Le rapport de la Cour européenne pointe de nombreuses faiblesses dans le budget de l’UE, notamment à propos des dépenses, de la Facilité pour la reprise et la résilience ou encore concernant les fonds de développement.  (Photo: Shutterstock)

Le rapport de la Cour européenne pointe de nombreuses faiblesses dans le budget de l’UE, notamment à propos des dépenses, de la Facilité pour la reprise et la résilience ou encore concernant les fonds de développement.  (Photo: Shutterstock)

La Cour des comptes européenne (ECA) a publié son rapport annuel pour l’année 2023 qui met en évidence des faiblesses dans la gestion financière de l’UE. L’institution a notamment exprimé une opinion défavorable sur les dépenses budgétaires de l’UE et a pointé quelques faiblesses du plan de Facilité pour la reprise et la résilience. Voici dix points clés extraits de ce rapport. 

Les comptes de l’UE tout comme sa gestion financière pour l’année 2023 ont été passés au crible par la Cour des comptes européenne. Cette dernière tire la sonnette d’alarme sur la gestion financière de l’UE et souligne la nécessité d’une gestion plus rigoureuse pour garantir la bonne utilisation des fonds publics et la réalisation des objectifs des politiques européennes. 

Les auditeurs de la Cour des comptes européenne ont ainsi donné leur avis sur deux grands points: l’exactitude et la fiabilité des comptes d’une part, et la régularité et la légalité d’autre part, c’est-à-dire le fait que l’argent ait bien été fléché. Ainsi, en 2023, les paiements de l’UE ont totalisé 239,2 milliards d’euros: 191,2 milliards d’euros de dépenses provenant du budget de l’UE et 48 milliards d’euros supplémentaires dépensés au titre de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR).  

1. La Cour des comptes européenne favorable sur les recettes

 En 2023, «les recettes se sont élevées au total à 248,4 milliards d’euros». Le budget de l’UE est financé en grande partie par les contributions des États membres (à hauteur de 97,7 milliards d’euros au total). Selon la Cour des comptes, «les systèmes de gestion des recettes examinés ont été généralement efficaces».

Toutefois, 67,6 milliards d’euros de ces recettes proviennent des montants empruntés dans le cadre de NextGenerationEU. Si cela n’a pas d’incidence sur le principe d’équilibre entre recettes et dépenses, la Cour des comptes souligne que «d’un point de vue comptable, le compte de résultat ne tient pas compte, dans les recettes, du montant emprunté au titre de NextGenerationEU, alors qu’il prend en considération les dépenses liées aux subventions accordées dans le cadre de l’initiative. Il en résulte un effet négatif sur le résultat économique de l’exercice.»


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2. … mais défavorable sur les dépenses

Les dépenses budgétaires de l’UE se sont montées à 191,2 milliards d’euros. Environ les trois quarts du budget sont dépensés dans le cadre de la gestion partagée. C’est-à-dire que les États membres allouent les fonds, sélectionnent les projets et gèrent les dépenses de l’UE. 

La Cour des comptes européenne a formulé une opinion défavorable sur les dépenses budgétaires de l’UE, en raison d’un niveau d’erreur global significatif, de 5,6%, ce qui dépasse le seuil de 2% et conduit donc à cette opinion défavorable. Elle distingue les dépenses à faible et à haut risque. Pour ces dernières, qui représentent 64,4% du total, le niveau d’erreur était de l’ordre de 7,9%. «Nous considérons comme à haut risque les dépenses de l’UE pour lesquelles les bénéficiaires doivent souvent respecter des règles complexes lorsqu’ils introduisent des demandes de remboursement des coûts supportés», détaille la Cour qui évoque une évolution «inquiétante». 

«Nous constatons que plusieurs facteurs exercent une pression supplémentaire sur les administrations des États membres et accroissent le risque qu’elles ne soient pas en mesure de garantir la régularité des dépenses», explique la Cour. Toujours en lien avec les dépenses, la Cour des comptes indique aussi avoir recensé «12 cas de fraude présumée sur les dépenses 2023». 

