On attendait, ce mercredi 22 janvier, Donald Tusk sur les grands thèmes de la présidence polonaise, programme ayant la sécurité au cœur. Optant pour ne pas passer de nouveau en revue le programme dévoilé en début d’année, il a axé son discours sur la crise de l’esprit européen. Un esprit européen vu comme le moteur de ce programme, la force motrice.
«N’ayez pas peur!», a-t-il lancé aux députés. Face aux élus, il a martelé son credo: il faut combattre l’actuelle crise de l’esprit européen. «Pour répondre à ce moment de vacillement dans le monde, l’Europe n’a pas à avoir de complexes. Il faut dire aux citoyens de garder la tête haute. L’Europe était, est et restera toujours grande. L’Europe est forte, l’Europe est grande et son avenir est brillant. L’UE a construit sa grandeur par de multiples sauts dans l’inconnu sans peur.» Sans aller jusqu’à promettre «du sang, des larmes et de la sueur», comme Winston Churchill, il a été clair: «L’heure du confort est terminée.» Les défis à relever sont nombreux, mais ce sera plus facile si l’esprit européen est présent, selon lui. «Nous sommes forts, nous sommes des rivaux égaux face aux autres puissances», a-t-il insisté.
5% du PIB pour la défense
C’est grâce à cet état d’esprit qu’il compte relever le défi de la sécurité intérieure. Donald Tusk a plaidé pour que la barre des 5% du PIB consacrés à la défense soit atteinte. «L’Europe sera un allié valeureux pour Washington si nous assumons notre sécurité», a-t-il martelé. Dans un contexte de méfiance envers Washington, la Pologne fait déjà valoir que les dépenses de défense des pays de l’UE profiteront largement aux États-Unis. Une position qui agace le ministre français de la Défense, Sébastien Lecornu, qui préférerait que Commission européenne comme Conseil mettent l’accent sur le développement d’une véritable industrie européenne de la défense. En parallèle, Varsovie envisage une coopération accrue avec son partenaire outre-Atlantique dans le secteur de l’énergie, notamment en ce qui concerne l’achat de gaz naturel liquéfié.
C’est également grâce à cet état d’esprit que le Président du Conseil de l’Union européenne. compte s’attaquer à la sécurité extérieure, et plus spécialement au problème des migrations. «Nous devons éviter d’être naïfs sur la question des migrations.» Pour lui, nous sommes arrivés à une situation où le respect de nos valeurs démocratiques est perçu comme un signe de faiblesse. «La démocratie, sans perdre de vue ses valeurs, doit redevenir synonyme de force et de puissance. Si nous voulons préserver nos valeurs, il faut garantir la sécurité de nos frontières!» Sans donner d’indice sur l’avenir du pacte migratoire.
Déréguler et revoir le Green Deal
Pour ce qui est de la sécurité économique, il a lancé un appel aux parlementaires: «L’Europe doit de nouveau être créative et compétitive. Cela relève de la mission du Parlement européen», a-t-il dit aux députés, en les incitant à opérer une révolution copernicienne: travailler à une réglementation qui permettra aux entreprises de retrouver des marges de manœuvre. Réglementation et pas simplification. «De cela dépendront notre compétitivité et notre sécurité énergétique.» La sécurité alimentaire également. Donald Tusk a appelé à faire baisser «le fardeau administratif qui pèse sur nos agriculteurs».
Il a ensuite exhorté les parlementaires à revoir le Green Deal pour lutter contre la flambée des prix de l’énergie. «Une fois la guerre en Ukraine terminée, nous ne retrouverons pas les hydrocarbures russes et son confort. C’est pour cela qu’il est crucial de veiller à ce que l’énergie en Europe ne soit pas la plus chère du monde. La réglementation européenne a mené à des niveaux de prix inacceptables. Ne soyons pas naïfs: protéger notre environnement ne doit pas se faire contre les citoyens et les entreprises. Il faut mener une réflexion critique et en profondeur sur les dispositifs actuels.»
Service après-vente
Place à l’action, maintenant. On parle de la présidence polonaise, mais il serait plus juste techniquement de parler d’un trio de présidence. Aux côtés de la Pologne, il y a aussi le Danemark et Chypre qui, ensemble, ont élaboré un programme pour les 18 prochains mois. Un programme qui veut appeler à une Europe forte et sûre, compétitive, prospère et démocratique. Mais, sur le court terme, ensemble, ils devront assurer le service après-vente du rapport Draghi et – les deux sujets sont liés – entamer les négociations sur le budget de l’Union post-2027. Et c’est Varsovie qui devra initier les premières discussions budgétaires. Tout comme il lui reviendra d’assurer la poursuite du soutien à l’Ukraine – pays avec lequel la Pologne partage 535 kilomètres de frontière. Et ce à un moment où la France et l’Allemagne ne sont pas en mesure d’assurer leur traditionnel leadership.