l’université de Gand. Il a indiqué à Paperjam que le Luxembourg a exporté des biens d’une valeur de 515 millions d’euros vers les États-Unis en 2023, ce qui représente 15,8% de ses exportations extracommunautaires totales. Toutefois, l’économie luxembourgeoise repose principalement sur les services, en particulier les services financiers, ce qui rend le commerce de biens avec les États-Unis moins important en termes de PIB global.
Ruben Dewitte a expliqué que l’exposition du Luxembourg au PIB pourrait augmenter si l’on considère son rôle dans la fourniture de biens ou de services intermédiaires à d’autres nations de l’UE, qui sont ensuite exportés vers les États-Unis. Par exemple, les constructeurs automobiles allemands qui exportent vers les États-Unis s’appuient sur les services financiers du Luxembourg. Si les États-Unis imposaient des droits de douane, cet aspect du PIB luxembourgeois serait également affecté. Ruben Dewitte a estimé qu’en tenant compte de l’exposition indirecte, l’impact total des droits de douane américains sur le PIB luxembourgeois serait d’environ 0,98%. Bien que ce chiffre reste relativement faible par rapport à l’exposition globale de l’UE de 1,93%, il a averti que les effets indirects de la réduction de la consommation et de l’investissement dans les économies européennes pourraient amplifier les conséquences.
Impact potentiel sur l’UE
Ruben Dewitte a évalué que si l’administration du président américain Donald Trump devait mettre en œuvre de nouveaux droits de douane contre l’UE, cela pourrait réduire le PIB de l’Union de 0,33% à court terme. Il a souligné que, bien que ce chiffre puisse sembler marginal, il s’agirait d’un revers important pour des économies déjà aux prises avec la stagnation. Au fil du temps, a-t-il averti, l’impact négatif pourrait encore augmenter.
Il a estimé qu’un droit de douane de 25% imposé par les États-Unis sur les produits européens pourrait entraîner une baisse de 19% des exportations de l’Union européenne vers les États-Unis. Le PIB contenu dans ces exportations étant estimé à 1,93% du PIB total de l’UE, il en résulterait une contraction du PIB à court terme de 0,33%. D’autres effets indirects, tels que la perte de confiance des investisseurs et l’instabilité des marchés financiers, pourraient encore aggraver le ralentissement économique.
À long terme, Ruben Dewitte a prévu que l’impact direct sur le PIB de l’UE pourrait atteindre 0,87% dans le cadre d’un scénario de droits de douane de 25%. Au fil du temps, les consommateurs et les producteurs américains pourraient identifier des fournisseurs de substitution, réduisant ainsi leur dépendance à l’égard des importations européennes. Les conséquences économiques pourraient s’aggraver en raison d’effets multiplicateurs, notamment des pertes de production entraînant des suppressions d’emplois, un affaiblissement de la demande des consommateurs et une réduction des investissements. Ces facteurs renforceraient le déclin global du PIB, amplifiant potentiellement l’impact négatif des droits de douane américains sur l’économie européenne.
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Volume des échanges entre les États-Unis et l’UE
Les États-Unis restent le principal partenaire commercial de l’UE pour les biens en 2023, avec des exportations s’élevant à 504 milliards d’euros, soit 20% de l’ensemble des exportations extra-UE. L’Allemagne représente à elle seule 158 milliards d’euros, soit 31% de ce total, ce qui en fait l’économie européenne la plus exposée au marché américain. Malgré cela, les échanges de l’Allemagne avec les États-Unis ne représentaient que 22% du total de ses échanges extra-UE, une proportion similaire à celle de l’Italie et à la moyenne de l’UE.
L’exposition relative des autres grandes économies au marché américain était plus faible. Les exportations de la France vers les États-Unis représentaient 16,3% de ses échanges extra-UE, suivies par celles des Pays-Bas (15,5%) et de l’Espagne (13,1%). En revanche, c’est l’Irlande qui est la plus exposée, avec 46% de ses échanges extracommunautaires dirigés vers les États-Unis. Ruben Dewitte attribue cette situation au traitement fiscal favorable des multinationales américaines et à la présence de l’industrie pharmaceutique américaine en Irlande. Outre les produits pharmaceutiques, les échanges entre l’UE et les États-Unis concernent principalement les voitures, les machines et équipements et les produits chimiques.
Exposition variée
Ruben Dewitte a analysé plus en détail l’exposition au PIB dans l’UE, en soulignant les différences entre les États membres. Pour la Belgique, voisine du Luxembourg, les exportations indirectes vers les États-Unis par l’intermédiaire d’autres économies de l’UE ont fait passer son exposition au PIB de 0,9% à 1,54%. Par rapport à l’exposition globale de l’UE de 1,9%, la France et l’Espagne étaient moins exposées, avec 1,1% du PIB. L’Allemagne et l’Italie, en revanche, étaient confrontées à des risques plus considérables, avec des expositions de 2,1% et 2%, respectivement.
La vulnérabilité de l’Allemagne et de l’Italie provenait en grande partie d’une exposition directe, le commerce direct de ces deux pays avec les États-Unis représentant 1,7% de leur PIB. Leurs exportations contiennent une part relativement élevée de valeur ajoutée nationale, ce qui intensifie les répercussions économiques d’éventuels droits de douane américains. L’Irlande est l’économie la plus exposée, les exportations liées aux États-Unis représentant 9,7% de son PIB.
Toutefois, M. Dewitte a rappelé que l’impact économique final dépendrait de la durée des droits de douane, de la capacité d’adaptation des exportateurs de l’UE, de tout changement potentiel – qu’il s’agisse d’augmentations ou de diminutions – et de la mesure dans laquelle la dynamique du commerce mondial évolue en réponse, ce qui rend ces estimations préliminaires et sujettes à modification.
Cet article a été rédigé initialement , traduit et édité pour le site de Paperjam en français.