3. L’augmentation des risques financiers liés à l’Ukraine

«En 2023, l’exposition du budget de l’UE à l’Ukraine a plus que doublé par rapport à 2022, passant de 16 milliards d’euros à 33,7 milliards d’euros», indique le rapport de la Cour des comptes européenne selon qui le risque potentiel de défaut de remboursement à des exercices ultérieurs peut mettre sous pression les futurs budgets. Ces prêts ne nécessitent pas de provisionnement pour couvrir les risques de défaut car ils sont garantis par la marge de manœuvre du budget de l’UE. Mais la Cour souligne toutefois que ce mécanisme pourrait exercer une pression importante sur les budgets et les besoins de paiement de l’UE dans les années à venir.  

Cette augmentation est principalement due à l’octroi de prêts importants pour soutenir l’Ukraine contre la Russie. «Dont 18 milliards d’euros de prêts AMF+, 11,6 milliards d’euros de prêts AMF, 0,3 milliard d’euros de prêts Euratom et 3,8 milliards d’euros de garanties budgétaires pour les prêts en cours, fournies par la BEI et d’autres institutions financières. La Commission a comptabilisé une provision pour dépréciation de 8,8 milliards d’euros (contre 2,2 milliards en 2022) concernant les prêts AMF et AMF+ accordés à l’Ukraine, afin de tenir compte des pertes attendues sur leur durée de vie», détaille l’institution. 

4. Une opinion réservée sur le plan Facilité pour la reprise et la résilience (FRR)

La Cour des comptes a émis une opinion avec réserve sur les dépenses au titre de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR), motivée par plusieurs facteurs. Ces dépenses se sont élevées en tout à 53,6 milliards d’euros. D’abord, «la Commission a effectué 23 paiements de subventions en faveur des États membres, en lien avec un total de 542 jalons et l’ensemble des 135 cibles. Sept paiements ont fait l’objet de constatations quantitatives. Six d’entre eux présentaient un niveau d’erreur significatif, aussi émettons-nous une opinion avec réserve sur les dépenses de la FRR», est-il expliqué dans le rapport. 

La Cour évoque aussi des problèmes de conception des jalons et des cibles ou les faiblesses dans les systèmes de contrôle et d’établissement de rapports des États membres. Dans le détail, elle a relevé 15 cas de jalons ou cibles mal définis, qui ont contribué à une «appréciation plutôt discrétionnaire de leur réalisation satisfaisante ou compromettant la capacité de la FRR à obtenir les résultats escomptés». Enfin, la Cour pointe aussi un déficit d’assurance lié au fait que les paiements de la FRR ne sont pas fondés sur le coût réel des mesures et que les États ne fournissent pas d’informations sur les dépenses effectivement supportées par les bénéficiaires finaux.

5. Un niveau d’erreur significatif 

Comme détaillé plus haut, la Cour met en avant un niveau d’erreur significatif dans les dépenses budgétaires. Cela lui a valu une opinion défavorable sur le volet dépense. Une «erreur» est définie comme le montant d’une dépense qui n’aurait pas dû être financée sur le budget. Ce qui pose également problème est l’évolution de ce niveau d’erreur, en augmentation constante et avec une nette progression en 2023. 

Si l’on s’intéresse à la nature des erreurs, détaillées dans le rapport, la part la plus importante sont des erreurs dites d’éligibilité (53%), mais aussi des infractions aux règles des marchés publics et sur les aides d’État, qui représentent 31% de ce niveau d’erreur.

Le niveau global d’erreur est principalement imputable à la rubrique «Cohésion, résilience et valeurs» (3,5 points de pourcentage), suivie par les rubriques «Ressources naturelles et environnement» (0,8 point de pourcentage) et «Voisinage et le monde» (0,8 point de pourcentage).

6. Des engagements qui restent à liquider

Le rapport annuel de la Cour des comptes européenne pour 2023 souligne un niveau record d’engagements restant à liquider, représentant un risque important pour le budget de l’UE. Il s’agit de fonds qui ont été promis par l’UE pour des projets ou programmes, mais qui ne sont pas encore effectivement payés aux bénéficiaires. Ils ont atteint 543 milliards d’euros. «Ces crédits risquent de devenir des dettes s’ils ne sont pas dégagés», est-il indiqué dans le rapport. Et donc exercer une pression sur les budgets futurs. Selon la Cour, il est crucial que la Commission prenne des mesures pour accélérer l’exécution des engagements existants et éviter une accumulation de dettes qui pèserait sur les budgets futurs.

