Thomas Alberti, Senior Associate chez Luther. © Blitz Agency 2021

Thomas Alberti, Senior Associate chez Luther. © Blitz Agency 2021

Dans un contexte marqué par le télétravail et la digitalisation des échanges, il apparaît opportun d’encadrer juridiquement le droit à la déconnexion. Au Luxembourg, celui-ci devrait prochainement s’inscrire dans la loi. Il s’agit maintenant, pour les entreprises, de se poser les bonnes questions et de se préparer à cette révolution.

Parmi ses ambitions pour la période 2018-2023, le Gouvernement luxembourgeois avait prévu la mise en place du droit à la déconnexion. «Il existe plusieurs approches au niveau européen. En effet, si des États tels que la France et la Belgique ont choisi de légiférer, d’autres pays tels que l’Allemagne ont souhaité, pour le moment, laisser l’initiative aux structures privées. Enfin, certains pays comme la Suisse privilégient une approche pragmatique en affirmant que les cadres législatifs actuels suffisent», explique Thomas Alberti, Senior Associate chez Luther.

Moderniser la législation applicable

Après avoir envisagé de laisser la main aux structures privées, le législateur luxembourgeois a finalement décidé de déposer, il y a quelques mois, un projet de loi n°7890 qui pourrait rapidement être adopté. «Celui-ci introduit cette notion de droit à la déconnexion au sein du Code du travail ainsi que des sanctions administratives qui s’appliqueront après une période de transition, pouvant aller jusqu’à trois ans, afin de laisser aux opérateurs privés le temps de s’organiser. Le projet de loi laisse ainsi une grande marge de manœuvre aux opérateurs privés, soit au niveau du secteur soit au niveau des entreprises, pour mettre en place ce droit à la déconnexion.»

Si, dans les faits, ce droit existait déjà (l’employeur devant assurer la sécurité et la santé des employés et ne pas les contraindre à travailler en permanence), il apparaissait nécessaire de poser ce principe dans le cadre normatif luxembourgeois, en particulier au regard du développement du télétravail et de la digitalisation toujours plus importante des échanges commerciaux. «Nous pouvons soit aborder ce droit à la déconnexion sous l’angle du télétravail, en ce qu’il constitue un nouvel outil pour organiser le télétravail, soit sous un angle beaucoup plus large, en ce que ce droit à la déconnexion trouve à s’appliquer dans des relations de travail classiques. En effet, dans le contexte économique luxembourgeois, de très nombreux opérateurs privés sont en relation constante avec d’autres grandes places financières mondiales ou des villes extrêmement dynamiques à l’étranger, ce qui implique qu’un nombre toujours plus important de salariés travaillent sur une grande amplitude horaire en raison des décalages horaires.»

Une mise en place au cas par cas

Que comprend ce projet de loi? Tout d’abord, le projet de loi pose l’obligation de définir et de mettre en place un régime spécifique assurant l’effectivité du droit à la déconnexion. Le projet de loi entend également donner une place importante à la délégation du personnel dans la mise en œuvre de ce droit à la déconnexion, qui, selon le cas, sera amenée à se prononcer lors des négociations de convention collective ou d’accord subordonné, ou lors de consultation au sein des entreprises. Enfin, le projet de loi pose le principe d’amendes administratives, dont les montants pourront aller jusqu’à 25.000 euros, en cas de manquements avérés d’un employeur dans la mise en place de ce droit.

Les impacts de ce droit à la déconnexion sur la vie des entreprises seront importants et, dans ce contexte, le Conseil Économique et Social préconise de mettre l’accent sur la sensibilisation et la formation afin de préparer tant le management que les salariés eux-mêmes à la mise en place du droit à la déconnexion. Certains travailleurs pourraient toutefois ‘échapper’, dans un premier temps, à ce droit à la déconnexion. «Plusieurs zones du projet de loi restent à travailler et à préciser. Nous visons notamment (i) les cadres supérieurs, qui bénéficient d’un régime particulier au niveau des heures supplémentaires, et (ii) le cas de certains secteurs où la coordination avec d’autres opérateurs à l’étranger impose des horaires variables et la gestion des décalages horaires. Une appréhension au cas par cas sera nécessaire et, en tout état de cause, des dérogations devraient être possibles si celles-ci s’accompagnent de compensations.»

Anticiper les changements

Sensibiliser les employeurs dans le but de se préparer à cette évolution est primordial. Le cabinet d’avocats Luther accompagne et conseille ces dirigeants. «Nous intervenons à titre de conseiller lors de négociations de conventions collectives. Nous apportons également notre aide aux employeurs pour mettre en place ce droit à la déconnexion et assurer un équilibre entre la sécurité et la santé des employés, d’une part, et les impératifs économiques des entreprises, d’autre part.»

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