Selon plusieurs avocats, les sociétés boîtes-aux-lettres sont de moins en moins nombreuses au Luxembourg, car de moins en moins attractives. Romain Gamba / Maison Moderne

Selon plusieurs avocats, les sociétés boîtes-aux-lettres sont de moins en moins nombreuses au Luxembourg, car de moins en moins attractives. Romain Gamba / Maison Moderne

Un peu plus de six ans après les LuxLeaks, l’affaire OpenLux amène à nouveau son lot de questions en matière de fiscalité et de domiciliation de sociétés. Pourtant, les acteurs du secteur sont soumis à de nombreuses règles strictes, les contrôles sont fréquents et les punitions peuvent être sévères. 

L’affaire OpenLux a attiré l’attention sur des acteurs spécialisés dans la domiciliation d’entreprises et autres entités d’investissement au Luxembourg. Où plusieurs possibilités existent pour concrétiser cette démarche.

Ainsi, rappelle la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF), «seuls sont habilités à exercer l’activité de domiciliation les établissements de crédit, les autres professionnels du secteur financier ou du secteur des assurances, les avocats, les réviseurs d’entreprises et les experts-comptables, ainsi que les domiciliataires spécialement autorisés à cet effet par le gouvernement».

Une simple démarche administrative

Concrètement, la démarche pour domicilier une société est assez simple, explique Denis Vandenbulke, avocat à la Cour pour le cabinet Vandenbulke, qui détaille: «Il faut créer l’entité chez un notaire, nommer les membres du conseil d’administration. Cela se fait souvent assez vite et la plupart du temps, les clients n’ont pas de bureau et demandent aux cabinets de réceptionner le courrier ou de mettre à disposition des locaux qui peuvent recevoir des réunions. Les clients viennent, concluent un contrat de domiciliation par lequel est défini le siège social, ainsi que, souvent, un contrat de comptabilité géré selon le droit luxembourgeois. Ils sont ensuite enregistrés auprès du registre des entreprises. Il est aussi parfois possible qu’un contrat d’assistance fiscale soit fait pour leur compte, ainsi qu’un contrat d’administration pour les problèmes qui pourraient être rencontrés.»

Simple sur le papier, tout cela ne se fait pas sans un bon nombre de règles strictes, assure un confrère de Me Vandenbulke, qui explique: «On a aussi des obligations et le Barreau est très vigilant. Il y a un processus d’identification du client, de l’objectif de la procédure, de l’origine des fonds. On analyse, enquête. Si on n’est pas à l’aise, on refuse.»

De moins en moins de boîtes aux lettres

Bien sûr, certains ont moins de scrupules. «Il est possible que certains cabinets se posent moins de questions: ‘Je domicilie la société, on me paie, je reçois le courrier et je le renvoie.’ Mais ils sont de moins en moins nombreux», estime Denis Vandenbulke. Qui l’explique par plusieurs raisons: «Tout le monde pense que dès qu’il est question de domiciliation, il s’agit de fraude fiscale. Mais l’intérêt fiscal tend à disparaître pour les entreprises au Luxembourg avec la Commission européenne qui a repris le dessus en matière de concurrence. Si on offre un régime favorable à une entité luxembourgeoise, ça crée une distorsion de concurrence et ça contrevient, de fait, aux traités européens. La législation européenne n’apporte pas d’avantage incroyable au Luxembourg.»


Lire aussi


Concernant les fameuses boîtes aux lettres, elles seraient, d’après un certain nombre d’avocats du pays, de moins en moins nombreuses. «Le passage par le Luxembourg ne se fait plus uniquement pour des raisons fiscales, mais aussi parce que le pays est un centre économique important, qu’il y a du relationnel, des relais économiques majeurs, etc. Il est donc important d’avoir des gens sur place», explique un avocat d’un grand cabinet du pays, qui nuance par ailleurs: «Le souci, c’est que quand vous avez une holding, elle ne fait pas grand-chose, elle gère un portefeuille de participation, ce sont des entités de transit. Alors, et c’est le cas dans n’importe quel pays, vous n’allez pas prendre des bureaux de trois mètres carrés pour gérer trois lignes de bilan, ça n’a pas de sens. Vous ne créez pas une infrastructure énorme pour une activité qui ne le nécessite pas.»

À la demande des banques

Enfin, explique Denis Vandenbulke, le passage par le Luxembourg est également souvent une condition sine qua non imposée par les banques à l’étranger lorsqu’il est question de financements et de prêts. «Nous avons au Luxembourg un système qui donne une grande sécurité au prêteur. S’il y a un problème, il est possible d’actionner différents leviers, de prendre le contrôle de l’emprunteur, ou de l’immobilier par exemple.»

Dans l’éventualité où des doutes subsisteraient quant au fait que le but principal d’une domiciliation soit fiscal, les avocats sont tenus de notifier le Barreau. Et les manquements sont sévèrement punis, avec de possibles sanctions pénales et des indemnités pouvant grimper jusqu’à 250.000 euros. Si bien que la collecte de données et informations concernant les clients est devenue une partie importante du travail, pouvant, selon les estimations de plusieurs avocats spécialisés, représenter près de 20% des coûts.

Les comptables aussi soumis à des règles strictes

Du côté des experts-comptables et autres fiduciaires – également habilités à établir des domiciliations –, des règles existent aussi. La procédure est sensiblement similaire à celle des avocats avec un contrôle minutieux des antécédents et autres données relatives au client. En cas de doute en matière de blanchiment, explique-t-on chez une fiduciaire du pays, «nous devons nous tourner vers la Cellule du renseignement financier».

Les fiduciaires et experts-comptables sont eux aussi régis par des règles strictes. Outre ces garde-fous, un contrôle confraternel est également mis en place dont la fréquence et l’intensité dépend des résultats de «l’approche de surveillance fondée sur les risques» selon les dispositions de la Loi LBC/FT, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.