Les réacteurs n°3 et n°1 de la centrale nucléaire de Cattenom sont à l’arrêt pour des raisons de maintenance. En septembre prochain, ce sera au tour du réacteur n°2. (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

Les réacteurs n°3 et n°1 de la centrale nucléaire de Cattenom sont à l’arrêt pour des raisons de maintenance. En septembre prochain, ce sera au tour du réacteur n°2. (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

Croire que la centrale nucléaire française de Cattenom fermera ses réacteurs au cours de la prochaine décennie, et même peu après, est une illusion. EDF investit actuellement 200 millions d’euros pour prolonger de 10 ans l’activité du réacteur n°3.

La centrale nucléaire de Cattenom, située juste à côté du Grand-Duché, connaît un début d’année chargé avec une «visite décennale» au programme pour son réacteur n°3. En France, chaque réacteur nucléaire passe une telle visite tous les 10 ans dans le but d’obtenir le feu vert pour 10 années de plus d’activité.

L’unité de production n°3, qui a été mise en service en 1990, subit donc une vérification en profondeur, en plus d’une multitude de processus de rénovation, afin d’obtenir de la part des autorités de sûreté nucléaire le droit de vivre un peu plus longtemps. Au grand dam des autorités luxembourgeoises qui, à l’image de (déi Gréng), sont globalement opposées à l’activité nucléaire dans le cadre de la production électrique. , a plusieurs fois clamé le ministre de l’Environnement.

Un «Grand Carénage» à 49 milliards d’euros

Cette troisième visite décennale a été longuement préparée dans le cadre du programme «Grand Carénage» d’EDF, qui a démarré en 2014 et qui doit se poursuivre jusqu’en 2025 pour un investissement total de plus de 49 milliards d’euros. Le programme vise à rénover l’ensemble des installations nucléaires de l’Hexagone pour permettre aux réacteurs de fonctionner 10 ans de plus, et donc au-delà de 40 ans.

«Ce programme a trois enjeux: prolonger la durée de fonctionnement des réacteurs, améliorer la sûreté pour l’ensemble des réacteurs du parc nucléaire français, prendre en compte les retours d’expérience de la catastrophe de Fukushima», assure Jérôme Le Saint, directeur de la centrale nucléaire de Cattenom, lors d’une matinée consacrée à la presse.

À noter que les unités 1 et 2 ont déjà eu droit à leur troisième visite décennale en 2016 et 2018. En 2023, ce sera le tour de l’unité n°4 de Cattenom. «Se posera alors la question du fonctionnement au-delà de 40 ans avec la quatrième visite décennale, dont la première sera prévue sur le réacteur n°1 en 2026», assure Jérôme Le Saint.

Trois chantiers d’ampleur

Cette visite décennale implique plusieurs chantiers majeurs, mais le directeur de la centrale nucléaire en pointe surtout trois. «Le premier est le contrôle de la cuve, seule pièce qui ne peut pas être remplacée. Le but est de l’inspecter pour savoir si elle va toujours bien, à l’aide d’un robot de 12 mètres de haut pour 12 tonnes», explique Yannick Simonet, directeur adjoint, avant d’indiquer que cette étape a déjà été réalisée en février dernier.

Deuxième chantier majeur dans le cadre de cette visite décennale: le contrôle du circuit primaire, le circuit dans lequel circule le fluide radioactif. La troisième épreuve est la vérification du bâtiment réacteur, c’est-à-dire la vérification du dôme en béton entourant le réacteur.

Pour Yannick Simonet, il faut retenir trois mots: «Rénover, contrôler et moderniser.» «Par exemple, on va rénover le contrôle-commande du réacteur, c’est-à-dire la rénovation des systèmes informatiques qui permettent de contrôler la réaction nucléaire. Autre exemple, la turbine et l’alternateur ont 30 ans de fonctionnement. Le matériel vieillit et on va donc le remplacer pour repartir sur un cycle de fonctionnement d’un certain nombre d’années.»

Moment particulier de la vie d’une centrale nucléaire, une visite décennale implique de nombreuses opérations sur le site, et donc la nécessité de faire venir des entreprises spécialisées de l’extérieur. «Globalement, nous allons accueillir sur toute la durée de la visite 3.000 intervenants», souligne Yannick Simonet.

Une turbine en maintenance. (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

Une turbine en maintenance. (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

Les leçons de Fukushima

Dix ans après la catastrophe nucléaire nipponne, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a exigé de nouvelles installations pour pallier toute catastrophe climatique. Évidemment, du côté de Cattenom, les risques de tsunami et de séisme sont très faibles. «Nous avons mis en place des installations pour nous prémunir d’éventuels dégâts causés par une tornade de 300km/h», explique Yannick Simonet. Concrètement, des cages grillagées ont été installées pour protéger les installations sur le toit ou le haut de la centrale.

Autre exigence, l’installation d’un moteur diesel pour chaque réacteur nommé «diesel d’ultime secours», ou «DUS». L’idée est d’avoir un dispositif pour alimenter la centrale nucléaire en électricité, et ses systèmes de sécurité, lors d’une situation de crise. C’est d’ailleurs ce qui avait fait défaut à Fukushima. Les moteurs diesel ont une autonomie de trois jours. «Avant d’enclencher le DUS, on dispose de cinq autres dispositifs pour alimenter en électricité la centrale», rassure Yannick Simonet, qui souligne que les moteurs diesel sont testés une fois par mois. Enfin, des aménagements pour éviter des inondations ont également été mis en place, là encore en se basant sur l’hypothèse d’une pluie plus que diluvienne.

Pour rappel, la centrale nucléaire de Cattenom permet d’alimenter en électricité 3 millions de foyers. En 2020, le site a produit 31,18 milliards de kWh bas carbone, soit l’équivalent de 70% de la consommation d’électricité de la région Grand Est.