Qu’est-ce qui a motivé le cabinet Temime à poser un pied au Luxembourg?
Gwennhaëlle Barral. – «Depuis mon arrivée il y a quatre ans au sein du cabinet, nous avons reçu un flux constant de dossiers soit entièrement luxembourgeois, soit qui comprennent un volet luxembourgeois. Comme ces dossiers couvrent le droit pénal des affaires, une matière dans laquelle je suis spécialisée, ils m’ont été attribués par opportunité, mais avec la réelle satisfaction de découvrir ce marché en toute humilité et avec créativité. J’y suis présente en alternance avec l’activité à Paris. Notre volonté est de nous implanter durablement, en grandissant, comme nous l’avons fait à Marseille où nous avons ouvert un bureau en 2016.
Il y a donc une stratégie d’expansion du cabinet…
«La conviction de notre fondateur, Hervé Temime, est de considérer que le droit pénal des affaires a vocation à s’exporter. Cette matière représente une activité sur le long terme pour les avocats en raison de la tendance au durcissement des sanctions, en droite ligne du renforcement du cadre réglementaire. Or, tant au Luxembourg qu’en France, nous sommes en décalage sur les montants des sanctions pratiquées à l’international, par exemple aux États-Unis. Nous pensons que l’Europe va opérer un rattrapage.
Votre cabinet défend notamment le multientrepreneur Flavio Becca. Que viennent chercher de tels noms lorsqu’ils frappent à votre porte?
«Pour ceux qui nous connaissent, ils viennent chercher une étiquette de spécialiste du droit pénal des affaires qui peut les rassurer. Au Luxembourg, des équipes spécialisées se développent, mais il y a peu d’équipes qui sont entièrement dédiées aux cols blancs.
Comment percevez-vous le paysage des avocats au Luxembourg?
«Il est dominé par des cabinets importants actifs dans le droit des affaires, par les cabinets du Magic Circle, ce qui est logique compte tenu de l’activité de la place financière.
Quelle est votre ambition dans ce contexte?
«Nous voulons proposer une boutique autour du contentieux et qui ne soit pas une fonction support de l’activité transactionnelle, comme c’est souvent le cas dans ces cabinets. Nous pensons, du reste, que l’activité foisonnante dans notre secteur permet tout de même à de nouveaux venus de se développer, sous l’effet de la croissance du pays.
Vous voulez également développer une activité de prévention. En réponse à la réglementation grandissante?
«Le volet préventif est en effet en train de prendre une grande ampleur. Ce “monstre réglementaire” entraîne de plus en plus de potentiels problèmes devant les instances concernées et donc de plus en plus de travail pour les avocats.
Quel regard portez-vous sur la pratique judiciaire ici?
«La première différence qui m’a sauté aux yeux est de nature organisationnelle: l’horaire des audiences, qui peuvent durer parfois jusqu’à tard dans la nuit en France. Ici, l’audience commence à 9 heures avec une pause pour déjeuner, et il est très rare qu’elle se prolonge au-delà de 17h30. Nous sommes donc sur un rythme plus condensé.
On retrouve le trait de pragmatisme attribué au pays…
«C’est en effet l’impression que l’on peut avoir avec des juges qui conduisent leur audience d’une main de maître, en sachant que l’avocat n’est de toute façon jamais le maître du temps. Cette manière de procéder ne me dérange pas, car un dossier en correctionnelle se gagne ou se résout toujours sur quelque chose de simple, autour du nœud de l’audience. Le reste n’est que du contexte.
Comment présenteriez-vous le Luxembourg sur base de votre récente acclimatation?
«On sent que la vie professionnelle occupe une place non négligeable dans la vie des habitants du pays. Le pays est aussi un melting-pot intéressant, avec beaucoup de gens de divers horizons qui arrivent ici souvent pour des raisons professionnelles, et finissent par s’y établir.»