7. Une faiblesse dans la gestion des Fonds de développement

Le rapport de la Cour des comptes européenne pour 2023 met en lumière plusieurs faiblesses dans la gestion des Fonds européens de développement (FED). Ces derniers représentaient un total de 2,1 milliards d’euros. Cela a conduit, là encore, à une opinion défavorable sur les dépenses au titre des FED en raison d’un niveau d’erreur significatif, de 8,9%. La Cour a détecté 14 opérations liées aux FED qui comportaient des erreurs. Elle pointe aussi des faiblesses dans les systèmes de contrôle interne. «Nous nous sommes rendus dans cinq délégations de l’UE (en Albanie, en Arménie, au Cambodge, en Géorgie et en Inde) et nous avons constaté que certains éléments de leurs systèmes de contrôle interne présentaient des faiblesses se manifestant, par exemple, par un budget insuffisant pour les visites de contrôle et par des retards dans la mise en œuvre des contrats faisant l’objet d’un financement mixte», illustre la Cour.

8. D’autres problèmes de conformité

La Cour des comptes européenne a identifié plusieurs problèmes de conformité dans sa présentation des rapports annuels pour l’exercice 2023. Parmi eux, les niveaux d’erreur déjà évoqués, mais aussi des infractions aux règles sur les marchés publics, et des faiblesses dans la gestion des réserves RNB et TVA, ainsi que dans les contrôles des RPT. «Certains des éléments destinés à la gestion des réserves RNB et TVA ainsi que des points ouverts concernant les RPT à la Commission, les principaux contrôles internes des RPT que nous avons évalués dans certains États membres ainsi que les systèmes visant à garantir la fiabilité et la comparabilité des données utilisées pour calculer la ressource propre fondée sur le plastique ont été partiellement efficaces», mentionne-t-elle. Elle ajoute également que le calcul des frais de personnel reste une source importante d’erreurs dans les déclarations de coûts au titre du programme Horizon 2020 mis en place depuis neuf ans. 

9. La nécessité d’une stratégie antifraude

Le rapport fait état de 20 cas de fraudes présumées communiquées à l’Office européen de lutte antifraude, dont 17 ont aussi fait l’objet d’un signalement au Parquet européen qui a ouvert neuf enquêtes. Parallèlement, la Cour dit avoir identifié des faiblesses dans les systèmes de contrôle, ce qui peut faciliter la survenance de fraudes. Par exemple dans le cadre de la FRR, la conformité aux règles européennes et nationales n’est pas systématiquement vérifiée. 

«Pour ce qui est de l’exercice 2023, nous avons examiné les systèmes de contrôle et de surveillance au Parlement européen en nous concentrant sur les quatre directions générales dont les dépenses sont les plus élevées et qui ont adopté différentes approches dans l’exécution des contrôles ex ante et ex post des dépenses. Le Parlement européen a pris des initiatives pour prévenir et détecter les fraudes, mais ne s’est pas doté d’une stratégie antifraude globale qui permettrait de coordonner les mesures dans l’ensemble de l’institution», détaille-t-elle. 

La Cour recommande spécifiquement au Parlement européen de renforcer ses mesures de lutte contre la fraude en élaborant une stratégie antifraude globale. Une recommandation qui s’applique aussi à l’ensemble des institutions et des organes de l’UE.

10. Recherche et innovation: faiblesses dans la gestion des subventions

La rubrique «Marché unique, innovation et numérique» du rapport a aussi été contrôlée. Elle représente un total de 25,3 milliards d’euros, soit 13,2% des dépenses budgétaires, pour des projets qui contribuent à la recherche et à l’innovation, au développement d’infrastructures européennes dans les secteurs des transports, de l’énergie et du numérique, aux communications, à la transformation numérique et au marché unique, ainsi qu’à la politique spatiale. Elle finance aussi les grands projets d’infrastructures. 

L’une des stratégies pour promouvoir la recherche européenne consiste à renforcer la participation du secteur privé, en particulier celle des nouveaux bénéficiaires et des PME. La Cour des comptes européenne souligne à ce titre que «les PME et les nouveaux bénéficiaires commettent plus facilement des erreurs que les autres bénéficiaires, constat qui se dégage également des audits de la Commission et de nos précédents rapports annuels». La Cour recommande notamment de préciser les lignes directrices sur les contrôles des marchés publics en raison des faiblesses qu’elle a pu observer.